Prédication de ce dimanche, partagée avec la communauté paroissiale de Lutry-Belmont. Texte du jour: Evangile de Luc, chapitre 24, 35-48. Avec quelques accessoires que vous pourrez vous imaginez... je l'espère.
(Arrivé à la chaire, sortir et chausser mes lunettes de soleil…)
Portez des lunettes de soleil, dans le temple de
Lutry, un dimanche matin… Cela peut sans doute paraître incongru… Et si je
poursuivais cette prédication ainsi, vous auriez été intrigués : - est-il
malade ? - plaisante-t ’il ?...
Intrigués comme on peut l’être en lisant ces textes
dits d’apparition de Jésus. Embarrassés, voire gênés, peut-être : que
peut-on bien en faire ? Sommes-nous encore concernés ?
(Changer mes
solaires pour les habituelles et les chausser) Voilà…
celles-ci sont plus adéquates, je pense…
Cette petite accroche nous introduit à une
question que l’on peut se poser en lisant l’Evangile de ce matin : quel regard avoir
sur ce Jésus se présentant à ses disciples, vivant, parlant, mangeant ? Quel
regard… et avec quelles lunettes ?
Voir est un verbe important ici. Voir Jésus ressuscité apparaître au milieu de ses disciples est comme un
dernier acte avant d’être enlevé définitivement de leurs yeux. Mais nous aussi,
nous voyons Jésus ressuscité, nous participons à la scène et sommes témoins de sa
résurrection… le voir parce que nous lisons ce récit.
Ah, et je ne vous laisserai pas plus longtemps dans la
perplexité concernant les chaussures placées ici… Elles aussi sont de deux sortes :
des chaussures de marche et des chaussures de danse. Elles aussi interrogent. À
propos d’une autre expression, également dans le passage de Luc : être témoin. Cela a changé beaucoup de choses pour les disciples. Et
pour nous ?
Témoigner après avoir dissiper la peur et les doutes. Témoigner de l’enseignement de Jésus, mais pas sans l’intelligence de l’Esprit
Saint … Témoigner du Christ vivant, aujourd’hui, sur les chemins si particuliers, voire
douloureux, de notre monde nécessite d’être bien chaussé !
Voir donc avec les lunettes de la foi pascale. Le texte de Luc,
par l’heureux hasard de nos lectionnaires, fait écho au texte de l’Evangile de
Jean de dimanche passé. Et nous nous rappelons la demande de Thomas et la
réponse de Jésus : « Si ne vois pas… je ne croirai pas –
Bienheureux ceux qui, sans avoir vu, ont cru. » (Jn 20,28)
Si cette béatitude est la règle aujourd’hui,
pourquoi lire encore ces textes ? Car ils restent essentiels, comme les
Evangiles, puisqu’ils nous rapportent, comme les Evangiles, ce qu’ils ont vu et
entendu : 1 point pour Thomas !
Mais ces récits, nous pouvons les tourner dans tous
les sens, ils se concluent par la foi de celles et ceux qui ont la foi sans
l’avoir vu : 1 point pour nous !
Depuis le récit du tombeau vide, la détresse de la
mort de Jésus est doublée de l’angoisse de savoir où est son corps ?
Au tombeau : « il n’est pas ici » (6). Et parmi les Onze, à
Jérusalem, s’il est là « au milieu d’eux » (36), est-il vraiment
là ? Est-il toujours le même ?
« Voyez… Regardez…» Ce verbe voir, est le même
pour les disciples assistant à la transfiguration de Jésus (9,31) ; il est
le même lorsque Zacharie à la vision d’un ange dans le Temple (1,22). Ainsi Voir ce n’est pas seulement observer avec ses yeux … il y une dimension
spirituelle que les lunettes de la foi peuvent nous donner à voir.
Voir le Christ vivant nous ouvre aux autres vivants, pour les voir au-delà des apparences. Voir le Christ vivant c’est aussi
voir clair en soi et nous dégager de nos illusions : «Touchez-moi, regardez… un esprit (une
illusion) n’a ni chair, ni os, comme vous voyez que j’en ai » (39). Voir le Christ vivant, c’est aussi
voir vrai en l’autre, et vivre une amitié partagée dans la joie. Le Christ vivant donne de la consistance à nos désirs, à la perception de nous-même, à la
communion que nous avons avec nos semblables.
Il y a dans cette audace d’une foi qui contempler le
Christ ressuscité, je le crois, une fécondité nouvelle à découvrir en nous et
autour de nous : « La
paix soit avec nous : »
Avoir foi en Lui,
sans l’avoir vu. Vivre cette béatitude que Jésus annonçait à Thomas, et en être
témoin. Mais avec quelles chaussures ? avec ces
chaussures de marche, j’ai voulu présenter une image pratique : celle des
paroles que Jésus a dites. Leur accomplissement dans les Ecritures. (44)
Ce sont de bonne chaussures, solides et sûres,
faites pour tous les terrains, exigeants ou plus aisés… Solides et sûres, comme
était, solide et sûre, la réalité du corps ressuscité de Jésus.
Ce sont de
bonnes chaussures, réconfortantes et chaudes, comme l’étaient les paroles du
Christ, cheminant avec les disciples à Emmaüs, et leur expliquant les
Ecritures. Ces chaussures sont porteuses d’une bonne nouvelle : « La paix soit avec
nous. »
Et si vous pratiquez la randonnée, vous savez
combien il est important d’être bien équipé, mais il nous faut encore un bon
état d’esprit… et pour marcher avec les Ecritures, le Saint-Esprit ! Un souffle de Dieu pour en avoir en soi et marcher
avec persévérance, au jour le jour… bon an, mal an !
Comment les Ecritures nous accompagne-t-elles dans
le quotidien ? Quelle inspiration, quel courage, quelle patience, nous
apportent-elles ? Et ma question n’est pas forcément si nous lisons la
Bible tous les jours, mais comment sa chaleur illumine notre être intérieure…
André Dumas l’écrivait dans une prière :
« Donne-nous d’accompagner avec (Ta parole) les moments si divers de nos vies, comme le
pain accompagne les plats si variés de nos tables. (…) Ta parole est le vrai
pain descendu du ciel pour la nourriture des hommes. »
Et pour conclure, une paire de chaussures de danse… Moins rugueuses, plus
souples, ces chaussures m’ont inspiré la danse joyeuse et apaisante de la
présence du Christ aujourd’hui, dans nos vies : « C’est bien vrai ! Le Seigneur est ressuscité »
(34) me donne envie de danser !
Personnellement, la danse me remplit de joie… elle est pour moi un
espace intérieur de grâce et d’épanouissement intérieur, une expression
sensible de mon âme dans un langage corporelle. »
Bien sûr, cela ne vous oblige pas de danser… mais j’aimerais que
cette image, peut-être audacieuse, nous rappelle quelque chose de la finesse et
de l’élégance de la présence du ressuscité en nous : « C’est bien vrai !
Le Seigneur est ressuscité. »
La joie de Pâques, la danse joyeuse de la présence
du Ressuscité, va se poursuivre au-delà de ces dimanches. Et de cette joie sans
voir, de cette danse de l’Esprit Saint en nous, Pierre en a été le témoin aussi,
avec ces mots : « Lui que vous aimez sans l’avoir
vu, en qui vous croyez sans le voir encore ; aussi tressaillez-vous d’une
joie ineffable et glorieuse. » (1 P 1,8).
Amen.
Illustration: Arcabas.
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