vendredi 22 juillet 2022

Quiconque demande reçoit, qui cherche trouve...

L’Évangile de Luc nous présente souvent Jésus en prière, mais ici c’est à la demande de ses disciples qu’il va leur « enseigner à prier ».

Mais Jésus va commencer son oraison par une expression que lui est familière : « Père ». Elle dit toute l’intimité de sa relation à Dieu et c’est sans doute la première leçon qu’il nous adresse : prier, c’est plus que réciter des mots, c’est entrer dans une relation authentique et profonde avec Dieu, le Père.

Courte prédication offerte aux détenu.e.s des prisons à Genève. Évangile : Luc 11 1-13

Cette relation avec le Père Jésus la décrit avec des verbes qui invitent à la confiance et la liberté. Et à la persévérance.

« Demander, on vous donnera. Frapper, on vous ouvrira » (9). Lorsque l’on s’approche de Dieu, le Père, il n’y a pas d’écriteau « Attention danger » ! Il ne faut pas un carton d’invitation VIP pour entrer, il ne faut pas présenter de capacités particulières, pas de CV impressionnant, …

Simplement dire « Père »… et oser : oser demander, oser déranger, oser insister… Oser être soi-même et laisser le Père être lui-même ! Accueillant, aimant, généreux. Il y a tant de malentendus sur qui est Dieu, le Père, et ce qu’il attend de nous.

Il y a une expression qui dit bien la conséquence tragique de notre ignorance de ce que l’on peut vivre avec Dieu, le Père : « Être assis sur un tas d’or »… Elle signifie « avoir des richesses sans le savoir ou sans les connaître. »

Il est hélas possible de vivre une relation avec Dieu qui nous prive de toute la richesse de son amour, de toute l’étendue de sa bonté, de la douceur de sa tendresse, de la plénitude de sa générosité, etc.

Jésus a parlé d’un personnage victime de cette méprise : le fils ainé d’une parabole bien connue qui se plaint de l’accueil généreux du Père envers son frère qui a tout gâché alors que lui dit n’avoir jamais reçu le moindre signe de sa bonté…

C’est à ce fils que les mots les plus bouleversant peut-être de cette histoire son adressés : « Mon enfant, toi, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. » (Lc 15,31)

Bouleversant !… Tout une vie à trimer, à ruminer sur la dureté et l’avarice d’un père… Alors que tout était à lui, qu’il pouvait en jouir librement !

Il a travaillé comme un esclave, alors qu’il était un fils, il a vécu comme un mendiant alors qu’il possédait une fortune !

La prière que Jésus enseigne dit sans doute première que Dieu, le Père, n’est pas là uniquement pour donner, répondre, etc. N’est-il qu’un distributeur de choses utiles ou pratiques, ou confortables… ?

J’aimerais simplement conclure avec ces mots de Paul Claudel : « Dieu n'est pas venu supprimer la souffrance. Il n'est même pas venu l'expliquer, mais il est venu la remplir de sa présence ».

« Père, fais connaître à tous qui tu es. » (2)

 



jeudi 21 juillet 2022

Entre 4 murs. Entre 4 yeux. Un accompagnement spirituel (1 - Replublication de l'été)

C’est avec ce titre que j’ai voulu présenter un témoignage (en trois volets) sur mon engagement comme aumônier sur deux lieux différents et auprès de deux populations distinctes : les personnes détenues dans les prisons et les patients dans les hôpitaux.

 

Observez avec moi la photo de ces deux enfants. J’y vois l’intensité de la peine de l’enfant souffrant… et la douceur empruntée du jeune consolateur ! Et je m’y retrouve, personnellement, dans l’exercice de ma tâche, car accompagner des personnes en situation de fragilité demande de l’authenticité autant que de consentir à être vulnérable !

 

De cette position particulière, j’ai souhaité partager avec vous la richesse autant que l’inconfort, parfois, d’un accompagnement adressé à des personnes différentes, dans des contextes différents. Et pourtant, il y a certaines similitudes que j’ai pu observer.

 

À l’hôpital de gériatrie, par exemple, il n’est pas rare d’entendre : « Je suis en prison, ici ! ». Pour moi, qui visite de « vrais » détenus, c’est une occasion intéressante de parler avec ces patients de ce qu’ils ressentent comme une « prison » ? Une occasion pour eux de pouvoir me dire combien leur liberté leur paraît réduite, limitée, voire refusée !

 

Et dans les prisons ? J’ai souvent, avec les détenus, un entretien similaire à celui des patients, quand nous parlons du temps de leur arrivée, celui de leur temps de cure, puis celui de leur retour à la maison. Pour un détenu, quitter la prison c’est devoir faire face à la surprenant crainte de retrouver la liberté. Arriver en prison est angoissant… et en repartir, tout autant ! Et bien, il peut en être de même pour les patients : la perspective d’un retour à la maison peut être inquiétante, s’il faut aller en EMS, par exemple, ou apaisante, s’il est possible de rentrer chez soi ! Mais pour eux tous, la question demeure : est-ce que ce sera un retour à l’existence d’avant ? Ou autrement ? Ou Pire ?

 

Aux uns comme aux autres, je rends visite. C’est la base de mon activité d’accompagnant spirituel. Et, très concrètement, C’est une exigence dans mon agenda. Cela veut dire plusieurs demi-journées (dont une soirée pour des visite à la prison d’exécution de peine de La Brenaz) ; ainsi, toute une partie de mon temps qui est bloqué, j’aimerais dire consacré, à cette engagement et disponibilité – et qu’il faut veiller à préserver, ce qui n’est pas toujours simple…

 

La suite sera disponible dans la parution suivante: Entre 4 murs. Entre 4 yeux. Un accompagnement spirituel (2)

 


 

lundi 18 juillet 2022

Comme une fenêtre ouverte sur la liberté (Republication de l'été)

(8 décembre 2020)

À mon retour de vacances, il y a désormais, lors de mes entretiens avec les détenu.e.s, un petit rituel : leur décrire les lieux où j'étais, en dégustant une spécialité du coin que j'ai ramenée, ceci autour d’un thé ou café. 

Et pourtant, lorsque j'entendis pour la première fois la personne détenue m'interroger: "Et vos vacances, ce sont-elles bien passées?" J’avais répondu rapidement à la question : "Très bien, merci" et préféré m’engager sur un autre sujet. 

Cependant, je lisais une certaine déception sur son visage et elle revint à la charge: "Et il a fait beau ?"

Je pensais intérieurement : « Attends, je ne vais tout de même pas raconter comment j’ai passé de belles vacances à quelqu’un qui en est privé : c’est trop cruel !

Mais je perçois que c’est important et me lance dans quelques souvenirs de vacances. Ses yeux s’ouvrent alors et son cœur de même... et il n'est plus question de cruauté, mais je joie partagée. 

Je réalise, en cet instant, que je suis comme une fenêtre ouverte sur la liberté !

Depuis, je ramène à chaque fois quelques biscuits de la région visitée, et les partage simplement autour d'un café. J'y ajoute même quelques photos de paysages.

Et nous partageons un moment unique de curiosité joyeuse, de complicité, de réconfort...

Je suis le passeur étonné de la vie du dehors!



dimanche 26 juin 2022

Mauvaise graine...?

Il en va du Royaume des Cieux comme d’un homme qui a semé du bon grain… C’est par ces mots que Jésus débute cette courte histoire, que l’on appelle parabole et qui est une manière de parler en image. Jésus l’emploie avec un talent reconnu mais son intention est d’abord de nous intriguer quant à ce que nous savons ou pensons de Dieu.

De manière étonnante, juste avant ce récit, Jésus affirme que ces histoires sont des énigmes si nous les écoutons de manière superficielle. Plus surprenant : il ajoute même que ces paraboles pourraient nous donner de bonnes raisons de nous éloigner de lui !

Ainsi, lorsque Jésus, par cette parabole, nous interpelle sur la présence de ce Royaume dans notre existence, soyons attentifs à son avertissement : « Entende qui a des oreilles ! » (43).

Courte prédication partagée offerte aux personnes détenues des prisons à Genève. Évangile du jour : Matthieu, chapitre 13, versets 24-30.

Il y a un moment très important dans cette parabole (28-30) : Des ouvriers proposent d’arracher la mauvaise herbe semée par un ennemi, mais le Maître les arrête : Non, de peur qu’en l’arrachant vous ne déraciniez le blé avec elle. Laissez l’un et l’autre croître ensemble jusqu’à la moisson. » (29) En s’opposant à ce geste radical, le Maître refuse un geste qui conduirait à plus de confusion encore : perdre toute la récolte !

Il faut donc s’armer de patience plutôt que de violence ! Jésus ne nous donne pas d’autre alternative, et pas d’explication à la présence de ce mauvais coup d’un adversaire. Cependant, il nous invite à prendre notre part de responsabilité dans ce temps ou le bon et le mauvais grain poussent ensemble…

Ce qui pourrait nous décourager : « Si Dieu est bon, pourquoi tant de mal dans ce monde ? » Et abandonner notre travail dans son champ. Ou accepter la sagesse du propriétaire du champ. Avoir confiance que le Royaume des Cieux peut grandir malgré ce qui s’oppose à lui, et que la confrontation avec le mal ne peut le détruire !

Un peu plus loin (36-43), Jésus donne une interprétation de sa parabole et surprise : tous les personnages cités vont recevoir une explication (37-39): « Celui qui sème le bon grain, c’est le Fils de l’homme ; le champ, c’est le monde ; le bon grain, ce sont les sujets du Royaume, etc. » Tous… excepté les serviteurs ! Cet omission est intéressante, car si le rôle des serviteurs n’est pas expliqué, n’est-ce pas parce qu’il est encore à écrire ?

Et c’est là où nous en sommes aujourd’hui : l’appel de Jésus à travailler dans les champs du Royaume des Cieux s’adresse encore à chacune et chacun d’entre nous. Et lorsque nous serons confrontés à cette mystérieuse présence du mauvais grain, rappelons nous que le Maître le sait et qu’il ne nous laissera pas travailler en vain. Il est avec nous, « tous les jours, jusqu’au jour de cette moisson » (Mt 28,20)

Un poète français, Paul Claudel, l’a dit avec ses mots : « Dieu n'est pas venu supprimer la souffrance. Il n'est même pas venu l'expliquer, mais il est venu la remplir de sa présence. »

« Entende qui a des oreilles… » J’ajouterais « Regarde qui a des yeux pour voir… » dans la nuit du monde les lumières du Royaume des Cieux…



samedi 18 juin 2022

"J'irai où tu iras..."

"J'irai où tu iras, mon pays sera toi. J'irai où tu iras. Qu'importe la place, qu'importe l'endroit" Vous aurez peut-être reconnu les paroles d'une célèbre chanson de Céline Dion. Elles font un écho assez étonnant à celles que nous venons de lire dans l'Evangile.

Courte prédication offerte aux détenu.e.s des prisons à Genève. Texte de l'Evangile du jour: Luc chapitre 9, versets 59 à 62.

Le texte de Luc, en effet, nous livre deux courts échanges entre le Maître de Nazareth et des personnes que sa parole a sans doute enflammé comme Jérémie dans notre texte de tout à l’heure…

En lisant rapidement ces échanges, nous pouvons être choqué par les paroles « excessives », les réponses si tranchantes, de Jésus ! Quel sens donner à de telles « exigences radicales » ?

Peut-être faut-il se rappelé tout d’abord que Jésus à « sa Passion » en point de mire… Lui n’a pas le « luxe » de faire des petites haltes ou revenir sur ses pas – que cela soit légitime ou pas… Il va de l’avant, il est en chemin, il marche résolument vers Jérusalem, et rien ne doit retarder l’accomplissement de sa mission. Il a devant lui, selon les mots de l’exégète Daniel Marguerat, : « l’urgence d’annoncer la venue du Règne de Dieu et cela prime sur les devoirs même les plus sacrés. »

A nous aussi de retenir la leçon : être en marche, ne pas traîner en chemin... et vivre l’Evangile non en méprisant nos proches ou les réalités de la vie quotidiennes, mais en lui donnant la priorité dans notre vie quotidienne. C’est peut-être ce qui nous concerne dans les paroles de Jésus : L’Evangile n’est pas un loisir du week-end mais une parole qui féconde toute notre vie – y compris et plus encore les moments les plus significatifs de notre existence.

Je te suivrai « partout où tu iras »… ? Eh bien, ce n’est pas toujours très confortable : moins bien logé que les renards ou les oiseaux du ciel ! L’errance et la vulnérabilité dont parle Jésus n’est-elle d’ailleurs pas aussi en partie la nôtre aujourd’hui ?

L’apôtre Pierre nous désignait comme des gens de passage et des étranger sur la terre (1 P 2,11), cependant, quel que soit le lieu où nous le suivons, que nous soyons dans la sérénité ou la fragilité, notre vie est fécondée par la parole du Christ.

Et lorsqu’il nous invite à le suivre, il s’engage à être près de nous. Je pense aux mots du Cantique des cantiques : « … sa bannière sur moi, c’est l’amour. » (Ct 2,4). L’amour, comme le signe de sa présence et de notre confiance.


Photo: Eric Imseng

mercredi 15 juin 2022

Quand chaque dimanche est une Pentecôte...

 (Une republication du 16 mai 2021)

Cette photo donne un exemple des feuillets que je réalise pour les célébrations avec les personnes détenues dans les prisons.

Parfois jusqu'à 9 langues sont présentes (y compris les nombreuses confessions et dénominations).

Et cependant, nous vivons à chaque fois un temps de communion réelle dans une parole unifiée, malgré une telle diversité !

Ce qui le rend possible ? Mon hypothèse :

« Je vous donne un commandement nouveau : aimez-vous les uns les autres. Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres. A ceci, tous vous reconnaîtront pour mes disciples : à l’amour que vous aurez les uns pour les autres. » (Jean 13,34)

L'amour du Christ nous affranchit de tant d'obstacles... C'est peut-être la compétence qui me personnalise le mieux parmi celles et ceux qui viennent en aide aux personnes détenues: mon humble confiance en cet amour du Christ.

"Jésus, paix de nos cœurs, ton Évangile vient ouvrir nos yeux à la plénitude de ton amour: il est pardon, il est lumière intérieure." (Frère Roger, de Taizé)
 
 

jeudi 9 juin 2022

"Qui sont ma mère et mes frères" ?

Permettez-moi de commencer par la lecture d’un récit de sagesse tibétain : Un jour en marchant dans la montagne, j’ai aperçu une bête. En m’approchant, je me suis rendu compte que c’était un être humain. Et en arrivant près de lui, j’ai vu que c’était mon frère.

Ce récit rappelle selon moi bien des sujets de l’Évangile que nous lisons aujourd’hui. Le premier est que l’on peut se tromper sur quelqu’un – et se tromper lourdement. C’est le cas dans le récit de Mc à propos de la santé mentale de Jésus et de son autorité spirituelle.

Texte de l’Évangile (Mc 3, 20 à 35). Courte prédication offerte aux patient.e.s d'une aumônerie hospitalière.

L’évangéliste, avec son style habituel, n’y va pas par quatre chemin, il n’enjolive pas la brutalité des propos tenus, par sa parenté tout d’abord : Il a perdu la raison – bref : il est devenu fou. Et les responsables religieux ensuite : il a Belzébuth en lui – c’est-à-dire, il est possédé par Satan !

Ces jugements à l’emporte-pièce sont exprimés par des personnes qui se tiennent « éloignées » de Jésus : sa parenté, est au-dehors de la maison ; les chefs religieux, viennent de Jérusalem… Tous semblent se tenir aussi éloignés de Jésus que notre marcheur l’était de son frère, dans notre récit tibétain.

Ma mère, mon frère, ma famille… La famille de sang de Jésus ne voit pas en lui un prophète, et encore moins le Messie. Jésus est pour eux comme une « bête », qui leur fait honte et peur. Et si elle le voit en être humain, c’est comme dérangé, ou tout simplement fou ! Il faut le soustraire à cette foule, le ramener à la maison ; il faut que cela cesse…

Jésus va tenir alors des propos aussi bouleversants que choquants et il va préciser qui peut se dire de sa parenté. Non, pas ceux qui sont de son sang. Non, pas ceux de sa religion non plus. Mais celles et ceux qui se tiennent là, autour de lui, à l’écouter, motivés à vivre le désir de Dieu pour sa création.

Mais pour cela, il faut s’approcher de Jésus, écouter sa parole et la laisser changer nos cœurs – et nous ouvrir les yeux sur la bonté et l’amour de Dieu. Il nous faut répondre à la question essentielle qui parcours tout l’Évangile de Mc : qui donc est cet homme ? Et sans doute donner une meilleure réponse que la parenté de Jésus, ou que ces responsables religieux suspicieux. Mais une fois auprès de lui, Jésus nous demande de vivre cette parenté qui fait de nous des sœurs, des pères… des parents dans la foi au Christ.

C’est le moment de jeter un coup d’œil sur l’image qui se trouve sur votre feuillet. Ces mains jointes, unies, de sexes et de couleurs différentes… les voyez-vous ? Et une question me vient en les regardant : ces mains sont-elles unies librement ? Sont-elles jointes les unes aux autres ou crispées les unes par rapport aux autres ? Ses mains se soutiennent-elles ou se combattent-elle ?

En nous appelant ses frères, ses mères… Jésus nous rend responsables les uns des autres ; il nous appelle à vivre en communion les uns avec les autres. « Les uns les autres » est une expression qui revient au moins 30 fois dans le NT. Et elle est accompagnée par des verbes absolument nécessaires à nos relations, comme aimer, accueillir, honorer, …et bien sûr : supporter, pardonner !

Être de la parenté du Christ est sans doute une grâce qui nous donne une immense joie, et aussi une responsabilité. Comme l’a écrit le théologien Dietrich Bonhoeffer : la grâce à un prix ! Non pas qu’elle s’achète, mais en vivre à un coût : celui de notre service, de notre patience et de notre fidélité envers Dieu et les humains. Ce théologien voulait tordre le cou d’une « grâce à bon marché » qui n’a ni sens, ni valeur, ni exigence. Il écrivait : « La grâce à bon marché est l’ennemie mortelle de notre Église. Actuellement dans notre combat, il y va de la grâce qui coûte. »

Les mains unies sur cette image le sont par la volonté et la grâce de Dieu, mais pour que ces mains vivent unies entre elles, elles sont appelées à le désirer, à rechercher entre elles la paix et l’unité.

Chers frères et sœurs de Jésus, chère mères et pères du Messie, chère parenté du Fils de Dieu, réjouissons-nous de ce qu’il n’a pas hésité à nous adoptés comme tels.

Dans la lettre aux hébreux, au chapitre 2, nous lisons que Jésus notre frère à souhaiter être de notre famille, pour notre bien : « … car ce n’est pas à des anges qu’il vient en aide, mais c’est à la descendance d’Abraham (16). Nous ne sommes pas des anges, c’est entendu ; mais de la descendance d’Abraham, nous le sommes certainement !

Ainsi donc, la question peut rester ouverte pour chacune et chacun d’entre nous : comment allons-nous vivre, avec nos mots et à notre façon, cette parenté avec le Christ ?



vendredi 22 avril 2022

Mémoire, délire et perplexité (Une méditation de Pâques - Republication)

"Dans les cimetières, ce qu’on met en terre ce sont des sourires de toutes les couleurs”. Ces mots sont de de Christian Bobin. Vous allez peut-être me dire : «… c’est un peu fort : nous sommes le jour de Pâques, le jour de la résurrection du Christ, et vous nous parlez de quoi ? d’un cimetière !

Pourtant, c’est bien là que notre récit commence : dans un cimetière, dans un tombeau ! Un lieu de mort. Un romancier anglais écrivait que « la mort est la démocratie suprême » (Neil Gaiman) : que l’on soit pauvre ou riche, bon ou méchant, tous, nous y reposerons un jour…

Courte prédication. Partagée en aumônerie pour le dimanche de Pâques. Textes bibliques du jour : Livre des Actes, chapitre 10 et Evangile de Luc, chapitre 24, 1-12.

Pour ma part, j’aime visiter les cimetières. Certains me taquinent un peu à ce sujet, car ils n'y trouvent que peu d’intérêt. Alors pourquoi cette curiosité, pourquoi être ému en visitant ces lieux – n’en déplaise à certains de mes amis… ?

Eh bien, je suis touché par les vies qui sont rappelées dans ce lieu. Sur chacune de ces tombes : des noms, des dates, parfois un verset biblique, une photo… Et j’éprouve du respect pour ces personnes qui reposent là… et dont je fais mémoire. Ces vies, diverses et achevées, sont sans doute les « sourires de toutes les couleurs »… dont parle Christian Bobin.

Mais revenons à notre Evangile, et retrouvons ces femmes qui viennent au tombeau. Avec une première surprise, lorsqu’on étudie les mots employés par Luc: quand qu’il écrit « tombe », au début de ce récit, il emploie un mot qui veut dire aussi « mémoire », « souvenir ». Tiens, tiens…

En se rendant au tombeau, ces femmes viennent terminer la toilette mortuaire de Jésus, mais elles ont aussi rendez-vous avec leur mémoire, leurs souvenirs qui les relient à leur maître. Mais soudain, ce qu’elles voient les effraient : le tombeau est vide, et il y ces êtres lumineux qui se présentent à elles… Elles ont peur !

Et puis, il y a ce qu’elles entendent de ces deux êtres célestes : Et puis, il y a ce qu’elles entendent de ces deux êtres célestes : « Rappelez-vous »… Rappelez-vous les paroles que Jésus a prononcées. On pense à la Bonne Nouvelle qu’il a annoncée et que nous avons lu tout à l’heure dans le livre des Actes – comme une confession de foi – dans la bouche de Pierre.

Mais, plus précisément, « rappelez-vous » les annonces de sa Passion qu’il a faites, à plusieurs reprises. Et enfin, le sens qu’il a donné à ce tombeau vide : « … il faut qu’il soit crucifié… et au troisième jour, il ressuscite » !

Mais comment ces femmes passent-elles de la peur à foi, de la mort à la vie ? Eh bien, elles répondent à l’invitation des êtres célestes : Elles se « rappelèrent ». Elles laissent les paroles de Jésus revenir à leur mémoire ; elles laissent les paroles de Jésus reprendre vie en elles.

Elles se rappellent les paroles dites par celui qui est – désormais – Vivant ! Alors, elles reviennent à la vie avec ce Jésus vivant ! Et elles proclament, non plus seulement ce qu’elles ont vu dans la peur, mais ce qu’elles savent désormais dans leur mémoire, dans leur foi – qui est notre foi : le Christ est ressuscité !

Et c’est bien ce que nous vivons ensemble, en ce jour : Nous accueillons la Parole de Jésus pour qu’elle prenne vie en nous ! Et nous nous rappelons que la vie du Christ ressuscité – nous ressuscitera. « Jésus dit : Je suis la résurrection et la vie : celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? » (Jn 11, 25-26)

Les femmes au tombeau. Fra Angelico (1442)



samedi 16 avril 2022

"Il vit et il crut..." (Prédication du dimanche de Pâques dans les prisons)

« Il vit et il crut »... VOIRCROIRE… deux verbes qui n’ont pas toujours fait bon ménage quand on parle de la foi. Et pourtant, comment vivre sans eux ? VOIR c’est le verbe qui dit que nous avons deux yeux et qu’ils ont une importance cruciale pour observer, s’orienter, se reconnaître… Et bien sûr, il nous arrive de ne pas voir. CROIRE c’est le verbe qui dit que tout ne se voit pas avec les yeux, c’est le verbe pour dire la confiance, mais aussi la conviction… Car nous pouvons avoir de bonnes raisons de croire.

 

Le voir et le croire apparaissent dans plusieurs scènes du chapitre 20 de l’Évangile de Jean et c’est consciemment que l’évangéliste développe la question du VOIR et du CROIRE ! Voir pour croire ? Que faut-il voir pour croire ? Et enfin : peut-on croire sans voir ?

 

Courte prédication offerte aux détenu.e.s des prisons à Genève lors d'une célébration œcuménique de Pâques. Texte de L’Évangile: Jean 20,1-10.


« Il vit et il crut » … à cause d’un SIGNE. Dans l’Évangile de Jean, ce mot est très important. Les miracles accomplis par Jésus, par exemple, sont des signes, c’est-à-dire qu’ils sont porteurs d’un message qui nous invite à la confiance dans le Christ, à la foi en Dieu !

 

En cet instant, ce  disciple « qui a couru plus vite que Pierre » vient d’entrer dans un tombeau vide. Et comme Pierre avant lui, il voit le signe : ces bandelettes « posées là » et « le linge qui avait recouvert la tête »… mais qui est « roulé à part, dans une autre endroit. »

 

Ainsi, ce tombeau n’est pas seulement vide, il contient une INTRIGUE… encore une manière pour l’évangéliste de composer ces récits de résurrection. Ces bandelettes, comme abandonnées,  et surtout ce linge soigneusement roulé à part… tout cela ne contredit-il pas le VOIR de Marie de Magdala : « On a enlevé du tombeau le Seigneur, et nous ne savons pas où on l’a mis. » (2 ) ? Tout cela ne MONTRE-T-IL pas au contraire que le corps n’a été ni volé ni déplacé, tout cela ne laisse-t-il pas VOIR des gestes conscients pour s’en défaire en quittant ce tombeau ? 

 

Au VOIR paniqué de Marie, il y eu le VOIR stérile de Pierre. Maintenant, « l’autre disciple, celui qui était arrivé le premier, entre à son tour dans le tombeau… » Et c’est le VOIR de la foi : il n’y plus de peur ni de doute : « Jésus devait se relever d’entre les morts » (9) Eh bien, cela est ACCOMPLI !

 

Est-ce que des paroles de Jésus lui sont revenues en mémoire ? Sans doute… Comme celles dites à Marthe devant le tombeau de Lazare : « Je suis la résurrection et la vie : celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra. Et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? (11.25) Et nous, croyons-nous cela ? 

 

Alors que le disciple que Jésus aimait VOIT et CROIT sur paroles, ces signes de la résurrection, alors que ces paroles de Jésus ne sont pas encore « l’Écriture selon laquelle Jésus devait se relever d’entre les morts » (9)…  nous, qui écoutons cet Évangile aujourd’hui, que voyons-nous, que lisons-nous, que croyons-nous ? Accepterons-nous de vivre ce passage du mystère à l’intrigue, de l’intrigue au sens, et du sens à la foi ?

 

Nous n’avons aujourd’hui que « l’Écriture » pour croire… Oui, mais pas seulement : nous avons aussi cette béatitude que Jésus adressa à Thomas : « Parce que tu m’as VU, tu as CRU ; bienheureux (celles et ceux) qui, sans avoir VU, ont CRU. » (29)

 

Christ est ressuscité ! Oui, il est vraiment ressuscité !



Illustration: Berna

Dans la hâte d'un soir, un homme vient au jour... (Une méditation du Vendredi Saint)

Le soir du Vendredi Saint, nous rencontrons des détenus de la prison de La Brenaz pour une veillée Pascale. Je partage ici avec vous - telle quelle - une méditation qui fait le lien entre deux temps de partages sur les 7 Paroles du Christ en croix et la découverte du tombeau vide en Jean 20.

Maintenant: la mort a fait son œuvre, Jésus n’est plus.

Dans notre veillée de ce soir, nous sommes exactement entre l’instant de la mort de Jésus et la découverte de son tombeau vide, que nous lirons tout à l’heure (Jn 20)

Je vous propose maintenant de vivre un temps de méditation, de prière et de chants. Pour nous imprégner un peu du deuil dans lesquels tous les proches de Jésus se trouvaient !

Mais avant, je vous invite à écouter, le cantique de Taizé : Notre âme attend le Seigneur, en lui, la joie de notre cœur.

Vivre un temps de suspension entre la mort et la résurrection. Pour préparer cette méditation, j'ai pris le temps de relire les textes des quatre évangiles qui décrivent un moment très particulier : la mise au tombeau de Jésus.

J’ai alors repensé aux familles en deuil que j’ai accompagnées. Et ces passages de l’Écriture m'ont rappelé leur situation lors de la perte d’un proche : on a beau être choqués, bouleversés, tristes, anéantis… Il faut agir, prendre des décisions, préparer les obsèques, le service funèbres. C’est comme un tourbillon émotionnel dans lequel on prend des décisions, en étant aussi conscient que possible, mais émotionnellement… on est ailleurs ! 

Et pareillement dans les Évangiles, y compris la hâte dans les préparatifs, car dans ces textes la Préparation du Sabbat oblige à faire les choses dans la précipitation !

Parmi les personnes qui devaient agir vite, il y a bien sûr le groupe des femmes qui tiendront un rôle important, mais il y a aussi un homme qui va se révéler au grand jour : Joseph d’Arimathée.

Les textes nous le décrivent comme riche, pieux, et membre du Sanhédrin. Il nous disent encore qu’il est un disciple de Jésus, mais en secret par crainte des juifs… et cependant, il n'a pas cautionné le décision de faire mourir Jésus. 

Maintenant, il va montrer clairement sa considération envers Jésus, entreprendre des décisions qui ne laisseront pas de doutes sur son lien avec celui qui vient d’être supplicié et abandonné sur cette croix !

Et je me demande : la mort de Jésus peut-elle aussi m’aider à vivre ma foi plus profondément et avec plus d’authenticité ? (Puis, échanges avec les détenus)

Je vous laisse y penser quelques instant en écoutant le cantique de Taizé : Christe Salvatore.

Joseph va montrer également beaucoup de courage et d’empathie. Le courage (le mot est clairement dans l’Évangile de Marc)de se présenter à Pilate pour lui demander le corps de Jésus. Ce n’est pas anodin : pour les romains, un supplicié restait sans tombeau… Et peut-être bien que les autres chefs religieux, malgré la Thora qui l’exige, se seraient bien accommodés de cela… Mais pas Joseph d’Arimathée !

Son courage étonne Pilate qui voit un chef religieux lui demander un geste de clémence, juste après que d'autres aient réclamé sa mort. Il aurait pu refuser, mais il accepte ! Et Joseph va jusqu’à prendre soin du corps de Jésus : l’envelopper d’un linceul, l’embaumer, l’oindre d’aromates et l’envelopper de bandelettes, selon la coutume juive.

La précipitation exigée par la préparation de la Pâques va même le conduire à un geste de grande générosité : c’est dans son propre tombeau, qu’il avait préparé pour lui, qu’il va mettre le corps défunt de Jésus. Quelle image saisissante ! Le tombeau que cet homme offre généreusement pour recueillir la mort de Jésus, va devenir le tombeau de la vie de Jésus, le signe de sa résurrection !

Et je me demande : courage, empathie, générosité… ? La mort peut-elle m’apprendre le sens de ma propre vie et de ma mort ? Quels gestes, quelles attitudes, la mort peut-elle me conduire à offrir aux personnes en deuils ? Est-ce que ces gestes de Joseph, me rappelle des gestes que j'ai accomplis pour me proches dans le passé? (Puis, échanges avec les détenus)

Je vous laisse y penser quelques instant en écoutant Jésus le cantique de Taizé: Jésus, ma joie, mon espérance et ma vie.

Avant de conclure, je vous invite à la prière – spontanément… dans votre cœur ou à haute voix. Et nous chanterons ensemble ensuite le cantique de Taizé : Fiez-vous en lui.

 



Pour vivre l'Evangile du Ressuscité: être chaussé de bonnes lunettes et bonnes chaussures !...

Prédication de ce dimanche, partagée avec la communauté paroissiale de Lutry-Belmont. Texte du jour: Evangile de Luc, chapitre 24, 35-48. Av...