mercredi 6 novembre 2024

Le Notre Père du prisonnier (7 - Pardonne-nous nos offenses...)

Nouvelle publication des courtes prédications offertes aux détenus.e.s des prisons à Genève sur chacune des paroles du Notre Père, dans l’Évangile selon Matthieu (6, 9-13). 

 

"Notre Père ..., 

pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi..." (12)

Pardonner. Être pardonné. Cette demande de la prière de Jésus est aussi nécessaire qu’elle peut être difficile… Mais commençons par un petit exemple pratique. 

 

(J’ai besoin de quelqu’un qui me rejoigne ici. Demander à une personne de jouer une petite scène avec moi devant l'assemblée. Je la joue avec elle en même temps que je raconte). Il arrive que dans la rue que, sans le vouloir, je passe près de quelqu’un et le bouscule légèrement. Ma réaction : « oh pardon » et sa réponse « Ce n’est rien, il n’y a pas de mal… » (Remercier la personne).

 

Oui, mais quand il y a du mal…? Quand j’ai eu un geste violent ? Quand j’ai dit une parole blessante ? Quand j’ai trahi la confiance de quelqu’un ? Quand, malgré mon désir de bien faire, je ne réussis pas à bien faire ? … Et je pourrais continuer la liste, du plus léger au plus grave !

 

Si cette parole de Jésus parle de pardon, ce n’est pas pour nous troubler mais pour nous libérer. Ce mot, dans la langue de l’Évangile, est utilisé pour dire laisser, renvoyer, remettre... on pourrait parler de lâcher-prise.

 

Et puis, il y a ce petit mot : comme. On pourrait entendre : Puisque Dieu t’a pardonné, tu dois pardonner (Il y a même des passages d’Évangile qui le laisse entendre), mais s’il y a un verbe qui va mal avec le mot pardon, c’est tu dois, tu dois pardonner. L’invitation de Jésus est pressante, mais elle ne menace personne en réalité. On le verra tout à l’heure, c’est le refus d’accorder ce que nous avons reçu que Jésus dénonce. Ainsi, la nécessité du pardon est plus grande que son obligation.

 

Dans notre actualité, des personnes suggèrent parfois de renoncer à la nécessité de pardonner, comme un abandon salutaire, pour nous délivrer du constat d’échec ou d'impossibilité à le faire. Le chemin du pardon à ses étapes, ses arrêts, ses instants décisifs, comme ses impasses… Mais faut-il y renoncer parce que le chemin est difficile ? D’ailleurs, que signifierait cette invitation à le demander à Notre Père si c’était une évidence ?

 

« Pardonne-nous nos torts envers toi, comme nous-mêmes nous avons pardonné des torts envers nous », traduit la Traduction Œcuménique de la Bible, ce qui ouvre beaucoup de perspectives sur la question du pardon, mais je relève déjà ceci : notre pardon accordé est précédé par notre pardon reçu ! La parole de Jésus ne fait pas de nous des modèles de vertus, capables d'accorder un pardon sans hésiter, ni réfléchir. Je pense que le pardon du Notre Père, est tout d’abord un réalité théologique avant d’être psychologique : le pardon n'est pas d’abord un acte légal, mais il est le fruit d'une relation spirituelle et vraie avec Notre Père. 

 

Quelque sera le chemin du pardon, notre ressource principale pour le vivre, sera celui que Notre Pères nous a accordé, et nous accorde encore ! Le pardon n’est pas une baguette magique qui transforme tout en un instant (faire le geste) : « Ting ! Tout est pardonné ! » Le pardon n’est pas un coup de bâton qui frappe en disant (faire le geste) : « Non ! Pas de pardon pour toi, jamais ! » Quel que soit le temps qu’il faudra, les difficultés que l’on rencontrera… le pardon de Dieu ne nous dit pas « tu es obligé », mais nous demande de dire « oui » et de se mettre en marche…

 

Une femme écrivain a dit :  « Le pardon n’est pas au bout du chemin, il est le chemin » (Françoise Chandernagor). Le chemin du pardon n’empêche ni la douleur ni la souffrance ni le temps nécessaire à guérir la blessure. Le chemin du pardon ne nous empêche pas de faire face à nos responsabilités, mais le chemin du pardon nous ouvre un avenir. 

Je conclue avec cette pensée que j’ai lue quelque part : « Lorsque tu pardonnes, tu ne changes pas le passé, mais tu changes ton avenir. »


dimanche 27 octobre 2024

MA QUE SPLENDIDO DOTTORE !

CHRONIQUE D'UNE AUMÔNERIE ORDINAIRE en hôpital gériatrique (Publié il y a quelques années déjà, alors que je travaillais en aumônerie hospitalière. Mais c'est ce genre de publications qui fut la source des DIACHRONIQUES)
"Lors de mes dernières visites, je suis accueilli dans le couloir par une dame qui fait de grands gestes admiratifs en ma direction et - en italien - s'enthousiasme : « Ma que bello! Splendido dottore!"
Bien : il n'y sans doute pas de fumée sans feu, mais tout de même : je suis à l'étage des troubles cognitifs... Et, malgré ma "splendeur", j'entreprends un de ces entretiens dont les « petits miracles » de l'écoute centrée sur la personne m'ont ouverts quelques secrets.
Je prends congé. Poursuis mes visites. Et, au détour d'un passage dans le couloir, qui donc j'aperçois, s'extasiant pour un autre inconnu de passage ? Oui, vous avez deviné : "Ma que bello! Splendido dottore!" 😇

Quel bien beau métier: avec ses étrangetés, ses joies et peines, ses duretés parfois, mais non dénué d'humour, aussi." 


Le Notre Père du prisonnier (6 - Donne-nous aujourd'hui notre pain...)

Nouvelle publication des courtes prédications offertes aux détenus.e.s des prisons à Genève sur chacune des paroles du Notre Père, dans l’Évangile selon Matthieu (6, 9-13).

Pour ceux qui l’ignorerait, les conditions de l'organisation des célébrations dans les prisons limitent la durée de leur déroulement. Et je n'ai que 5 minutes (avec sa traduction anglaise) pour partager une prédication avec les détenus.

Le titre de ces articles me vient d'une prière du Frère Dominicain Philippe Maillard: Le Notre Père du prisonnier (ou la prière des sans voix). Aujourd'hui décédé, il fut très engagé auprès des personnes en situation de précarité.

Il a laissé une magnifique paraphrase du Notre Père que j'ai également publié dans un article précédent. 

Mais pour le moment...    

 

"Notre Père ..., 

donne-nous  aujourd'hui le pain dont nous avons besoin" (11)

Nous écoutons quelques mesures d’un chant très populaire. (Notre musicien jours quelques accords de We shall overcome…) Le reconnaissez-vous ?

We Shall Overcome est une chanson de protestation, mais qui est d’abord un chant Gospel. Elle était chantée, comme hymne, lors des marches du Mouvement des droits civiques aux États-Unis, dans les années soixante.

Maintenant, vous vous demandez peut-être : mais qui y a-t-il de commun entre ce chant et la demande du Notre Père que nous lisons aujourd’hui ?

Tout d’abord, la demande à Dieu du pain dont nous avons besoin, n’est pas un cri désespérée, mais une demande lucide et confiante, malgré les manques, les difficultés, les doutes…

Cette demande du Notre Père rejoint ainsi ce chant qui dit aussi sa confiance et sa détermination à poursuivre sa lutte, malgré les circonstances difficiles.

Comme ce chant proteste contre l’injustice, la demande à Dieu nous engage envers notre prochain. Ce chant dit l’assurance d’une issue victorieuse, mais il l’exprime sans violence… et cette demande à Dieu du pain de ce jour se prononce avec la paix du cœur !

Mais de quel pain parlons-nous dans notre prière ? Mais de quelle victoire parle ce chant ?

Cette demande du Notre Père n’est pas une espèce d’assurance tous risques... le pain de Dieu n’est pas automatique : comme si on pouvait le retirer, pour un peu d’argent, dans un appareil…. Le pain de Dieu est un pain de vie pour notre vraie vie !

En nous enseignant une telle prière, Jésus nous invite à demander au jour le jour la nourriture dont nous avons besoin, avec la certitude que Dieu la donnera au jour le jour – comme il a nourri Israël de la manne, au désert, recueillie jour après jour – texte que nous avons lu tout à l’heure.

Mais ce pain qui tombe du ciel sur la faim du peuple est bien plus qu’un exploit… C’est une expression de la grâce de Dieu, qui nous donne chaque jour ce dont nous avons besoin, même lorsque nous demandons mal… ce que le contexte du livre de l’Exode vous indiquera…

Le pain de Dieu ? Philippe Zeissig le décrivait comme « …immense, qui comprend l’espérance, l’amitié, le sens profond de la vie, tout ce qui nous est indispensable pour vivre, c’est-à-dire pour être bien autre chose qu’un tube digestif : un être humain ! »

Ainsi , la question de la nature de ce pain nous conduit à notre attitude lorsque nous le demandons.

Demandez du pain à Dieu ? Certains pères de l’Église ont doutés que Jésus ait pu avoir une demande aussi « triviale »…. Et ils ont pensé que ce pain ne pouvait être que spirituel…

C’est un peu comme si notre chant de tout à l’heure se contentait de proclamer une victoire, sans aucun effet dans la vie réelle !

C’est le moment de ne pas fuir la réalité. C’est le moment de rappeler que notre chant était chanté au milieu d’opposants, de dirigeants hostiles, de policiers…

C’est le moment de rappeler que le pain nécessaire à notre vie peut être donné par Dieu, au milieu des difficultés que la condition humaine nous impose…

Ainsi, le courage des militants entonnant ce protest-song n’est pas si éloignée du courage des chrétiens à demandant à Dieu le pain de ce jour…

Et ce courage a sa conséquence : le partager ! Jésus ne dit pas mon pain mais notre pain… Aujourd’hui, des millions d’humains ont faim de pain… et notre demande à Dieu du pain de ce jour nous engage à agir, à lutter, à protester, pour que ce pain ne soit pas soustrait de la bouche de chacun et chacune de nos frères et sœurs en humanité !

C’est la cupidité de certains hommes qui font du profit leur pain de ce jour… et non la négligence de Dieu Notre Père qui prive l’humain de son pain nécessaire. Ainsi, dire « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour » c’est dire aussi : « Apprends-nous à partager avec mon prochain, le pain de ce jour » !



Le Notre Père du prisonnier (7 - Pardonne-nous nos offenses...)

Nouvelle publication des courtes prédications offertes aux détenus.e.s des prisons à Genève sur chacune des paroles du Notre Père, dans l’Év...