dimanche 14 avril 2024

Pour vivre l'Evangile du Ressuscité: être chaussé de bonnes lunettes et bonnes chaussures !...

Prédication de ce dimanche, partagée avec la communauté paroissiale de Lutry-Belmont. Texte du jour: Evangile de Luc, chapitre 24, 35-48. Avec quelques accessoires que vous pourrez vous imaginez... je l'espère.

(Arrivé à la chaire, sortir et chausser mes lunettes de soleil…)

Portez des lunettes de soleil, dans le temple de Lutry, un dimanche matin… Cela peut sans doute paraître incongru… Et si je poursuivais cette prédication ainsi, vous auriez été intrigués : - est-il malade ? - plaisante-t ’il ?...

Intrigués comme on peut l’être en lisant ces textes dits d’apparition de Jésus. Embarrassés, voire gênés, peut-être : que peut-on bien en faire ? Sommes-nous encore concernés ?

(Changer mes solaires pour les habituelles et les chausser) Voilà… celles-ci sont plus adéquates, je pense…

Cette petite accroche nous introduit à une question que l’on peut se poser en lisant l’Evangile de ce matin : quel regard avoir sur ce Jésus se présentant à ses disciples, vivant, parlant, mangeant ? Quel regard… et avec quelles lunettes ?

Voir est un verbe important ici. Voir Jésus ressuscité apparaître au milieu de ses disciples est comme un dernier acte avant d’être enlevé définitivement de leurs yeux. Mais nous aussi, nous voyons Jésus ressuscité, nous participons à la scène et sommes témoins de sa résurrection… le voir parce que nous lisons ce récit.

Ah, et je ne vous laisserai pas plus longtemps dans la perplexité concernant les chaussures placées ici… Elles aussi sont de deux sortes : des chaussures de marche et des chaussures de danse. Elles aussi interrogent. À propos d’une autre expression, également dans le passage de Luc : être témoin. Cela a changé beaucoup de choses pour les disciples. Et pour nous ?

Témoigner après avoir dissiper la peur et les doutes. Témoigner de l’enseignement de Jésus, mais pas sans l’intelligence de l’Esprit Saint … Témoigner du Christ vivant, aujourd’hui, sur les chemins si particuliers, voire douloureux, de notre monde nécessite d’être bien chaussé !

Voir donc avec les lunettes de la foi pascale. Le texte de Luc, par l’heureux hasard de nos lectionnaires, fait écho au texte de l’Evangile de Jean de dimanche passé. Et nous nous rappelons la demande de Thomas et la réponse de Jésus : « Si ne vois pas… je ne croirai pas – Bienheureux ceux qui, sans avoir vu, ont cru. » (Jn 20,28)

Si cette béatitude est la règle aujourd’hui, pourquoi lire encore ces textes ? Car ils restent essentiels, comme les Evangiles, puisqu’ils nous rapportent, comme les Evangiles, ce qu’ils ont vu et entendu : 1 point pour Thomas !

Mais ces récits, nous pouvons les tourner dans tous les sens, ils se concluent par la foi de celles et ceux qui ont la foi sans l’avoir vu : 1 point pour nous !

Depuis le récit du tombeau vide, la détresse de la mort de Jésus est doublée de l’angoisse de savoir où est son corps ? Au tombeau : « il n’est pas ici » (6). Et parmi les Onze, à Jérusalem, s’il est là « au milieu d’eux » (36), est-il vraiment là ? Est-il toujours le même ?

« Voyez… Regardez…»  Ce verbe voir, est le même pour les disciples assistant à la transfiguration de Jésus (9,31) ; il est le même lorsque Zacharie à la vision d’un ange dans le Temple (1,22). Ainsi Voir ce n’est pas seulement observer avec ses yeux … il y une dimension spirituelle que les lunettes de la foi peuvent nous donner à voir.

Voir le Christ vivant nous ouvre aux autres vivants, pour les voir au-delà des apparences. Voir le Christ vivant c’est aussi voir clair en soi et nous dégager de nos illusions :  «Touchez-moi, regardez… un esprit (une illusion) n’a ni chair, ni os, comme vous voyez que j’en ai » (39). Voir le Christ vivant, c’est aussi voir vrai en l’autre, et vivre une amitié partagée dans la joie. Le Christ vivant donne de la consistance à nos désirs, à la perception de nous-même, à la communion que nous avons avec nos semblables.

Il y a dans cette audace d’une foi qui contempler le Christ ressuscité, je le crois, une fécondité nouvelle à découvrir en nous et autour de nous : « La paix soit avec nous : »

Avoir foi en Lui, sans l’avoir vu. Vivre cette béatitude que Jésus annonçait à Thomas, et en être témoin. Mais avec quelles chaussures ? avec ces chaussures de marche, j’ai voulu présenter une image pratique : celle des paroles que Jésus a dites. Leur accomplissement dans les Ecritures. (44)

Ce sont de bonne chaussures, solides et sûres, faites pour tous les terrains, exigeants ou plus aisés… Solides et sûres, comme était, solide et sûre, la réalité du corps ressuscité de Jésus.

Ce sont de bonnes chaussures, réconfortantes et chaudes, comme l’étaient les paroles du Christ, cheminant avec les disciples à Emmaüs, et leur expliquant les Ecritures. Ces chaussures sont porteuses d’une bonne nouvelle : « La paix soit avec nous. »

Et si vous pratiquez la randonnée, vous savez combien il est important d’être bien équipé, mais il nous faut encore un bon état d’esprit… et pour marcher avec les Ecritures, le Saint-Esprit !  Un souffle de Dieu pour en avoir en soi et marcher avec persévérance, au jour le jour… bon an, mal an !

Comment les Ecritures nous accompagne-t-elles dans le quotidien ? Quelle inspiration, quel courage, quelle patience, nous apportent-elles ? Et ma question n’est pas forcément si nous lisons la Bible tous les jours, mais comment sa chaleur illumine notre être intérieure…

André Dumas l’écrivait dans une prière : « Donne-nous d’accompagner avec (Ta parole)  les moments si divers de nos vies, comme le pain accompagne les plats si variés de nos tables. (…) Ta parole est le vrai pain descendu du ciel pour la nourriture des hommes. »

Et pour conclure, une paire de chaussures de danseMoins rugueuses, plus souples, ces chaussures m’ont inspiré la danse joyeuse et apaisante de la présence du Christ aujourd’hui, dans nos vies : « C’est bien vrai ! Le Seigneur est ressuscité » (34) me donne envie de danser !

Personnellement, la danse me remplit de joie… elle est pour moi un espace intérieur de grâce et d’épanouissement intérieur, une expression sensible de mon âme dans un langage corporelle. »

Bien sûr, cela ne vous oblige pas de danser… mais j’aimerais que cette image, peut-être audacieuse, nous rappelle quelque chose de la finesse et de l’élégance de la présence du ressuscité en nous : « C’est bien vrai ! Le Seigneur est ressuscité. »

La joie de Pâques, la danse joyeuse de la présence du Ressuscité, va se poursuivre au-delà de ces dimanches. Et de cette joie sans voir, de cette danse de l’Esprit Saint en nous, Pierre en a été le témoin aussi, avec ces mots : « Lui que vous aimez sans l’avoir vu, en qui vous croyez sans le voir encore ; aussi tressaillez-vous d’une joie ineffable et glorieuse. » (1 P 1,8).

Amen.


Illustration: Arcabas.

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