dimanche 21 janvier 2024

Chercher Dieu encore?...

A une question intéressante, posée par un animateur radio à une personne croyante (entendue sur la Ligne de Cœur - RTS 1) : « Est-ce que vous cherchez Dieu encore? »
Ma réponse aurait pu être :

Quand vous avez trouvé l’amour, vous ne le cherchez plus, vous le vivez.

Et dans ce « vivre Dieu », il y a désormais plein de joies, de partages, de questions, de quêtes, de don de soi, de difficultés et de courage.

Vous vivez pleinement votre vie dans une relation authentique et profonde.

Et même si des craintes peuvent vous assaillir encore. Il y a une peur fondamentale qui vous a quitté.

La foi en Dieu n’est pas la fin d’une quête, ni un confort artificiel, c’est vivre une confiance dans le Christ qui féconde votre être intérieur pour l’offrir à autrui.


Photo: Eric Imseng

Au sujet de la joie...

Y a-t-il une joie sans chagrin ?

Y a-t-il une joie sans lutte ?

Y a-t-il une joie facile, évidente?

J’aime la joie simple et vraie

Au quotidien. Partagée

C’est pas toujours gagné

Mais toujours à refaire

Et toujours offert


Photo: Eric Imseng

mercredi 3 janvier 2024

Notre Père... qui est proche et différent

Quand vous priez, dites : Notre Père qui est aux cieux. Une prière qui a un peu plus de 2000 ans d’existence ! Depuis eu après le début du christianisme, elle est dite lors des célébrations, et dans toutes les communautés chrétiennes, et dans le monde entier. Impressionnant, vraiment !                                     


Pour débuter l'an nouveau, la prière, "nouvelle", de Jésus, en l'Evangile selon Matthieu, au chapitre 6.


Mais pas seulement. Cette prière que Jésus nous enseigne, ce ne sont pas que des mots à savoir et à dire. Il nous invite à une relation authentique et profonde avec son Père – Notre Père.

Avant de nous enseigner cette prière, Jésus à eu ces mots : Attention ! Quand vous pratiquer votre, ne le faites pas devant tout le monde pour que les gens vous regardent. Sinon, votre Père qui est dans les cieux ne vous donnera pas de récompense.

Par trois fois (relire les versets 1 à 8), Jésus nous invite à  vivre notre offrande, la prière et le jeûne avec discrétion. Mais plus encore : avec authenticité !

Revenons à la prière. Quand vous priez, ne parlez pas sans arrêt, comme ceux qui ne connaissent pas Dieu. Ils croient que Dieu va les écouter parce qu'ils parlent beaucoup (7).

Un théologien protestant (John Stott[1]) a très bien résumé la situation : Dans les exemples de Jésus, on risque de manquer et le but de la prière et d'en perdre le sens. Et Jésus donne une précision importante : Ferme ta porte et prie ton Père, qui est là, même dans cet endroit secret… Ton Père voit ce que tu fais et il te récompensera (6).

La chambre où Jésus nous invite à aller est sans doute un lieu symbolique. Celui de notre être intérieur, que Dieu voit et connaît. Cela pourrait faire peur. Une Dieu qui voit le plus profond de notre personne…? Est-ce qu’il ne serait pas un espion, un indiscret, un juge qui va nous condamner ?

Non, ce Dieu est ton père qui voit dans le secret (de ton cœur), sans complaisance, mais avec compréhension. Ainsi, le Notre Père, commence avec cette instruction bienveillante d’un Notre Père qui voit dans le secret. Donc pas la peine de faire le show, pas la peine de se cacher, pas la peine d’avoir peur. Simplement être là dans sa présence et laisser le Père céleste nous voir – nous rencontrer – tel que nous sommes, là où nous en sommes.

Jésus donne une seconde raison au danger de perdre le but et le sens de la prière : Ils croient que Dieu va les écouter parce qu'ils parlent beaucoup (7). Parler beaucoup ne sert à rien, et tenter de faire pression sur Dieu, cherché à le manipuler avec un flot de paroles ne sert à rien non plus. Pourquoi ? Car votre Père sait ce qu’il vous faut, avant que vous le lui demandiez (8).

Un mot important ici : Père. Nous l’avons lu plus haut : pas un père distant ou lointain. Un père qui n’est pas un être insensible qu’il faut harceler pour le persuader de nous faire du bien. Non, il est un père qui aime ses enfants et qui est au courant de leur besoins.

Alors pourquoi prier ? Le Réformateur Martin Luther a écrit que Par nos prières… nous nous instruisons nous-mêmes, plus que nous instruisons Dieu. Prier le Dieu qui sait ce dont nous avons besoin, ce n’est pas l’importuner avec une liste de choses, mais simplement parler ensemble de nos besoins.

Aujourd’hui, ce mot besoin a un sens qui nous aide sans doute à comprendre : le besoin est ce qu’il nous faut pour être satisfait, heureux – et pas seulement pour notre être physique. Par exemple : être accepté, être compris, avoir un but dans la vie, etc.

Ainsi, le Notre Père, commence avec cette assurance paisible d’un Notre Père qui sait ce dont nous avons besoin. Et parler de cela avec quelqu’un qui sait, ce n’est pas inutile, mais rassurant. Plus qu’une liste à faire accepter, prier Dieu le Père est un échange qui nourrit notre personne et le sens de sa vie.

Et nous y voici, pour conclure : Vous donc, priez de cette façon : notre Père qui est dans les cieux. Cette prière n’est pas seulement un modèle unique, elle est aussi une inspiration pour d’autres prières, d’autres paroles, d’autres silences, pour « quand nous prions ».

Dieu le Père qui est proche et différent. Notre Père  est  proche, nous l’avons dit, mais Il est aux cieux. Donc, proche ou lointain ? En fait, proche et différent. Qui est aux cieux ne veut pas dire là-haut dans le ciel, mais en  dehors de notre univers, en dehors de la Création. L’auteur d’un tableau n’est pas dans son tableau, mais son tableau vient pourtant bien de lui. Pareil pour Notre Père, nous sommes proches de lui et il est proche de nous, au point que nous sommes ses enfants et lui notre Père. Mais il reste autre que nous, on ne peut pas le mettre en boîte ni dans notre poche. Aussi, certains théologiens l’on présenté comme le Tout-Autre.

Insistons un peu maintenant sur Notre Père. Plusieurs théologiens nous rendent attentifs à ce que cela suppose. Jésus ne nous invite pas seulement à prier chacun pour soi, mais  en communauté. Il ne nous enseigne pas à dire Mon Père à moi tout seul, mais Notre Père. On ne peut pas dire le Notre Père pour rejeter l’autre, ou l’abaisser – un peu comme ses disputes d’enfants : « mon père il est plus fort que le tiens… »

Ainsi, quand je prie, quand tu pries, quand nous prions ... parce qu'il est notre Père, nous pouvons être vrais. Nous pouvons faire confiance. Nous nous sentons proches de Dieu, au plus près de nous-mêmes, et en lien avec les autres. 

Et nous pouvons écouter ce que Dieu le Père a à nous dire, quelque chose de prévu, ou quelque chose de nouveau ou de différent.




[1] John Stott, Matthieu 5 – 7, le sermon sur la montagne, PBU (Paroles pour vivre)


jeudi 28 décembre 2023

Méditer Noël, après Noël... C’est-y pas Dieu possible ?

Maintenant que la fête de Noël est passée, est-il encore permis d’en parler ? Et pourquoi pas ? Et pourquoi pas le faire « à tête reposée », justement parce que la fête est passée ? Peut-être même, nous ouvrira-t-elle un chemin intérieur pour aller vers l’an nouveau.

Cette méditation repose sur une chanson et sur la lecture de la naissance de Jésus dans l’Evangile de Luc. La chanson, « On écris sur les murs… », fut chantée par Demis Roussos, puis reprise par le groupe Kids United. Et l’Evangile est celui de Luc au chapitre 2, les vingt premiers versets.

J’ai tout d’abord repensé aux mots de la chanson :

« On écrit sur les murs le nom de ceux qu'on aime »

Ecrire sur les murs, ce n’est pas permis en Suisse. Et chez vous ? Quand on écrit sur les murs, c’est parfois pour s’amuser, sans avoir conscience de mal faire. Lorsque j’étais tout petit, cela m’est arrivé. Et vous ? Mais écrire sur les murs, cela peut être pour dire que quelque chose ne va pas, que l’on n’est pas d’accord. Et dans la chanson, j’ai entendu une manière de dire que quand on aime quelqu’un, cela nous amène à faire des choses pas toujours raisonnables, pas toujours bien acceptées. Pour « ceux qu’on aime » on ne se laisse pas facilement arrêter par les murs qui nous empêche d’entre en relation les uns avec les autres, de nous aider les uns les autres !

« On écrit sur les murs à l’encre de nos veines »

Venir en aide envers celles et ceux qui sont dans la peine est un engagement qui coûte beaucoup de force, cela demande un don de soi important. Jusque dans le sang de nos veines, dit la chanson. On peut entendre que cela fait pleurer parfois… Mais nous sommes dans la joie, parce qu’en acceptant de faire face à ces difficultés nous sommes sûr d’être en route vers un avenir. On ne le connaît pas encore, il sera peut-être surprenant… Mais, comme le dit encore la chanson, nous écrivons…

« … sur les murs « des messages pour les jours à venir » !

Oui, gardons le courage de penser à un avenir ! Pour ma part, ce courage, me vient de l’exemple de quelqu’un qui a commencé de le faire avant moi. Et c’est le moment de tourner les pages de l’Evangile. Dans le texte de la Nativité, dans l’Evangile de Luc. Un texte bien loin des offres publicitaires qui ont abondé ces jours derniers ! Par cet enfant qui vient naître dans la pauvreté, le danger, l’indifférence… 

Eh bien, Dieu a écrit sur les murs les noms de ceux qu’il aime : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et sur la terre paix à ceux que Dieu aime ! » (2,14). 

Qui sont-ils, ces « ceux que Dieu aime » ? Les humains, tous, en tous lieux, en toutes situations ! « Car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, pour que quiconque met sa foi en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle » (Jn 3,16)

Et ce n’est pas qu’une jolie formule de Noël à mettre sous le sapin avec les cadeaux, c’est plus qu’un bon petit plat à déguster dans un bon restaurant. Dieu a mis en pratique cette parole ! Il a franchi les murs, les pauvretés, les détresses, les solitudes, les richesses superficielles, la noirceur de nos pensée, la tristesse de nos cœurs… Il les a traversés pour venir jusqu’à nous ! Ce petit enfant, ne marche pas encore mais, nommé Jésus de Nazareth, il marchera sur les chemins de la Palestine. Inlassablement, en quête de l’humain blessé, pour qu’il soit guérit, réconcilié ! Comme il marche aujourd’hui encore pour s’approcher nos cœurs.

En naissant dans le monde, pauvre et fragile, cet enfant nous donne un avenir, de l’espoir, la consolation. Et ce n’est pas parce que la fête est finie, que nous devons cesser d’écrire sur les murs les noms de ceux qu’on aime !    

 

Photo: Eric Imseng      

mardi 26 décembre 2023

Trois minutes, dans les prisons, pour rejoindre l'enfant de la Nativité...

Évangile selon Luc, chapitre 2 : 

Il y avait dans le même pays des bergers qui vivaient aux champs et montaient la garde pendant la nuit auprès de leur troupeau. Un ange du Seigneur se présenta devant eux, la gloire du Seigneur les enveloppa de lumière et ils furent saisis d’une grande crainte. L’ange leur dit : « Soyez sans crainte, car voici, je viens vous annoncer une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple : Il vous est né aujourd’hui, dans la ville de David, un Sauveur qui est le Christ Seigneur ; et voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. » Tout à coup il y eut avec l’ange l’armée céleste en masse qui chantait les louanges de Dieu et disait : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et sur la terre paix pour ses bien-aimés. » Or, quand les anges les eurent quittés pour le ciel, les bergers se dirent entre eux : « Allons donc jusqu’à Bethléem et voyons ce qui est arrivé, ce que le Seigneur nous a fait connaître. » Ils y allèrent en hâte et trouvèrent Marie, Joseph et le nouveau-né couché dans la mangeoire. Après avoir vu, ils firent connaître ce qui leur avait été dit au sujet de cet enfant. Et tous ceux qui les entendirent furent étonnés de ce que leur disaient les bergers. Quant à Marie, elle retenait tous ces événements en en cherchant le sens.

La republication d'une  médiation de Noël, offerte aux détenu.e.s des prisons à partir de l'Evangile selon Luc présenté plus haut. 

Je n'ai que trois minutes et pas plus… car nous partageons, avec mes collègues, de courtes prédications, en plusieurs langues.

"Et tous ceux qui les entendirent furent étonnés de ce que leur disaient les bergers." (Luc 2,18)

Étonné? Noël nous surprend-il encore aujourd'hui?

Peut-être pourrions-nous être étonné de voir la solidarité qui se manifeste plus à cette époque de l'année qu'à d'autres moments ?

Peut-être pourrions-nous être étonné par la violence qui ne cesse jamais, même si tout le monde appelle à la paix?

Le contexte de ces paroles d’Évangile nous invite à rejoindre le cheminement de Marie qui cherchait en son cœur un sens à cet étonnement.

Et nous pourrions être étonnée, en voyant l’enfant de la Nativité se tenir exactement dans le lieu et la situation annoncées par les anges ! Comme les bergers viennent d’en témoigner !

Il y a, dans cet parfaite cohérence entre les paroles de l’ange et la réalité que les berges découvrent, quelque chose de la prière que Jésus enseignera plus tard : « Sur la terre comme au ciel. » (Mt 6,10).

Un ciel qui se tient là, dans une étonnante vulnérabilité, car tous ne voient qu’un nouveau-né couché dans une mangeoire.

Nous sommes loin de la puissance céleste qui s’est manifestée plus tôt, lorsqu’il y eut avec l’ange l’armée céleste en masse qui chantait les louanges de Dieu : « Gloire à Dieu dans les cieux très hauts, et paix sur la terre pour ceux qu'il aime ! »

Le contraste de ces deux instants est saisissant pour nous, lecteurs :  un ciel qui jubile du don divin offert aux humains, une terre qui accueille un fragile nourrisson dans un lieu de pauvreté… Un peu comme si le ciel n’avait pu s’empêcher de célébrer cet enfant, de proclamer la lumière de sa gloire.

Mais, pour l’instant, il n’y a qu’un nourrisson, sans éclat particulier. Sans éclat particulier, mais pas sans valeur, pas sans espoir… pas sans un avenir qui nous ouvrira tout grand les bras de l’amour du Père.

Mais pour l’instant, le temps est à la contemplation, à la simplicité, à la vulnérabilité… à laquelle le Fils de Dieu consent : Emmanuel – Dieu avec nous.


Photo : Eric Imseng

dimanche 17 décembre 2023

"Il a fait attention à moi, sa servante humiliée." (Une méditation de l'Avent)

Avez-vous entendu parler des montagnes russes ? Ces attractions foraines, avec des montées et de descentes parcourues à grande vitesse par un véhicule sur rails. Avec, en particulier, un fameux looping au milieu duquel on vous arrête la tête en bas ? 

C’est un peu l’image qui m’est venue à l'esprit en lisant les textes bibliques de l'Avent. Il y a en effet de grands bouleversements dans ces textes : des hauts, des bas, et des actions assez extraordinaires : « Remplir de terre le creux des vallées… »ça, c’est envisageable, mais « Abaisser des montagnes… », c’est autrement plus difficile, voire incroyable !

Courte méditation de l'Avent, inspirée des textes d'Ésaïe 40,1-5 et Luc 1,45-55.

Mais ces bouleversements inouïs ne sont pas des attractions de fête foraine, ils sont destinés à « Ouvrir un chemin pour le SEIGNEUR, dans le désert » (Ésaïe 40, 3-4). Ils parlent donc d’une réalité spirituelle et s’adresse à notre foi.

Ce chemin pour le SEIGNEUR semble impossible à réaliser, à cause de la sécheresse de nos vies, mais la promesse d’Ésaïe est qu’une nouvelle voie, un nouvel espoir, vient de s’ouvrir pour nous !

Mais quel peut être le sens de ces mots, qui semblent si exagérés ? Un peu plus loin dans le livre d’Ésaïe (49,13-14), nous lisons une image semblable, mais elle précise l’intention du Seigneur « … Il réconforte son peuple, et à ses humiliés, il montre sa tendresse. » (13)

Et c’est exactement la louange de Marie dans son Magnificat ! Elle proclame un tel bouleversement « Mon âme exalte le Seigneur parce qu’il a porté son regard sur son humble servante. … Il est intervenu de toute la force de son bras ; il a dispersé les hommes à la pensée orgueilleuse ; il a jeté les puissants à bas de leurs trônes et il a élevé les humbles ; les affamés, il les a comblés de biens et les riches, il les a renvoyés les mains vides. » (1,48.52)  

Oui, ce chemin qui s’ouvre dans le désert, cette venue du Seigneur pour consoler, relever son peuple… Marie vient de le saisir dans sa propre existence, et d’une certaine manière, par son chant de louange, elle nous invite à y marcher aussi !

Cependant, le Magnificat, n’est pas un cri de vengeance des faibles sur les forts ! Il proclame, dans une société qui ignore les plus fragiles, une inversion des valeurs pour leur rendre leur dignité !

On aurait pu s’attendre à une révolution, à une guerre… mais le chant de Marie, nous annonce que ce bouleversement, ce rétablissement de la dignité des plus faibles, c’est la naissance d’un enfant qui va le réaliser !


Photo: Eric Imseng

mardi 12 décembre 2023

Lorsque ce qu'il a dit arrivera (Une méditation de l'Avent)

« Alors cet homme prendra plaisir à respecter le SEIGNEUR. Il ne jugera pas selon ce qu'il voit, il ne décidera pas d'après ce qu'il entend dire. » (Ésaïe, 11,3)

À l’époque du fléau des fakenews… ces mots du prophète Ésaïe font du bien! Les fake news, vous le savez sans doute, sont de fausses informations, des nouvelles mensongères, diffusées dans le but de manipuler ou de tromper les gens.

Mais Ésaïe nous annonce un homme qui ne nous jugera pas selon les apparences, qui ne se laissera pas influencer par ce que l’on peut dire sur nous !

Quelle bonne nouvelle que de pouvoir compter sur une personne libre dans sa capacité à juger ! Ces mots me remplissent de joie et de confiance…

Le tableau qui suit pourrait aussi nous faire craindre qu’il s’agît d’intox : "Alors le loup habitera avec l'agneau, le léopard se couchera près du cabri. Le veau et le jeune lion mangeront ensemble. Un petit garçon les conduira. » (Ésaïe 11,6)

La situation est assez extraordinaire : comment un petit enfant, petit et fragile, pourrait avoir une telle autorité, et conduire ensemble, pacifiquement, le prédateur et sa proie… ?

Comme pour les fake news, il ne s’agit pas de faire du sensationnel pour nous impressionner, mais c’est une image symbolique de la capacité de l’Esprit du Seigneur à nous conduire avec une autorité sans violence vers la paix.

Cette courte méditation de l'Avent s'inspire des passages bibliques d'Ésaïe 11,1-9 et de Luc 1,39-45.

Mais ce que le Seigneur accomplit peut nous mettre en mouvement, voire nous presser… Lorsque le texte de Luc nous dit que « Peu de temps après, Marie s'en va. Elle marche vite vers les montagnes, dans une ville de Judée. » (Luc1,39). Pour rejoindre Élisabeth, elle ne court pas après le sensationnel mais elle cherche avec ferveur! Comme l’enfant d’Ésaïe, l’Esprit saint la conduit ; avec douceur et autorité, elle court pour saisir le sens spirituel de ce lui arrive à elle, mais aussi à Élisabeth. 

Oui, l’Esprit du Seigneur anime la course de Marie, il anime son Esprit et son ventre, comme il anime celui d’Élisabeth… « Quand Élisabeth entend la salutation de Marie, l'enfant remue dans son ventre. Alors Élisabeth est remplie de l'Esprit Saint. »(Luc 1,41)

A l’enfant d’Ésaïe, viennent s’ajouter deux autres enfants : Jésus et Jean le Baptiste, qui se tiennent tous deux dans le sein de leurs mères. Et l’une et l’autre frémissent de joie et s’émerveillent !

Sans être femme, resterons-nous étrangers à tout cela, en les écoutant ? En tant qu’homme nous pouvons-nous pas également frémir intérieurement par l’action de l’Esprit Saint ?

Nous ne pouvons pas mettre au monde un enfant, mais ne pouvons-nous pas mettre au monde des œuvres de miséricorde et de non-violence ? L’Esprit Saint, en nous, ne pourrait-il pas produire la réconciliation réalisée par l’enfant d’Ésaïe ? Ne pourrait-il pas réconcilier le prédateur et la proie, le loupe et l'agneau, qui se battent en nous ?

Est-ce que j’oserais nous poser la question ainsi ? Quel enfant peut-il bondir en notre sein ? Quel « rejeton » - pour reprendre les mots du prophète - mettrons-nous au monde ?

J’aimerais conclure en citant la béatitude d’Élisabeth, qui suscitera le célèbre Magnificat dans la bouche de Marie : « Tu es heureuse ! En effet, tu as fait confiance au Seigneur, et ce qu'il t'a dit arrivera. » (Luc 1,45)

« Tu es heureuse – tu es heureux… » parce que tu as eu confiance ! Comme pour ces deux femmes avant nous, le temps qui sépare notre foi de la joie de son accomplissement peut-être long… Mais ne nous laissons pas décourager : restons ouvert et patient, prêt à nous réjouir lorsque « ce qu'il a dit arrivera. »



samedi 25 novembre 2023

C'est à moi que vous l'avez fait...

J'ai parfois écrit de courts poèmes, inspirés des entretiens que j'avais auprès des personnes détenues ou des patients en hôpital de gériatrie... 

En chacune d'elles, j'ai consenti à voir le visage du Christ, selon sa parole: " Chaque fois que vous l'avez fait à l'un d'eux... c'est à moi que vous l'avez fait." (Matthieu 25,40)

En voici encore un, très court, mais d'une certaine ampleur que j'ai souhaité vous offrir ici...


Je mettrai mes pas dans les tiens pour marcher à ton rythme

Je poserai mes yeux bien en face des tiens pour apercevoir le fond de ton être

J’approcherai mon oreille près de ton cœur pour saisir tes mots et la profondeur de leur souffle

J’écouterai

Et ne parlerai que pour t’écouter encore

Tel est mon hymne à la beauté de l’humain que tu es

Que tu es encore, que tu es toujours

Un chant dédié à ton authenticité, ta vérité

Tel qu’elle se dit

Telle qu’elle se vit

Et que je recueille en simple et en vrai



Illustration: Le Christ au jardin de Gethsémani, par Michael D. O'brien


lundi 6 novembre 2023

Aimer au-delà des apparences...

Je reproduis, ci-dessous, les pages d'un article publié ce printemps 2023, une courte interview dans "La Bible aujourd'hui" (Trimestriel de la Société biblique suisse).

Sur le thème : L'amour du prochain (Plus facile à dire qu'à faire)Ma contribution, en lien avec mon expérience d'aumônier dans les prisons: "Aimer au-delà des apparences".



vendredi 27 octobre 2023

En mémoire de nos défunts...

L’histoire des religions, comme notre actualité, laisse à penser que l’on peut dire beaucoup de choses différentes sur l’après-mort, mais ce que nous apprenons ce matin dans l’Evangile, c’est que la résurrection n’est pas une mauvaise plaisanterie… les Sadducéens l’ont appris à leur dépens !

Cet entretien entre les représentants du Temps et Jésus fait partie d’un contexte où la polémique va bon train.  Ces controverses, lancées par les autorités religieuses n’ont qu’un seul but : embarrasser Jésus en obtenant une réponse qui pourrait se retourner contre lui et lui faire perdre l’admiration et le soutien du peuple qui le considère pour un prophète (21,46).

De ces confrontation, Jésus sortira vainqueur par KO ; le texte, un peu plus loin précise : « Personne ne fut capable de lui répondre un mot. Et depuis ce jour-là, nul n’osa plus l’interroger. (22,46).

Mais les adversaires de Jésus vont passer à la vitesse supérieure : la manipulation politique. Et là, ils remporteront une victoire d’étape : la condamnation et la mort de Jésus sur une croix. Mais ce ne sera pas le dernier round du match, la victoire décisive sera celle du tombeau vide, et de Jésus, ressuscité, vu par de nombreux témoins.

Prédication pour un culte du souvenir, en mémoire des personnes défuntes dans la paroisse de Belmont-Lutry. Les textes choisis: la première lettre aux Corinthiens, au chapitre 15; et l'Evangile selon Matthieu, au chapitre 22.

Mais revenons à la petite histoire des Sadducéens qui se voulait pleine de bon sens. La réponse de Jésus est cinglante : « Vous ne connaissez ni les Ecritures ni la puissance de Dieu » (29). Peut-on faire mieux dans le pire ?

Ici, comme dans la lettre de Paul aux Corinthiens, le refus d’une résurrection des morts sera contré par une argumentation qui ne cherche pas à être une preuve scientifique, mais une réalité spirituelle ; elle ne s’adresse pas à la seule compréhension intellectuelle, mais à notre foi.

Les Sadducéens sont présentés comme se moquant d’une conception populaire du moment qui voyait dans la résurrection comme un séjour dans un au-delà ressemblant à la vie physique d’avant la mort. Si leur critique n’est pas sans intérêt, pourquoi s’arrêter en si bon chemin, pourquoi se moquer de l’erreur de certain pour tomber soi-même dans une erreur plus grande encore ? (29)

Paul, lui, dénonce des opposants à la proclamation du Christ ressuscité des morts, sans que l’on sache bien quelles étaient leurs arguments. Peut-être étaient-ils semblables à une autre moquerie sur le sujet, celle d’un auteur de l’Antiquité, Pline l’Ancien, qui ironisait sur cette volonté d’une existence après la mort, la traitant de vanité à vouloir se perpétuer après celle-ci, « des chimères puériles (écrivait-il), des rêves de l’humanité avide de ne finir jamais. » (Histoire naturelle 7,188-189)

Dans un cas comme dans l’autre, la critique a du sens, mais elle méconnait et la puissance de Dieu et le sens des Ecritures. Pour aller plus loin qu’un néant après la mort, ou de charmantes rêveries de survie dans l’au-delà, l’une et l’autre sont indispensables. La réponse de Paul, comme celle de Jésus, apportent une lumière décisive sur ces critiques.

Et l’un et l’autre nous disent qu’à notre mort, nous ne revenons pas à la vie d’avant, car nous serons transformés, la mort sera pour nous comme une mue (le mot est encore d’Alix Noble) vers une autre réalité, non corporelle, mais spirituelle. Nous serons « comme des anges dans les cieux »

Comme… le mot est lâché. Comme, c’est le mot qui nous permet d’appréhender une réalité spirituelle intangible. Comme, nous aide par l’image à saisir un peu mieux notre cette espérance en la résurrection.

Comme… « Une semence portée en terre », l’image est si parlante ; elle a un air de « déjà-entendu » : « Si le grain de blé qui tombe en terre ne meurt pas (à dit Jésus), il reste seul ; si au contraire, il meurt, il porte du fruit en abondance. » (Jn 12,24). Et de même chez Paul, le grain doit mourir pour donner la vie qu’il portait en lui, mais il ne ressemblera plus à ce qui a été semé, et c’est Dieu qui lui révèlera sa nature ; nous l’avons lu : « Semé dans la faiblesse, on ressuscite plein de force ; semé corps physique, on ressuscite corps spirituel : » (15,43)

Ainsi, notre consolation tiendrait-elle uniquement par des réponses adéquates dans un débat contradictoire ? Notre consolation ne se réduirait-elle qu’au fait que nous entrevoyons une suite à notre fin ? En partie, puisque le développement de l’apôtre Paul se termine sur cette jubilation : « Mort, où est ta victoire ? Mort, où est ton aiguillon ? » (15,55).

Mais pas seulement. Notre consolation à sa source plus profondément encore dans l’intimité des mots de Jésus, en particulier ceux dit à Marie, lors de la réanimation du corps de son frère défunt – et qu’il nous adresse aussi : « Je suis la résurrection et la vie : celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? » (Jn 11,25).

L’essentiel est dit, mais nous n’en saurons pas plus. Pour l’heure, c’est à cette intimité de l’écoute des paroles du Christ que nous sommes appelés. Oui, croyons-nous cela ? Quel que soit les circonstances de notre vie, quel que soit le deuil qui nous frappe, que la mort nous paraisse lointaine ou qu’elle soit soudain plus proche, notre lien intime avec le Christ est notre plus profonde assurance, l’unique confiance qui fonde notre espérance en la résurrection.

Avec cette certitude : tel il a été dans la mort, nous le serons aussi, et tel qu’il est vivant, aujourd’hui, nous le serons de même. 

Photo: Eric Imseng


mardi 24 octobre 2023

Prendre soin...

La beauté du monde

La profondeur du sens de la vie

La tendresse des liens importants

J’ai choisis d’en prendre soin

À ma mesure, limitée et fragile,

Mais avec la foi qui déplace les montagnes

Ne pense pas que je vais échouer

Prendre soin est une activité qui ne connaît pas d’échec

Parce que prendre soin est une manière d’habiter un espoir sans fin


(Photo: Éric Imseng)



mardi 3 octobre 2023

Paroles de personnes détenues. Des mots courts, mais si intenses...

Parce qu'elle sont aussi surprenantes que nécessaires, je  partage avec vous un florilège de paroles de détenus glanées au fil des rencontres ou de courriers.

"Je ne désire rien d'autre que d'être ce que je suis: homme d'ombre, fils de lumière.

Dieu connaît mon chemin, ma vérité, ma vie"

(Stéphane)


« J'aimerais être un oiseau et battre des ailes jusque vers le Père.

Je lui parlerais, il me répondrait,

heureux serait mon cœur.

Puis je reviendrais vous apporter sa miséricorde :

heureux seraient nos cœurs.

Suivant le vent, suivant le temps, je retournerais là-haut,

où il n'y a rien de ce monde.

Puis, je reviendrais déposer en vous la lumière,

et vous seriez ce que vous voulez être dans ce monde... »

(Christian)


« Combien de fois j'ai voulu dire ''Pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font'' ? Mais les mots ne sont pas venus, non. A chaque fois, quittant le tribunal, je me suis contenté de regarder le ciel, puis mes menottes. Et je suis monté dans le fourgon la tête haute, mais le cœur au fond des bottes: Seigneur, ne m'abandonne pas, regarde-moi ».

(Serge)


« Jésus,

prends ma vie d'avant, les gestes faux, les mots violents.

Prends ce court instant, ce petit bout de temps, où tout a basculé, quand ma main a tiré.

Ces trois secondes de fin du monde.

Jésus,

prends ma main d'assassin, et guide la, enfin, vers la vie ».

(Yves)



mardi 19 septembre 2023

Rancœur... ou grand cœur?

Lors de mes accompagnements auprès de personnes détenues, je faisais face, parfois, aux sentiments négatifs et émotions douloureuses qui les habitent. Par exemple. 

La tristesse en parlant des actes délictueux - grave ou moins - qu'ils ont commis.  

La colère lorsque leurs conditions de détentions sont injustes ou brutales. Ou que leur honte ou regrets sont déniés.

La peur à la perspective d'une audience ou d'un jugement. 

Ainsi, les infracteurs de la Loi ne coulent pas forcément des jours tranquilles, comme on pourrait le penser. 

Et j'ai coutume de dire que "je n'ai pas pitié d'eux, car ils méritent bien mieux que ça." Je ne suis pas auprès d'eux pour les plaindre (ce qu’ils ne comprendraient pas d'ailleurs) mais pour leur offrir une main qu'ils peuvent saisir pour s'aider à se relever.

Dans ma petite boîte à outils de l'accompagnant spirituel, j'ai de courtes histoires que je partage avec eux. Elles ont pour tâche de "poser à côté" de la situation ou de leur vécu (comme une parabole) un récit qui ouvrira peut-être à une compréhension nouvelle.

Pour favoriser des émotions pacifiées. Pour faire face et aller de l'avant. Pour progresser vers toujours plus d'authenticité, de courage et de patience.

Voici l'une d'entre elles. Elle m’a été rapportée au sujet de Nelson Mandela :  

"Après être devenu président de l’Afrique du Sud, j'ai demandé à certains membres de mon garde du corps d'aller faire une promenade en ville. Après la promenade, nous sommes allés déjeuner dans un restaurant.

Après un peu d'attente, le serveur est apparu qui portait nos menus. A ce moment-là, j'ai réalisé qu’il y avait un homme seul, à la table d’à côté. J'ai demandé à un de mes garde du corps: va inviter cet homme à nous rejoindre pour le repas.

L'homme s'est levé, a pris son assiette, et il s'est assis à côté de moi. Pendant qu'il mangeait, ses mains tremblaient constamment et il ne relevait pas la tête de sa nourriture. Quand nous avons fini, il m'a salué sans même me regarder. Je lui ai serré la main et il est parti !

Le garde du corps m'a dit : Madiba, cet homme doit être très malade, car ses mains n'arrêtaient pas de trembler en mangeant. Pas du tout, ai-je répondu, la raison de son tremblement est autre. 

Il m’a regardé bizarrement et je lui ai dit: Cet homme était le gardien de prison où j'ai été enfermé. Souvent, après la torture à laquelle j'ai été soumis, je criais et pleurais pour avoir de l'eau et il venait m'humilier :  il riait de moi et au lieu de me donner de l'eau il urinait sur ma tête. 

Non, il n'était pas malade, il avait peur et tremblait en craignant que, maintenant que je suis président, je l'envoie en prison et lui fasse la même chose qu'il a faite avec moi. Mais je ne suis pas comme ça, ce comportement ne fait pas partie de mes choix de vie.

Les esprits qui cherchent à se venger détruisent les États, tandis que ceux qui recherchent la réconciliation construisent les Nations.    

(Source: mur Facebook de Chicali Echeverría Martínez)·

J'ignore si cette anecdote est authentique. Mais elle soutient la conviction qui m’accompagne en écoutant ces moments sombres (et parfois révoltants) de leur vie en prison : leur liberté à faire des choix demeure, quel que soit leur vécu.

Ils ont (et nous avons) toujours le choix de nourrir la force plutôt que la violence, l'autorité plutôt que la brutalité... chercher un cours d'eau qui conduira à la mer plutôt que de jeter notre eau-vive dans un bassin mortifère pour qu'elle y croupisse ! Et qui pourrait ignorer le dur combat que ce choix peut exiger de nous?...

...L’Évangile ne l’ignore pas non plus.

Ne rendez à personne le mal pour le mal ; ayez à cœur de faire le bien devant tous les hommes. S’il est possible, pour autant que cela dépend de vous, vivez en paix avec tous les hommes. Ne vous vengez pas vous-mêmes, mes bien-aimés, mais laissez agir la colère de Dieu, car il est écrit : A moi la vengeance, c’est moi qui rétribuerai, dit le Seigneur. Mais si ton ennemi a faim, donne-lui à manger, s’il a soif, donne-lui à boire, car, ce faisant, tu amasseras des charbons ardents sur sa tête. Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais sois vainqueur du mal par le bien. 

 (L’apôtre Paul, dans sa lettre écrite aux chrétiens de la ville de Rome. Rm 12,21)




Pour vivre l'Evangile du Ressuscité: être chaussé de bonnes lunettes et bonnes chaussures !...

Prédication de ce dimanche, partagée avec la communauté paroissiale de Lutry-Belmont. Texte du jour: Evangile de Luc, chapitre 24, 35-48. Av...