Je publie ici les courtes prédications, sur chacune des paroles du Notre Père, dans l’Évangile selon Matthieu (6, 9-13), que j'ai partagées avec les détenus des prisons à Genève.
Pour ceux qui l’ignorerait, les conditions de l'organisation des célébrations dans les prisons limitent la durée de leur déroulement. Et je n'ai que 5 minutes (avec sa traduction anglaise) pour partager une prédication avec les détenus.
Le titre de ces articles me vient d'une prière du Frère Dominicain Philippe Maillard: Le Notre Père du prisonnier (ou la prière des sans voix). Aujourd'hui décédé, il fut très engagé auprès des personnes en situation de précarité.
Il a laissé une magnifique paraphrase du Notre Père que je publierai dans un article en parallèle à ces publications. Mais pour le moment...
"Vous donc, priez ainsi : Notre Père qui est aux cieux." (9)
Nous venons de lire une prière qui a plus de 2000 ans! Depuis le début du christianisme, elle est dite par les disciples du Christ, et aujourd’hui, elle est prononcée en commun par les chrétiens de toutes confessions, à la suite de cet enseignement de Jésus.
Mais cette prière, ce ne sont pas que des mots à savoir et à dire. Jésus attend de nous plus qu’une récitation ! À ses disciples qui lui demandent une prière, Jésus leur donne un signe de reconnaissance et de communion.
Une reconnaissance de nos frères et sœurs et une communion intime en Dieu.
Mais j’aimerais prendre le temps de lire avec vous, ce matin, les mots de Jésus qui précèdent cette prière, dans le texte de Matthieu.
Gardez-vous de pratiquer votre religion devant les hommes pour attirer leurs regards." (1)
Jésus ne critique pas le fait de prier ensemble, de manière visible, lors de nos célébrations, mais il parle bien d’hypocrisie… il dénonce une pratique religieuse qui n’est exprimée que pour se mettre en valeur devant les autres !
Le théologien Daniel Marguerat note que Jésus nous appelle à passer du paraître à l’être, et il précise : "La valeur d’une personne ne se joue pas dans ce qu’elle fait sous le regard des autres, mais dans sa relation filiale au Père qui voit dans le secret."
Et prier, c’est pour Jésus, entrer "dans ta chambre la plus retirée, verrouille ta porte et adresse ta prière à ton Père qui est là dans le secret." (6)
Cette « chambre » où Jésus nous invite, n’est pas seulement un lieu à l’écart, cette chambre est aussi une attitude de discrétion, d’humilité. Symboliquement, nous pouvons penser à notre être intérieur.
Dieu voit donc dans l’intime de notre être… ? Voilà qui pourrait être inquiétant !
Mais ce Père dont parle Jésus n’est pas un juge intransigeant prêt à nous faire des reproches… Sa présence dans le secret est une relation d’authenticité, sans complaisance, mais avec bienveillance. Dès lors, notre Père céleste s’attend à ce que nous soyons aussi vrai avec lui qu’il l’est avec nous.
Ainsi, le Notre Père qui est aux cieux est précédé par le Notre Père qui voit dans le secret : pas la peine de faire le show, pas la peine de se cacher, pas la peine d’avoir peur. Simplement être là, dans sa présence, et laisser le Père céleste nous voir – nous rencontrer.
Lorsque nous disons le Notre Père, Jésus nous invite encore à la confiance. "Quand vous priez, ne répétez pas comme les païens ; ils s’imaginent que c’est à force de paroles qu’ils se feront exaucer." (7)
Notre confiance en Celui qui nous écoute quand nous sommes en prière ne se mesure pas au nombre de paroles, ni à leur vitesse, ni à leur répétition… un flot de paroles, ne sert à rien non plus. Pourquoi ? "… car votre Père sait ce dont vous avez besoin, avant que vous le lui demandiez." (8)
S’il sait, alors pourquoi prier ? Le Réformateur Martin Luther a écrit que "Par nos prières, nous nous instruisons nous-mêmes, plus que nous instruisons Dieu." Le Réformateur ouvre ainsi la prière comme un espace de dialogue avec Dieu pour partager nos besoins, nos craintes, nos désirs…
Mais il y a plus intime encore. Saint Augustin a écrit : "Tout désir qui appelle Dieu en nous est déjà une prière." La prière comme un soupir, un désir de Dieu, de sa présence…? Et que dire du simple fait de se tenir en silence devant Dieu – qui est encore prière ?
Ainsi, le Notre Père qui est aux cieux est précédé du Notre Père qui sait ce dont nous avons besoin. Et parler avec quelqu’un qui sait, ce n’est pas inutile, mais rassurant. Prier, c’est s’approcher de Dieu et vivre… et donner du sens à notre vie.
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