samedi 19 juin 2021

Poème de détenu...

Il arrive que des personnes détenues écrivent...

Et parfois des poèmes

En voici un que je partage avec vous 

Une seule indication avant de le lire... Il y a un jeu de mot de la part de l'auteur entre la nom de la prison "Champ-Dollon" et son "Champ de l'ombre"...

"Liés par nos jeux d'enfants, nos rêves et promesses,
Les amitiés, les affinités, nos règles naissent.
Les plus faibles suivent les plus forts, les vaillants,
Alors, les petits veulent jouer aux grands.
Et les grands, repèrent ceux qui peuvent entendre,


Le chant de l'ombre...


Celui qui te chante que la vie peut être une danse,
Aveuglé par ces grands modèles d'apparence.
Nous font croire qu'ils ont tout, même le pouvoir,
Mais ils restent seuls dans leur tête quand vient le soir.
Ne dorment que d'un oeil, craignant les fantômes du lendemain,
Récurrentes insomnies, attendant que sonne six heures du matin.
La tête enfouie sous l'oreiller, pour ne plus entendre,


Le chant de l'ombre...


Beaucoup pensent qu'une vie n'est que du vent,
Mais peu connaissent l'odeur âcre du sang.
Celle qui te reste au fond de la bouche,
Rien ne la fera partir, ni les prières, ni aucunes douches.
Elle imprègne ton esprit, ton âme, ta vie et te glace...
Plus de rêves, seul resteront les sombres cauchemars,
Alors, tu auras beau essayer de fuir, il sera trop tard.
Les rires d'enfants du passé lui auront fait place,


Au chant de l'ombre...


José



mardi 15 juin 2021

Tu as dis "vieille"?

Je ne suis pas vieille, dit-elle

Je suis rare.
 
Je suis l'ovation debout
À la fin de la pièce.
 
Je suis la rétrospective
De ma vie en tant qu’œuvre d'art.
 
Je suis les heures
Reliées comme des points
Dans l'ordre juste.
 
Je suis la plénitude
D'exister.
 
Tu crois que j'attends de mourir...
 
Mais en fait j'attends d'être trouvée
 
Je suis un trésor.
 
Je suis une carte.
 
Et ces rides sont les empreintes de mon voyage.
 
Tu peux me poser n'importe quelle question ...
 
Wendy Huntington
 

 

jeudi 3 juin 2021

Dieu pardonne... C'est son métier ?

"Dieu me pardonneras, c'est son métier."

On connait sans doute la citation du poète Heinrich Heine. Elle me laisse, après un petit sourire, une certaine gêne pourtant, comme si l'on pouvait vivre une expérience si nécessaire comme étant quasi automatisée par l'excellence d'une compétence divine et infaillible !
 
Mais en voici une autre qui a retenu mon attention lors d'une lecture :
 
"On en pardonne pas quelque chose, on pardonne à quelqu'un
L'acte reste mauvais, mais la personne ne le devient pas.
On ne peut la réduire à son geste nocif.
Pardonner revient à considérer l'individu en entier, 
à lui redonner le respect et le crédit qu'il mérite." 
 
Eric-Emmanuel Schmitt, dans La vengeance du pardon)
 
Ne pas réduire la personne à son geste fait partie des "fondamentaux" dans ma pratique de l'accompagnement des personnes détenues.
 
Ces mots me rappellent un entretien avec un détenu qui me demandait : "Est-ce que Dieu pardonne tout ?"
 
Après un court instant, j'ai eu ces mots : "Non, Dieu ne pardonne pas tout... Mais je sais qu'il pardonne à toutes et tous !"
 
Si je vous choque... pardonnez-moi. Mais il m'a semblé, après coup, avoir écarté par ces mots inattendus le risque d'une instrumentalisation du pardon de Dieu.
 
 

 


 

jeudi 27 mai 2021

Dieu n'est pas un bouche-trou...

L'espace, dans les prisons, est évidemment réduit. 

Une de mes tâches est d'accompagner les personnes détenues vers des espaces intérieurs nouveaux et parfois inattendus.

La foi en Dieu peut être un des ces espaces intérieurs... Mais pour éviter qu'elle ne soit qu'une fuite en avant, il m'arrive de partager avec eux cette citation de Dietrich Bonhoeffer:

"Nous avons à trouver Dieu dans ce que nous connaissons et non pas dans ce que nous ignorons… Dieu n’est pas un bouche-trou. 

J’aimerais parler de Dieu, non aux limites mais au centre, non dans la faiblesse mais dans la force, non à propos de la mort et de la faute mais dans la vie et la bonté de l’homme."

(Dietrich Bonhoeffer. Extraits de Résistance et soumission : Lettres et notes de captivité)



dimanche 16 mai 2021

Quand chaque dimanche est une Pentecôte...

Cette photo donne un exemple des feuillets que je réalise pour les célébrations avec les personnes détenues dans les prisons.

Parfois jusqu'à 9 langues sont présentes (y compris les nombreuses confessions et dénominations).

Et cependant, nous vivons à chaque fois un temps de communion réelle dans une parole unifiée, malgré une telle diversité !

Ce qui le rend possible ? Mon hypothèse :

« Je vous donne un commandement nouveau : aimez-vous les uns les autres. Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres. A ceci, tous vous reconnaîtront pour mes disciples : à l’amour que vous aurez les uns pour les autres. » (Jean 13,34)

L'amour du Christ nous affranchit de tant d'obstacles... C'est peut-être la compétence qui me personnalise le mieux parmi celles et ceux qui viennent en aide aux personnes détenues: mon humble confiance en cet amour du Christ.

"Jésus, paix de nos cœurs, ton Évangile vient ouvrir nos yeux à la plénitude de ton amour: il est pardon, il est lumière intérieure." (Frère Roger, de Taizé)




vendredi 14 mai 2021

Évangéliser Dieu ?

« Dieu est un mot bien trop dangereux pour ne pas l’évangéliser. 

Tant de crimes ont été commis en son nom. (…) Oui, il nous faut évangéliser Dieu. C’est-à-dire en parler dans les mots de Jésus (…) l’homme de la Parole : celle qui nous apprend que Dieu est le oui magistral accordé à l’humanité. 

Jésus, c’est le oui de Dieu. Le oui à qui ? Aux prostitués et aux mécréants, aux pestiférés et aux exclus. À tous ceux qui ne sont plus rien. 

(…) Dieu, c’est ce oui qui nous met debout et qui croit en nous. Passionnément. Obstinément. Même quand tout chancelle. »

(Raphaël Picon, "Le Dieu insoumis", Labor et Fides)
 

 

lundi 26 avril 2021

Saveurs d'une existence ?...

Inspiré d'une des méditations quotidiennes partagées à la chapelle des Hôpitaux Universitaires de Genève.

Philippe Zeissig écrivait:

« Il arrive que l’on ne trouve pas son thé très bon. 
 
La cause, on la découvre en arrivant au fond de la tasse : le sucre. Il y était. Mais au fond. Il aurait fallu remuer ! Peut-être que ce qui manque à notre vie est aussi resté au fond. 
 
Notre vie n’a pas la saveur qu’elle pourrait avoir parce que nous n’avons pas l’idée d’aller au fond des choses, ou parce que nous le négligeons. 
 
Le progrès nous comble de ses biens et nous fait vivre dans un confort incroyable. Pourtant, notre civilisation à un drôle de goût et nous faisons la grimace, comme pour le thé sans sucre…
 
Et si on essayait de remuer la vie, doucement, jusqu’à ce que les secrets de Dieu montent un peu plus au jour, dans le cours de notre vie ? »
 
Pour ma part, je bois mon thé sans sucre… mais rarement mon café ! 
 
Et peu importe. L'interpellation de notre confrère concerne d'abord cette fâcheuse tendance à négliger ce qui peut donner de la saveur à notre existence. 
 
Qui n'a pas vécu cet instant mi-doux mi-amer où l'on réalise que nous avons laisser l'essentiel de notre existence sans toute l'attention nécessaire?
 
Aller au fond des choses : accepter de « touiller » doucement et patiemment notre « popote » existentielle. 
 
Et se rappeler toujours que notre vie ne se satisfera pas de notre inattention.
 
Sa protestation pourrait bien être douloureuse...
 
"Oui, il est double, le méfait commis par mon peuple : ils m’abandonnent, moi, la source d’eau vive, pour se creuser des citernes, des citernes fissurées qui ne retiennent pas l’eau." (Jérémie 2,13)

"Ensuite, je me dirai à moi-même : Mon cher, tu as des biens en abondance pour de nombreuses années ; repose-toi, mange, bois et jouis de la vie.” Mais Dieu lui dit : “Insensé ! Cette nuit même tu devras rendre ta vie. Et alors, pour qui sera tout ce que tu as accumulé ?” (Luc 12,19-20)
 
... mais libératrice ?
 
« Le Royaume des cieux est comparable à un trésor qui était caché dans un champ et qu’un homme a découvert : il le cache à nouveau et, dans sa joie, il s’en va, met en vente tout ce qu’il a et il achète ce champ." (Matthieu 13,44)
 
En conclusion, un des intérêts de notre engagement d’aumônier est le suivant: si l'on était tenté de paresser un peu dans cette quête de saveurs à l'existence, celles et ceux que nous rencontrons dans nos visites auront tôt fait de nous ramener à cette essentielle nécessité. 
 
Un grand merci à eux ! Et une belle journée à vous !





vendredi 9 avril 2021

Une leçon d'écoute...

L’écoute ? 
 
Un de mes formateurs à mon travail d’écoutant (dans l’accompagnement spirituel) employait l’expression d’une « oreille nue ».
 
Pour exprimer l’essentiel de cette posture, il ajoutait, dans un texte fondamental pour moi : 
 
"Écouter... c’est laisser se dire ce qui se dit, ne rien écarter. 
 
Être présent entièrement, non pas seulement de tête; en même temps, laisser tout l’espace.
Si l’on parle, se borner à proposer, et au plus proche de ce que dit l’autre. 
 
Ne faire précéder son écoute de rien, s’abstenir de tout jugement, de tout ce qui définirait l’autre.
Laisser l’autre parler sa langue et se tenir d’abord en sa demande. 
 
Oublier tout savoir, renoncer à tout pouvoir. 
 
Ne se prévaloir d’aucune fonction, ne rien vouloir pour l’autre, et ainsi s’effacer entièrement."
 
(Maurice Bellet). 
 
Ce maître de l’écoute a décrit admirablement, je pense, ce paradoxe de mon travail d’écoutant : 
 
plus elle est « nue », plus mon écoute est féconde, et mieux elle "revêt" l’autre de vie et d'authenticité.



 

samedi 3 avril 2021

Mémoire près d'un tombeau vide...

Se rappeler de ce tombeau ouvert dans une prison pleine (à craquer) est une expérience assez unique... Je publie ici une méditation de Pâques que j'ai partagée avec des personnes détenues.

Christ est ressuscité. Oui, il est vraiment ressuscité!

Évangile de Luc, Chapitre 24, 1-12 :

1Le dimanche de grand matin, les femmes se rendirent au tombeau, en apportant les huiles parfumées qu'elles avaient préparées. 2Elles découvrirent que la pierre fermant l'entrée du tombeau avait été roulée de côté ; 3elles entrèrent, mais ne trouvèrent pas le corps du Seigneur Jésus. 4Elles ne savaient qu'en penser, lorsque deux hommes aux vêtements brillants leur apparurent. 5Comme elles étaient saisies de crainte et tenaient leur visage baissé vers la terre, ils leur dirent : « Pourquoi cherchez-vous parmi les morts celui qui est vivant ? 6Il n'est pas ici, mais il est ressuscité. Rappelez-vous ce qu'il vous a dit lorsqu'il était encore en Galilée : 7“Il faut que le Fils de l'homme soit livré à des pécheurs, qu'il soit crucifié et qu'il ressuscite le troisième jour.” » 8Elles se rappelèrent alors les paroles de Jésus. 9Elles quittèrent le tombeau et allèrent raconter tout cela aux onze et à tous les autres disciples. 10C'étaient Marie de Magdala, Jeanne et Marie, mère de Jacques. Les autres femmes qui étaient avec elles firent le même récit aux apôtres. 11Mais ceux-ci pensèrent que ce qu'elles racontaient était absurde et ils ne les crurent pas. 12Cependant Pierre se leva et courut au tombeau ; il se baissa et ne vit que les bandes de lin. Puis il retourna chez lui, très étonné de ce qui s'était passé.

« Dans les cimetières, ce qu’on met en terre ce sont des sourires de toutes les couleurs”. Ces mots sont de Christian Bobin. Vous allez peut-être me dire : « C’est un peu fort : nous sommes le jour de Pâques, le jour de la résurrection du Christ, et vous nous parlez de quoi ? D’un cimetière !

Pourtant, c’est bien là que notre récit commence : dans un cimetière, près d’un tombeau ! Un romancier anglais (Neil Gaiman) écrivait que « la mort est la démocratie suprême » : que l’on soit pauvre ou riche, bon ou méchant, tous, nous y reposerons un jour…

Pour ma part, j’aime visiter les cimetières. Certains s’en amusent et me taquinent en se demandant bien quel intérêt je peux y trouver ? Eh bien, je suis touché par les vies qui sont rappelées dans ce lieu.

Sur chacune de ces tombes : des noms, des dates, parfois un verset biblique, une photo… Et j’éprouve du respect pour ces personnes qui reposent là – et dont je fais mémoire.

Ces vies, diverses et achevées, sont pour moi les « sourires de toutes les couleurs »… dont parle Christian Bobin.

Mais revenons à notre Évangile, et retrouvons ces femmes qui viennent au tombeau, avec une première surprise. Lorsqu’on étudie les mots employés par Luc, quand qu’il écrit « tombeau », au début de ce récit, il emploie un mot qui veut dire aussi « mémoire », « souvenir »…

En se rendant au tombeau, ces femmes viennent terminer la toilette mortuaire de Jésus, mais elles ont aussi rendez-vous avec leur mémoire, leurs souvenirs qui les relient à leur maître.

Quand, soudain, ce qu’elles voient les effraient : le tombeau est vide, et il y ces êtres lumineux qui se présentent à elles ! Mais encore, il y a ce qu’elles entendent de leur part : « Rappelez-vous ».

Rappelez-vous les paroles que Jésus a prononcées. Plus précisément, « rappelez-vous » les annonces de sa Passion, à plusieurs reprises. Et le sens donné à ce tombeau vide : « Il faut qu’il soit crucifié… et au troisième jour, il ressuscitera » !

Mais comment ces femmes passent-elles de la peur à la foi, de la mort à la vie ?

Eh bien, elles se « rappelèrent ». Elles laissent les paroles de Jésus revenir à leur mémoire ; elles laissent les paroles de Jésus reprendre vie au cœur de leur être. Elles reviennent à la vie avec Jésus vivant !

Et elles proclament, non plus seulement ce qu’elles ont vu dans la peur, mais ce qu’elles savent désormais dans leur foi – qui est notre foi : le Christ est ressuscité !

Et c’est bien ce que nous vivons ensemble en ce jour de Pâques : nous accueillons la Parole de Jésus pour qu’elle prenne vie en nous ! Et nous nous rappelons que la vie du Christ ressuscité nous ressuscitera !

Jésus dit (Jn 11, 25-26) : « Je suis la résurrection et la vie : celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? » 



vendredi 2 avril 2021

Je te vois mourir sur cette croix...

Je te vois mourir sur cette croix.

Combien d’images, d’objets, de scènes peintes… te figent, te dépeignent, te crient ainsi ?

Sur ce bois d’humiliation, je te vois, te laissant engloutir dans la mort.

Mais combien de regards te verront, en cet instant, engloutir toutes nos morts ?

Qui saisira, dans ton abandon souffrant, ta main nous saisissant ?

Abandonné, souffrant, mourant, tu n’es pas devant nous mais en nous, comme nous sommes en toi, abandonnés, souffrants, mourants.

À l’impossible question « Où es Dieu dans les souffrances injustes du monde » ? Tu réponds : « Je suis là, en toi. »

Je me souviens des mots d’Élie Wiesel. Près d’une potence d’Auschwitz, lors d’une exécution par pendaison, un enfant agonisait sans fin… Un des prisonniers, contraint d’y assister avec lui, s’écriait : « Mais où est Dieu ? » Et Élie Wiesel de répondre : « … je sentais en moi une voix qui lui répondait :  Où il est ? Le voici : il est pendu ici, à cette potence ! »

Tu es là, pendu au bois.

A chaque instant de ma souffrance ou lorsque je dois la regarder en face, je te sais en moi.

Tu es là, reconnaissant ce vivre de douleur et d’accablement et le fécondant de ta faiblesse et ton amour.

Je suis là, au pied de ta croix, frappé par l’amertume du monde et te nommant : « Jésus, Fils de David, aie pitié de moi ! »

Tu es là, en croix, habitant la souffrance du monde et me répondant : « Moi je suis la lumière du monde. Celui qui me suit ne marchera pas dans l'obscurité, mais il aura la lumière de la vie. »

 


jeudi 25 mars 2021

Eloge de la rencontre...

Au cœur de mon ministère diaconal, la visite. Et au cœur de la visite, la rencontre.

La rencontre: une promesse et un risque, un don et un abandon, une joie...

Cela m'a inspiré un petit texte que je vous partage ici:

La vie que je cherche à rencontrer a un souffle qui réchauffe mon âme, et la brûle un peu, parfois. 

Mutine, elle joue souvent à se parer d'apparences ou d'un peu de mystère, comme pour cacher un trésor, comme pour me dire : 

"Me désires-tu vraiment? 

À quel "non" renonceras-tu pour m'approcher? 

De quel "oui" te vêtiras-tu pour me séduire?"

Ayant appris à reconnaître mon dénuement d'homme de peu de foi, je lui réponds que je n'ai pas de grandes richesses, mais que je suis là, à son écoute. 

Et que je désire apprendre...

Alors, sa réponse me donne espoir: "Bien, tu apprends vite, reste un peu près de moi."

"Toute vie véritable est rencontre" (Martin Buber)



 

mardi 23 mars 2021

Le Notre Père du prisonnier (7 - Pardonne-nous nos offenses...)

Nouvelle publication des courtes prédications offertes aux détenus.e.s des prisons à Genève sur chacune des paroles du Notre Père, dans l’Évangile selon Matthieu (6, 9-13).

Pour ceux qui l’ignorerait, les conditions de l'organisation des célébrations dans les prisons limitent la durée de leur déroulement. Et je n'ai que 5 minutes (avec sa traduction anglaise) pour partager une prédication avec les détenus.

Le titre de ces articles me vient d'une prière du Frère Dominicain Philippe Maillard: Le Notre Père du prisonnier (ou la prière des sans voix). Aujourd'hui décédé, il fut très engagé auprès des personnes en situation de précarité.

Il a laissé une magnifique paraphrase du Notre Père que j'ai également publié dans un article précédent. 

Mais pour le moment...    

 

"Notre Père ..., 

pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi..." (12)

Pardonner. Être pardonné. Cette demande de la prière de Jésus est aussi nécessaire qu’elle peut être difficile… Mais commençons par un petit exemple pratique. 

 

(J’ai besoin de quelqu’un qui me rejoigne ici. Demander à une personne de jouer une petite scène avec moi devant l'assemblée. Je la joue avec elle en même temps que je raconte). Il arrive que dans la rue que, sans le vouloir, je passe près de quelqu’un et le bouscule légèrement. Ma réaction : « oh pardon » et sa réponse « Ce n’est rien, il n’y a pas de mal… » (Remercier la personne).

 

Oui, mais quand il y a du mal…? Quand j’ai eu un geste violent ? Quand j’ai dit une parole blessante ? Quand j’ai trahi la confiance de quelqu’un ? Quand, malgré mon désir de bien faire, je ne réussis pas à bien faire ? … Et je pourrais continuer la liste, du plus léger au plus grave !

 

Si cette parole de Jésus parle de pardon, ce n’est pas pour nous troubler mais pour nous libérer. Ce mot, dans la langue de l’Évangile, est utilisé pour dire laisser, renvoyer, remettre... on pourrait parler de lâcher-prise.

 

Et puis, il y a ce petit mot : comme. On pourrait entendre : Puisque Dieu t’a pardonné, tu dois pardonner (Il y a même des passages d’Évangile qui le laisse entendre), mais s’il y a un verbe qui va mal avec le mot pardon, c’est tu dois, tu dois pardonner. L’invitation de Jésus est pressante, mais elle ne menace personne en réalité. On le verra tout à l’heure, c’est le refus d’accorder ce que nous avons reçu que Jésus dénonce. Ainsi, la nécessité du pardon est plus grande que son obligation.

 

Dans notre actualité, des personnes suggèrent parfois de renoncer à la nécessité de pardonner, comme un abandon salutaire, pour nous délivrer du constat d’échec ou d'impossibilité à le faire. Le chemin du pardon à ses étapes, ses arrêts, ses instants décisifs, comme ses impasses… Mais faut-il y renoncer parce que le chemin est difficile ? D’ailleurs, que signifierait cette invitation à le demander à Notre Père si c’était une évidence ?

 

« Pardonne-nous nos torts envers toi, comme nous-mêmes nous avons pardonné des torts envers nous », traduit la Traduction Œcuménique de la Bible, ce qui ouvre beaucoup de perspectives sur la question du pardon, mais je relève déjà ceci : notre pardon accordé est précédé par notre pardon reçu ! La parole de Jésus ne fait pas de nous des modèles de vertus, capables d'accorder un pardon sans hésiter, ni réfléchir. Je pense que le pardon du Notre Père, est tout d’abord un réalité théologique avant d’être psychologique : le pardon n'est pas d’abord un acte légal, mais il est le fruit d'une relation spirituelle et vraie avec Notre Père. 

 

Quelque sera le chemin du pardon, notre ressource principale pour le vivre, sera celui que Notre Pères nous a accordé, et nous accorde encore ! Le pardon n’est pas une baguette magique qui transforme tout en un instant (faire le geste) : « Ting ! Tout est pardonné ! » Le pardon n’est pas un coup de bâton qui frappe en disant (faire le geste) : « Non ! Pas de pardon pour toi, jamais ! » Quel que soit le temps qu’il faudra, les difficultés que l’on rencontrera… le pardon de Dieu ne nous dit pas « tu es obligé », mais nous demande de dire « oui » et de se mettre en marche…

 

Une femme écrivain a dit :  « Le pardon n’est pas au bout du chemin, il est le chemin » (Françoise Chandernagor). Le chemin du pardon n’empêche ni la douleur ni la souffrance ni le temps nécessaire à guérir la blessure. Le chemin du pardon ne nous empêche pas de faire face à nos responsabilités, mais le chemin du pardon nous ouvre un avenir. 

 

Je conclue avec cette pensée que j’ai lue quelque part : « Lorsque tu pardonnes, tu ne changes pas le passé, mais tu changes ton avenir. »

 

 


Le Royaume des cieux, c'est comme un trésor...

Le Royaume des cieux, c’est comme un TRÉSOR. Le mot a retenu mon attention, car il apparaît deux fois dans ce passage. Tout d’abord, le trés...