vendredi 17 février 2023

Le Notre Père du prisonnier (2 - Notre Père qui est au cieux...)

Je poursuis la publication de courtes prédications, offertes aux détenu.e.s des prisons à Genève, sur chacune des paroles du Notre Père, dans l’Évangile selon Matthieu (6, 9-13).

Pour ceux qui l’ignorerait encore, les conditions de l'organisation des célébrations dans les prisons limitent la durée de leur déroulement. Et je n'ai que 5 minutes (avec sa traduction anglaise) pour partager une prédication avec les détenus.

Le titre de ces articles me vient d'une prière du Frère Dominicain Philippe Maillard: Le Notre Père du prisonnier (ou la prière des sans voix). Aujourd'hui décédé, il fut très engagé auprès des personnes en situation de précarité.

Il a laissé une magnifique paraphrase du Notre Père que j'ai également publié dans un article précédent. 

Mais pour le moment..

"Notre Père qui es aux cieux." (9)

Le 21 juillet 1969, à 3 heures de la nuit européenne, il y a un peu plus de cinquante ans, le commandant Neil Armstrong est le premier homme à poser le pied sur la lune ! Il a cette parole, devenue historique : « C’est un petit pas pour l’homme, mais un grand pas pour l’humanité » !

J’allais avoir 8 ans, et mes parents avaient accepté de me réveiller pour regarder, avec 600 millions de téléspectateurs, cet événement inouï : l’astre que je voyais si lointain était là, à portée de regard, et un homme était en train d’y marcher ! Fascinant ! Le rêve de marcher sur la lune, que notre humanité faisait depuis des siècles… était réalisé !

Si loin et pourtant si proche… Inaccessible et pourtant rejoint, touché, habité ! Cet événement a fait écho en moi, alors que je méditais les premiers mots de la prière de Jésus : « Notre Père qui est aux cieux ».

Autant le mot "père" peut nous paraître proche… autant le mot "cieux" peut sembler lointain. Que signifie ce "aux cieux" ? Dieu se tient-il dans les nuages ou parmi les étoiles ?

L’astronaute Yuri Gagarine aurait dit après son vol spatial : "j’ai volé dans l’espace, mais je n’ai pas vu Dieu" ? Mais savait-il que, dans l’espace qu’il avait traversé, il était encore dans la création de Dieu !

Savait-il que notre Père céleste est l’auteur des cieux, comme il l’est de toute la création, aussi loin que notre univers existe ! Savait-il que "aux cieux" n’est pas un lieu que l’on pourrait voir de nos yeux ? Notre père céleste, créateur du ciel et de la terre est esprit et vie et non matière que l’on pourrait toucher du doigt.

Le vitrail de Marc Chagall qui illustre cet article et qui s’intitule « La création du monde » le démontre : l’artiste n’est pas physiquement dans cette œuvre, et pourtant chaque trait et couleur qui a été posé pour créer cette œuvre est de lui.

Marc Chagall n’est pas visible dans cette œuvre, mais ses formes et ses couleurs, qu’il a créés nous parlent de sa personne, de son talent, etc. Et de même pour Dieu lorsqu’il est dit créateur du ciel et de la terre !

Mais intéressons-nous à l’expression "Notre Père". Jésus, s’il ne l’invente pas, ne l’emploie pas par hasard : elle est utilisée dans le judaïsme de son époque. Dans les religions de l’Antiquité aussi, en particulier lorsque l’on fait appel à son Dieu, en situation de détresse !

Mais le mot père pourrait rappeler des souvenirs pénibles… Comme ce jeune, à qui l’on parlait de Dieu comme un père, et qui s’écria : "si ton Dieu est comme mon père… tu peux te le garder !"

Cependant, Jésus ne parle pas d'abord de notre lien avec nos parents, il nous conduit à accueillir la valeur intime d'une relation avec Notre Père. Cette valeur est contenue dans un mot très simple, dans le vocabulaire du Nouveau Testament : Abba

Abba est à l’origine, le balbutiement de l’enfant en bas âge. Il dit aussi le respect que l’on doit à une personne plus âgée. Abba, Père, est la plus simple expression de notre être, nous disons ainsi la confiance de l’enfant envers son parent ! Et le respect envers une personne importante !

Jésus a prononcé ces mots lors de la nuit qui a précédé sa mort sur la croix, pour dire à son Père sa détresse. L’apôtre Paul l’emploie pour affirmer notre filiation avec Dieu que l’Esprit Saint crie en nous comme la bonne nouvelle d’une libération ! "Dieu a envoyé dans nos cœurs l'Esprit de son Fils, lequel crie : Abba ! Père !" (Ga 4,6)

Si nous disons à Dieu "Papa" (ou "maman", le genre n’est pas si important), c’est pour vivre libres et authentiques dans notre foi en Dieu, Notre Père, pour entreprendre avec créativité, pour persévérer avec audace. Vivre avec patience et confiance les temps difficiles de notre existence !

Tout à l’heure, nous dirons la prière de Jésus. Nous ne dirons pas "MON Père", mais "NOTRE Père"… La tendresse et la fidélité que Dieu nous offre dans ce mot, nous les vivons en amitié avec toutes celles et ceux qui font notre communauté de croyants, par le monde entier.

C’est sa force et peut-être sa faiblesse. Si elle reste uniquement la prière liturgique que nous vivrons tout à l’heure… habituelle, machinale, nous en perdons le sens et la valeur !

Aussi, je vous invite à tenter une petite expérience lorsque vous serez rentés chez vous, dites cette prière en laissant au moins 3 secondes entre chaque verset… Vous pourriez découvrir ainsi encore bien d’autres richesses spirituelles que celles que je viens de partager avec vous !


Marc Chagall : la création du monde

lundi 6 février 2023

Le Notre Père du prisonnier (1 - Vous donc, priez ainsi...)

Je publie ici les courtes prédications, sur chacune des paroles du Notre Père, dans l’Évangile selon Matthieu (6, 9-13), que j'ai partagées avec les détenus des prisons à Genève.

Pour ceux qui l’ignorerait, les conditions de l'organisation des célébrations dans les prisons limitent la durée de leur déroulement. Et je n'ai que 5 minutes (avec sa traduction anglaise) pour partager une prédication avec les détenus.

Le titre de ces articles me vient d'une prière du Frère Dominicain Philippe Maillard: Le Notre Père du prisonnier (ou la prière des sans voix). Aujourd'hui décédé, il fut très engagé auprès des personnes en situation de précarité.

Il a laissé une magnifique paraphrase du Notre Père que je publierai dans un article en parallèle à ces publications. Mais pour le moment... 

 

"Vous donc, priez ainsi : Notre Père qui est aux cieux." (9)

 

Nous venons de lire une prière qui a plus de 2000 ans! Depuis le début du christianisme, elle est dite par les disciples du Christ, et aujourd’hui, elle est prononcée en commun par les chrétiens de toutes confessions, à la suite de cet enseignement de Jésus.

 

Mais cette prière, ce ne sont pas que des mots à savoir et à dire. Jésus attend de nous plus qu’une récitation ! À ses disciples qui lui demandent une prière, Jésus leur donne un signe de reconnaissance et de communion. 

 

Une reconnaissance de nos frères et sœurs et une communion intime en Dieu.

Mais j’aimerais prendre le temps de lire avec vous, ce matin, les mots de Jésus qui précèdent cette prière, dans le texte de Matthieu.

 

Gardez-vous de pratiquer votre religion devant les hommes pour attirer leurs regards." (1)

 

Jésus ne critique pas le fait de prier ensemble, de manière visible, lors de nos célébrations, mais il parle bien d’hypocrisie… il dénonce une pratique religieuse qui n’est exprimée que pour se mettre en valeur devant les autres !

 

Le théologien Daniel Marguerat note que Jésus nous appelle à passer du paraître à l’être, et il précise : "La valeur d’une personne ne se joue pas dans ce qu’elle fait sous le regard des autres, mais dans sa relation filiale au Père qui voit dans le secret."

 

Et prier, c’est pour Jésus, entrer "dans ta chambre la plus retirée, verrouille ta porte et adresse ta prière à ton Père qui est là dans le secret." (6)

Cette « chambre » où Jésus nous invite, n’est pas seulement un lieu à l’écart, cette chambre est aussi une attitude de discrétion, d’humilité. Symboliquement, nous pouvons penser à notre être intérieur.

Dieu voit donc dans l’intime de notre être… ? Voilà qui pourrait être inquiétant !

Mais ce Père dont parle Jésus n’est pas un juge intransigeant prêt à nous faire des reproches… Sa présence dans le secret est une relation d’authenticité, sans complaisance, mais avec bienveillance. Dès lors, notre Père céleste s’attend à ce que nous soyons aussi vrai avec lui qu’il l’est avec nous.


Ainsi, le Notre Père qui est aux cieux est précédé par le Notre Père qui voit dans le secret : pas la peine de faire le show, pas la peine de se cacher, pas la peine d’avoir peur. Simplement être là, dans sa présence, et laisser le Père céleste nous voir – nous rencontrer.

 

Lorsque nous disons le Notre Père, Jésus nous invite encore à la confiance. "Quand vous priez, ne répétez pas comme les païens ; ils s’imaginent que c’est à force de paroles qu’ils se feront exaucer." (7)

 

Notre confiance en Celui qui nous écoute quand nous sommes en prière ne se mesure pas au nombre de paroles, ni à leur vitesse, ni à leur répétition… un flot de paroles, ne sert à rien non plus. Pourquoi ? "… car votre Père sait ce dont vous avez besoin, avant que vous le lui demandiez." (8)

 

S’il sait, alors pourquoi prier ? Le Réformateur Martin Luther a écrit que "Par nos prières, nous nous instruisons nous-mêmes, plus que nous instruisons Dieu." Le Réformateur ouvre ainsi la prière comme un espace de dialogue avec Dieu pour partager nos besoins, nos craintes, nos désirs…

 

Mais il y a plus intime encore. Saint Augustin a écrit : "Tout désir qui appelle Dieu en nous est déjà une prière." La prière comme un soupir, un désir de Dieu, de sa présence…? Et que dire du simple fait de se tenir en silence devant Dieu – qui est encore prière ?

 

Ainsi, le Notre Père qui est aux cieux est précédé du Notre Père qui sait ce dont nous avons besoin. Et parler avec quelqu’un qui sait, ce n’est pas inutile, mais rassurant. Prier, c’est s’approcher de Dieu et vivre… et donner du sens à notre vie.




mercredi 25 janvier 2023

Une eau vive sur tes lèvres...

Vous tous qui avez soif, voici de l'eau, venez ! Même si vous n'avez pas d'argent, venez ! Achetez à manger, c'est gratuit. Venez, achetez du vin et du lait sans argent.

Pourquoi dépenser de l'argent pour quelque chose qui ne nourrit pas ? Pourquoi vous fatiguer pour quelque chose qui ne rassasie pas ?

Écoutez-moi bien, alors vous aurez de bonnes choses à manger, vous goûterez des choses délicieuses. 

(Livre d’Ésaïe, chapitre 55) 

Boire à une source…? Et disponible gratuitement comme ces torrents de montagne où, randonneur fatigué, je retrouve un peu d'allant en y buvant? 

En lien avec les paroles du prophète, permettez-moi, de vous lire ce court extrait du « Petit Prince » de Saint-Exupéry :

"- Bonjour, dit le petit prince.

- Bonjour, dit le marchand.

C'était un marchand de pilules perfectionnées qui apaisent la soif. On en avale une par semaine et l'on n'éprouve plus le besoin de boire.

- Pourquoi vends-tu ça ? dit le petit prince.

- C'est une grosse économie de temps, dit le marchand. Les experts ont fait des calculs. On épargne cinquante-trois minutes par semaine.

- Et que fait-on des cinquante-trois minutes ?

- On en fait ce que l'on veut...

"Moi, se dit le petit prince, si j'avais cinquante-trois minutes à dépenser, je marcherais tout doucement vers une fontaine..."

Marcher tout doucement vers une fontaine… ? Prendre le temps de cette marche tranquille du Petit Prince… ? J’y pense souvent lorsque je vais en visite auprès des patients hospitalisés, comme auprès détenus incarcérés. 

Une marche humble et confiante qui rappelle, si nécessaire, que je ne viens pas en porteurs de solutions toutes faites, comme ce marchand de petites pilules supprimant la soif...

En accompagnant ces hommes et ces femmes, je m'interroge : lors de ces rencontres, qui apaise la soif de qui?... En hôpital de gériatrie, il arrive que les patients aient soif mais qu’ils soient trop faibles (ou éloignés de leur verre d’eau) pour boire.

Alors, je m'approche et propose de les aider à saisir leur verre, voire même d'accompagner le mouvement, parfois encore, de leur donner à boire entièrement par mon soin… Un geste qui me remplit de tendresse émue et mon patient, de gratitude. 

Mais la question demeure : qui désaltère qui ? Cette eau que je dépose sur ces lèvres ne désaltère-t-elle pas un espace intime de notre être profond? Chacun pour sa part?... 

Alors me vient à l’esprit un passage d'Évangile : celui d’un homme assis sur la margelle d’un puits. Il est capable de donner une eau qui apaise la soif pour toujours et pourtant il demande à boire à une femme venant puiser à ce puits… Vous avez reconnu sans doute la rencontre de Jésus et de la femme Samaritaine dans l’Évangile de Jean (Jean 4, 13-14).

Jésus adresse à cette femme une parole qui ne cessera jamais de m'étonner: «Toute personne qui boit de cette eau-ci aura encore soif. En revanche, celui qui boira de l'eau que je lui donnerai n'aura plus jamais soif et l'eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d'eau qui jaillira jusque dans la vie éternelle.»

Cette eau, n’en avons-nous pas tous besoin ? Et quelle est cette promesse de l’homme assis sur la margelle du puits de ne plus connaître la soif? Plus jamais?...

Pour moi, je le comprends non en supprimant notre besoin – comme le marchand de pilule du Petit Prince – mais en nous offrant sa fidèle présence qui ne cessera de désaltérer notre être, jour après jour.

Car cette eau qu'il promet, n’est-elle pas sa vie même?


Photo: Eric Imseng (Griesbach).

dimanche 22 janvier 2023

"Je te porte dans moi, comme un oiseau blessé..." (Louis Aragon)

Nous venons de lire deux passages de l’Écriture… vous rappelez-vous comment commençait le premier ? « Voici mon serviteur que je soutiens, mon élu qui a toute ma faveur » (Dans le livre d'Esaïe). Et le texte de L’Évangile, vous rappelez-vous ces dernières paroles ? « Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui je trouve ma joie. » (Dans l'Evangile).

Si le premier parle du serviteur ou le second parle du Fils, ces mots expriment la grande satisfaction et l’affection du Seigneur pour l’homme qui s’avance maintenant à la rencontre de Jean Baptiste pour demande à être baptisé par lui.

Courte prédication, offerte en aumônerie à Genève. Textes bibliques du jours : Esaïe 42,1-7 et Matthieu 3,13-17. Le Baptême de Jésus par Jean Baptiste.

« Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui je trouve ma joie. » Les exégètes ont observés que cette parole serait une combinaison de plusieurs textes prophétiques – dont celui d’Esaïe 42 que nous lisons aujourd’hui.

Elle forment ainsi une parole qui présente Jésus comme un fils de roi qui vient en humble serviteur et qui réjouit pleinement le cœur de son Père. Une attitude qui contraste avec ce que nous avons entendu un peu plus haut dans la prédication de Jean Baptiste : qu’est devenu le jugement ? Où est la hache, prête à attaquer la racine des arbres... (3,10) ?

Ou cette absence serait-elle justement l’expression de la grâce que Jésus vient offrir et qui se montre ici, en lieu et place du d’une parole de colère ou d’un geste de condamnation ?

On peut se rappeler ces paroles lues par Jésus dans la synagogue de Nazareth : "L’Esprit du Seigneur est sur moi parce qu’il m’a conféré l’onction pour annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres. Il m’a envoyé proclamer aux captifs la libération et aux aveugles le retour à la vue, renvoyer les opprimés en liberté, proclamer une année d’accueil par le Seigneur." (Lc 4, 18-19).

Cependant, Jean-Baptiste accueille Jésus en s’opposant à ce baptême et il affirme que c’est à Jésus de le baptiser… et non l’inverse. Jésus a une réponse aussi catégorique qu’énigmatique : « …il convient que nous accomplissions ainsi toute justice » (15)

Que peut bien être cette justice qu’il importe d’accomplir ? Matthieu emploie souvent ce mot, et ici : il signifie qu’il s’agit d’être fidèle à la volonté de Dieu, de réaliser ce qui aura son approbation, et fera sa joie, justement !

Ainsi, en acceptant de se faire baptisé par Jean Baptiste, contre la raison de sa nature et de sa personne, Jésus consent à faire un geste qui dit sa volonté de s’identifier à la condition humaine qu’il vient rejoindre, non pour la rejeter, mais – on peut le dire : pour s’y immerger pleinement !

Prendre sur lui – j’aimerais dire « en lui » – l’être humain dans son entier : ses échecs, sa beauté, sa faiblesse… est sans doute le désir majeur qui conduit Jésus à vivre le baptême de repentance de Jean-Baptiste. Et de fait : son accueil inconditionnel « des pécheurs » – qui lui sera reproché constamment – pour leur annoncer la grâce et l’amour de Dieu, commence en fait ici même !

Et son message est encore actuel : quelle que soit notre faute, notre erreur, notre faiblesse… Jésus s’approche humblement de chacune et de chacun de nous et il s’immerge avec nous dans la fragilité de notre condition humaine. Il nous y rejoint et il vit avec nous le premier pas de notre justification…

Cette disponibilité déterminée à nous rencontrer, là où nous sommes, tels que nous sommes ; cette intention de contribuer à restaurer notre personne dans une relation libre et franche avec Dieu : c’est en somme la « marque de fabrique » de ce que Jésus fera tout au long de son ministère… !

Pour le titre de cette Diachronique, le titre du poème de Louis Aragon s'est imposé à moi. On pourrait s'étonner de choisir un texte qui proclame "Qu'il n'y a pas d'amour heureux"... Mais je pense qu'au contraire, son poème clame la beauté et le courage d'être soi. Et ce courage à bien été celui de Jésus en acceptant ce baptême dans notre humanité fragile et souffrante.


vendredi 13 janvier 2023

Que ta volonté soit fête...

Un poète français du 20e siècle écrivait… « Notre Père qui êtes aux cieux Restez-y Et nous, nous resterons sur la terre qui est quelquefois si jolie. » Son nom est Jacques Prévert. Il reprend les paroles de la prière de Jésus et les transforment en une demande à Dieu pour qu’il reste dans les cieux.

Cette présence de Jésus, nous apprenant la prière du Notre Père, est une réponse tout à fait claire : Notre Père n’est pas resté dans les cieux !

Il a envoyé sa Parole, selon les mots de l’Évangile de Jean : « … Celui qui est la Parole est devenu un homme et il a vécu parmi nous, plein de grâce et de vérité. Nous avons vu sa gloire, la gloire que le Fils unique reçoit du Père. » (Jean 1,14). Le Fils est venu jusqu’à nous. Il a voulu vivre parmi nous.

Lorsque nous prions « Que ta volonté soit faite… », nous disons quelque chose de plus profond que « nous espérons que ta bonne idée, Ô Père, va bien se passer », nous disons notre confiance en la Parole du Christ, et notre engagement en faveur du Règne de Dieu.

Une méditation sur le Notre Père. Ce jour, la demande : « Que ta volonté soit faite » (Matthieu 6,10). Après les fêtes de fin d'année, un titre et une réflexion de circonstance?...

« Que ta volonté soit faite, sur la terre comme au ciel » Jésus voudrait-il nous rassurer ? Lorsque l’on observe les violences et les détresses du monde : le doute, la peur, peuvent nous assaillir... Où sont les signes que cela est en train de se produire ? Comment Sa volonté est-elle faite sur la terre comme au ciel ?

La question se posait déjà du temps de Jésus. Dans l’Évangile de Luc : « Les Pharisiens lui demandèrent : Quand donc vient le Règne de Dieu ? Il leur répondit : Le Règne de Dieu ne vient pas comme un fait observable. On ne dira pas : “Le voici” ou “Le voilà”. En effet, le Règne de Dieu est parmi vous. » et nous pouvons d'ailleurs traduire aussi : « En vous ». (Luc 17,20-21)

La réponse de Jésus indique que les signes de la venue du Règne de Dieu ne sont pas nécessairement visibles par les yeux… mais par la foi !

Ainsi, par ces mots du Notre Père, nous disons notre assurance que le bien de Dieu se réalise ici-bas. Nous disons que la présence du ciel de Dieu en nous portera ses fruits sur la terre. Mais nous ne nous satisfaisons pas de mots seulement.

« Que ta volonté soit faite, sur la terre comme au ciel » Jésus nous demanderait-il de participer ? Oui, cette volonté de Dieu nous concerne aussi. Un moine du 14e siècle a écrit : « Notre Dieu n'a pas de mains. Il n'a que nos mains pour construire le monde d'aujourd'hui. Notre Dieu n'a pas de pieds. Il n'a que nos pieds pour conduire les hommes sur son chemin. Notre Dieu n'a pas de voix. Il n'a que nos voix pour parler de Lui aux hommes. »

Ces mains, ces pieds, cette voix, appartiennent à celles et ceux qui portent en eux les gestes et les paroles du ciel de Dieu sur la terre, celles et ceux qui ont répondu à cet appel du Christ : « Le temps est accompli et le règne de Dieu s'est approché. Changez radicalement et croyez à la bonne nouvelle. » (Marc 1,15).

Accueillir le Règne de Dieu, cela nous change profondément, car avant de visiter la terre avec cette « bonne nouvelle », il faut la porter en soi !

Une amie, dans de courtes méditations spirituelles qu’elle publie sur Facebook écrivait : « Oui, le Seigneur Jésus règne déjà dans les cieux. Mais Il règne aussi dans les plus démunis de nos frères qui sont nus, étrangers, sans abris, …sur les routes, affamés et qui ont tant besoin de notre aide." Elle nous offre ainsi un exemple très parlant de ce que ces mots priés peuvent exiger de notre personne. (Pour les lecteur.trice.s de cet article, il s’agit de Luce Ellen, que je remercie chaleureusement).

Ainsi, par ces mots du Notre Père, nous appelons la volonté aimante de Dieu pour la terre et nous ouvrons notre être entier à sa présence et Dieu nous envoie, rempli de son amour et de son Esprit, pour en féconder la terre… comme au ciel.

Alors, nous pourrons vivre cette belle expression que j’ai trouvé sous la plume de Valérie Boquillon : pour que notre « Que ta volonté soit faite » devienne un « Que ta volonté soit fête » !


(Illustration) Marc Chagall: Fête au village

jeudi 29 décembre 2022

Le métier peut cesser, la vocation demeure...

Ce dimanche 1er janvier 2023, je cesserai mon activité ministérielle dans l’Eglise Protestante de Genève. Après plus de dix ans d’engagement en paroisse, aumônerie d’hôpital et de prisons, je mettrai fin à trente ans de ministère pastoral (dont une petite vingtaine auprès des enfants et de la jeunesse).

Une page importante se tourne… c’est la fin du livre de mon service pastoral et diaconal engagé (et salarié) dans les Eglises protestantes romandes.

Mais si le métier cesse, la vocation elle, demeure. Et si le titre prend fin, il y a des valeurs et des compétences qui, par la grâce de l’appel du Christ, demeurent au plus profond de soi toute la vie.

Je pense en particulier à celle de la lecture et de l’interprétation de la Bible et de sa méditation spirituelle. Ce fut la première source de ma vocation et de mon service : lire, méditer, et partager la Parole de Dieu.

Au-delà des idées reçues, des facilités dogmatiques, des vanités de langages, j’ai cherché à témoigner de la grâce annoncée dans les Ecritures, à l’écoute de cet homme qui a bouleversé ma vie : Jésus de Nazareth.

Un travail auquel mon épouse, Elisabeth, a largement contribué soutenir et réaliser par ses relectures exigeantes.

Parmi ces compétences, il y a encore mon intérêt pour la théologie et la spiritualité. Je n’ai pas été autre chose qu’un théologien protestant et libéral curieux de la vie que l’Esprit Saint donne à l’actualité du Christ dans le monde.

Enfin, je ne ferai pas l’impasse sur la troisième expression de ma vocation : accompagner les plus fragile et les plus vulnérables, être un passeur de la compassion du Christ, vivre l’Evangile auprès de celles et ceux qui, sans aucun mérite de leur part, sont les sujets privilégiés de la miséricorde et de la bienveillance divine.

Ainsi, mes publications sur Facebook et sur mon blog des « Diachroniques » continueront. Je continuerai à partager le sens, la joie et les appels que l’Evangile que nous adresse aujourd’hui, tout au long du temps de ma retraite.

Car je ne cesserai de méditer les paroles et les gestes de Jésus de Nazareth qui a fait l’homme que je suis aujourd’hui et d’en partager la beauté et ses valeurs aux vivants, quels que soient leur situations et convictions.

Et je leur accorderai, encore et encore, la solidarité d’un humain animé de l’Evangile du Christ.

Photo: Eric Imseng


samedi 24 décembre 2022

Et ils se hâtèrent... (Une méditation de Noël, dans les prisons)

Lorsque les anges eurent quitté les bergers pour le ciel ... (Lc 2,15)

Ça y est : l’extraordinaire chant des anges vient de cesser… Le silence de la nuit revient. Mais ce message des anges, cet instant enveloppé par la gloire du Seigneur, ne peut laisser les bergers sans réaction. Il faut Aller, voir, raconter … et ils se hâtent (15-16) : comme souvent à propos de la Bonne Nouvelle du Salut, il faut se dépêcher de la découvrir, de s’en approcher.

 

En se rendant à Bethléem, ils ne cherchent pas à dissiper un doute, mais c’est un désir joyeux qui portent leur pas vers cet enfant annoncé par l’ange. Et ils trouvent tout comme l’ange l’avait dit : Marie, Joseph et le nouveau-né couché dans une mangeoire (16) Et d’humbles bergers succèdent à la cour céleste du Seigneur pour annoncer la bonne nouvelle qui sera une grande joie pour tout le peuple (10)


Courte prédication offerte aux détenu.e.s des prisons à Genève, en ce dimanche de la Nativité. Evangile de Luc, chapitre 2.

 

Cette annonce au sujet de l’enfant étonne… mais ici encore, il ne faudrait pas y entendre de la perplexité. L’étonnement est un mot qui accompagne souvent les moments importants de l’Evangile de l’enfance chez Luc. C’est mieux que notre ça m’étonne, qui exprime de la perplexité… car ou pourrait traduire aussi par émerveillés. Les mots de bergers bouleversent en réalité les personnes présentent, car elles entendent que ce qu’elles espèrent depuis si longtemps est là, réalisé dans ce petit enfant, fragile et vulnérable.

 

Dans l’émoi de ces instants, au cœur de cet étonnement , il y un verbe, porté par une seule des personnes présentes : Marie. Elle médite en son cœur. Elle ne semble pas troublée par l’annonce des bergers, elle aussi a entendu une parole d’ange lui annonçant cet instant. La servante du Seigneur (1,38) vient d’être touchée une nouvelle fois par le mystère de la naissance du Christ. Elle en cherche le sens (19), mais elle fait plus qu’un exercice intellectuel, c’est la portée spirituelle de cet instant qu’elle dépose précieusement dans son cœur.

 

Et qu’en est-il de nous, aujourd’hui ? On peut se demander quel sens peuvent avoir ces fêtes de Noël passées ici en prison ? Sachez qu’au dehors, dans la frénésie de leurs achats, dans leurs espoirs de saveurs, de luxe et de confort, bien des gens se demandent quel sens tout cela peut avoir pour eux aussi ?

 

Et pour en connaître le sens, Marie nous indique la voie : méditer dans son cœur ces événements. L’éclat des fêtes de Noël nous présente une image qui peut nous cacher le sens de la Nativité. Combien se sentent exclus de la fête, alors que la naissance de Jésus, dans sa précarité et sa fragilité, tout au contraire, les accueillent, leur donne une place auprès de cet enfant ?


L’abbé Pierre a déclaré : Le contraire de la misère ce n’est pas la richesse. Le contraire de la misère, c’est le partage. Et voilà bien le sens de ce nous sommes appelés à vivre à Noël : Aller voir : sortir des idées reçues, renoncer aux réponses faciles, abandonner les conforts superficiels, se hâter de découvrir le sens de ce le Seigneur nous a fait connaitre (15) cette nuit-là, à Bethléem. Et prendre le temps de le méditer en son cœur, pour en goûter la richesse spirituelle.


L'adoration des bergers, Gerrit Van Honthorst.

vendredi 9 décembre 2022

Es-tu Celui qui doit venir?...

Au cœur de ce récit, il est question de la bonne nouvelle qui est annoncée aux pauvres. (5) Elle est audacieuse et libératrice : elle rend la vue et relève les corps, elle apaise le tourment des cœurs, elle relève celles et ceux qui ont tout perdu ! Et pourtant, il y a un homme que la manière de Jésus étonne, pour ne pas dire trouble : Jean le Baptiste.

Mais avant d’en parler, il y a une bonne nouvelle qui est immédiate pour nous, et elle tient dans ces mots : Dans sa prison (2). Des mots qui nous parlent en particulier, alors que nous sommes en ces lieux, mais la bonne nouvelle est qu’il n’est plus nécessaire d’envoyer des messagers pour s’adresser à Jésus. Que ce soit dans le silence de la méditation, dans la prière, dans notre joie comme dans note peine, en tous lieux et en tout temps : Jésus est présent ! le Christ est vivant !

Courte prédication offert aux détenu.e.s des prisons à Genève. Evangile du jour: Matthieu 11, 2-11.

Mais voici la première question. Elle est posée par Jean le Baptiste : ES-TU CELUI QUI DOIT VENIR ?

En apprenant les paroles et les gestes de Jésus, Jean Baptiste à de quoi être troublé car ce qu’il entend laisse à penser que ce qu’il annonçait ne se réalise pas ! Jésus semble réaliser un autre jugement ! Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent (4). Est-ce la colère de Dieu qui accomplit ces choses ? Est-ce bien là le jugement de Dieu ?

Dans sa réponse, Jésus cite plusieurs passages du livre d’Esaïe qui annonce la promesse qu’un temps nouveau va s’accomplir, qu’une visite du Seigneur va avoir lieu et guérir son peuple plutôt que le frapper. C’est ce que Jésus réalise : Nous pouvions nous attendre à un jugement… et c’est la grâce qui est rendue ! Jésus, le Christ, vient soigner les blessures de l’humain, c’est le temps de la miséricorde du Père.

Et voici la seconde question, qui est posée par Jésus : QUI ETES-VOUS ALLES VOIR AU DESERT ?

Jésus EST Celui qui doit venir et il va rendre hommage à son MESSAGER EN AVANT DE LUI. Jésus n’est pas dupe face à un certain « engouement » des foules et il interroge : Qui donc êtes-vous allé voir ? Un roseau agité par le vent ? Alors, qu’êtes-vous donc allés voir ? un homme habillé de façon raffinée ? (7-8) Ni l’un ni l’autre ! Ni une futilité passagère, ni un cortège somptueux…

Mais Un prophète ! Oui, je vous le dis, et bien plus qu’un prophète (9) Comment cela ? Plus grand que Moïse, plus grand qu’Elie ?... Oui, car Jean-Baptiste s’est tenu sur le seuil de la venue du Messie, il est le dernier avant qu’il ne paraissent et accomplisse la promesse de Dieu !

Alors oui, il n’est est pas de plus grand que Jean le Baptiste (11), et la suite nous concerne, car nous sommes de ces plus petits qui sont plus grands que lui ! Mais il n’est pas nécessaire de nous mesurer à lui pour connaître notre importance : l’image veut dire plus qu’une question de taille… C’est le lieu où nous nous tenons qui fait notre valeur, car nous vivons désormais …dans le Royaume des Cieux (11)

La Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres que nous sommes, aux petits que nous acceptons de devenir : vulnérables et fragiles. La Bonne Nouvelle, est d’être visité par la bienveillance du Seigneur plutôt que frappé par la colère. La Bonne Nouvelle, est d’accueillir humblement cette main tendue qui nous relève et nous guérit, la Bonne Nouvelle ce sont les grâces et les soins du Christ !


Illustration: Jean le Baptiste en prison, par Berna

mardi 6 décembre 2022

Poème du champ de l'ombre...

Le titre de ce poème m'a été soufflé par un détenu que j'ai suivi pendant plusieurs années à la prison de Champ-Dollon, à Genève. Le jeu de mot se laisse ainsi aisément deviner

Je suis assis en face de toi
et toi de même, simplement, face à moi.

Tu es assis et je ne suis pas debout
Pas au-dessus ni éloigné
Chacun son équilibre
Chacun sa place, son espace, ses choix.

Et je t’écoute
Car mes lèvres te cèdent la préséance
Car tu comptes sur mon oreille attentive
Plus que sur mes paroles.

Et ta vie se dit
Et ma vie s’enrichit.
Je saisis ta parole
Et tu prends ton envol
Malgré ces murs qui nous enferment.

L’un en face de l’autre
L’un frère de l’autre.

Je marche au côté de ton être
Et tu chemines lentement
Vers ton courage d’être
Malgré ta peine à vivre libre
Au creux de ces murs qui te retiennent.

Toi, responsable et vivant
Moi, respectueux et patient
Pour que ces murs qui te condamnent
Puissent te relever avant de te libérer.



Er vous accomplirez ainsi la loi du Christ (La prière de Jésus)...

En désignant l’illustration proposée sur un feuillet à l’assemblée – Votre illustration sur le blog) : « Jésus leva les yeux au ciel et di...