jeudi 9 juin 2022

"Qui sont ma mère et mes frères" ?

Permettez-moi de commencer par la lecture d’un récit de sagesse tibétain : Un jour en marchant dans la montagne, j’ai aperçu une bête. En m’approchant, je me suis rendu compte que c’était un être humain. Et en arrivant près de lui, j’ai vu que c’était mon frère.

Ce récit rappelle selon moi bien des sujets de l’Évangile que nous lisons aujourd’hui. Le premier est que l’on peut se tromper sur quelqu’un – et se tromper lourdement. C’est le cas dans le récit de Mc à propos de la santé mentale de Jésus et de son autorité spirituelle.

Texte de l’Évangile (Mc 3, 20 à 35). Courte prédication offerte aux patient.e.s d'une aumônerie hospitalière.

L’évangéliste, avec son style habituel, n’y va pas par quatre chemin, il n’enjolive pas la brutalité des propos tenus, par sa parenté tout d’abord : Il a perdu la raison – bref : il est devenu fou. Et les responsables religieux ensuite : il a Belzébuth en lui – c’est-à-dire, il est possédé par Satan !

Ces jugements à l’emporte-pièce sont exprimés par des personnes qui se tiennent « éloignées » de Jésus : sa parenté, est au-dehors de la maison ; les chefs religieux, viennent de Jérusalem… Tous semblent se tenir aussi éloignés de Jésus que notre marcheur l’était de son frère, dans notre récit tibétain.

Ma mère, mon frère, ma famille… La famille de sang de Jésus ne voit pas en lui un prophète, et encore moins le Messie. Jésus est pour eux comme une « bête », qui leur fait honte et peur. Et si elle le voit en être humain, c’est comme dérangé, ou tout simplement fou ! Il faut le soustraire à cette foule, le ramener à la maison ; il faut que cela cesse…

Jésus va tenir alors des propos aussi bouleversants que choquants et il va préciser qui peut se dire de sa parenté. Non, pas ceux qui sont de son sang. Non, pas ceux de sa religion non plus. Mais celles et ceux qui se tiennent là, autour de lui, à l’écouter, motivés à vivre le désir de Dieu pour sa création.

Mais pour cela, il faut s’approcher de Jésus, écouter sa parole et la laisser changer nos cœurs – et nous ouvrir les yeux sur la bonté et l’amour de Dieu. Il nous faut répondre à la question essentielle qui parcours tout l’Évangile de Mc : qui donc est cet homme ? Et sans doute donner une meilleure réponse que la parenté de Jésus, ou que ces responsables religieux suspicieux. Mais une fois auprès de lui, Jésus nous demande de vivre cette parenté qui fait de nous des sœurs, des pères… des parents dans la foi au Christ.

C’est le moment de jeter un coup d’œil sur l’image qui se trouve sur votre feuillet. Ces mains jointes, unies, de sexes et de couleurs différentes… les voyez-vous ? Et une question me vient en les regardant : ces mains sont-elles unies librement ? Sont-elles jointes les unes aux autres ou crispées les unes par rapport aux autres ? Ses mains se soutiennent-elles ou se combattent-elle ?

En nous appelant ses frères, ses mères… Jésus nous rend responsables les uns des autres ; il nous appelle à vivre en communion les uns avec les autres. « Les uns les autres » est une expression qui revient au moins 30 fois dans le NT. Et elle est accompagnée par des verbes absolument nécessaires à nos relations, comme aimer, accueillir, honorer, …et bien sûr : supporter, pardonner !

Être de la parenté du Christ est sans doute une grâce qui nous donne une immense joie, et aussi une responsabilité. Comme l’a écrit le théologien Dietrich Bonhoeffer : la grâce à un prix ! Non pas qu’elle s’achète, mais en vivre à un coût : celui de notre service, de notre patience et de notre fidélité envers Dieu et les humains. Ce théologien voulait tordre le cou d’une « grâce à bon marché » qui n’a ni sens, ni valeur, ni exigence. Il écrivait : « La grâce à bon marché est l’ennemie mortelle de notre Église. Actuellement dans notre combat, il y va de la grâce qui coûte. »

Les mains unies sur cette image le sont par la volonté et la grâce de Dieu, mais pour que ces mains vivent unies entre elles, elles sont appelées à le désirer, à rechercher entre elles la paix et l’unité.

Chers frères et sœurs de Jésus, chère mères et pères du Messie, chère parenté du Fils de Dieu, réjouissons-nous de ce qu’il n’a pas hésité à nous adoptés comme tels.

Dans la lettre aux hébreux, au chapitre 2, nous lisons que Jésus notre frère à souhaiter être de notre famille, pour notre bien : « … car ce n’est pas à des anges qu’il vient en aide, mais c’est à la descendance d’Abraham (16). Nous ne sommes pas des anges, c’est entendu ; mais de la descendance d’Abraham, nous le sommes certainement !

Ainsi donc, la question peut rester ouverte pour chacune et chacun d’entre nous : comment allons-nous vivre, avec nos mots et à notre façon, cette parenté avec le Christ ?



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