mardi 23 mars 2021

Le Notre Père du prisonnier (7 - Pardonne-nous nos offenses...)

Nouvelle publication des courtes prédications offertes aux détenus.e.s des prisons à Genève sur chacune des paroles du Notre Père, dans l’Évangile selon Matthieu (6, 9-13).

Pour ceux qui l’ignorerait, les conditions de l'organisation des célébrations dans les prisons limitent la durée de leur déroulement. Et je n'ai que 5 minutes (avec sa traduction anglaise) pour partager une prédication avec les détenus.

Le titre de ces articles me vient d'une prière du Frère Dominicain Philippe Maillard: Le Notre Père du prisonnier (ou la prière des sans voix). Aujourd'hui décédé, il fut très engagé auprès des personnes en situation de précarité.

Il a laissé une magnifique paraphrase du Notre Père que j'ai également publié dans un article précédent. 

Mais pour le moment...    

 

"Notre Père ..., 

pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi..." (12)

Pardonner. Être pardonné. Cette demande de la prière de Jésus est aussi nécessaire qu’elle peut être difficile… Mais commençons par un petit exemple pratique. 

 

(J’ai besoin de quelqu’un qui me rejoigne ici. Demander à une personne de jouer une petite scène avec moi devant l'assemblée. Je la joue avec elle en même temps que je raconte). Il arrive que dans la rue que, sans le vouloir, je passe près de quelqu’un et le bouscule légèrement. Ma réaction : « oh pardon » et sa réponse « Ce n’est rien, il n’y a pas de mal… » (Remercier la personne).

 

Oui, mais quand il y a du mal…? Quand j’ai eu un geste violent ? Quand j’ai dit une parole blessante ? Quand j’ai trahi la confiance de quelqu’un ? Quand, malgré mon désir de bien faire, je ne réussis pas à bien faire ? … Et je pourrais continuer la liste, du plus léger au plus grave !

 

Si cette parole de Jésus parle de pardon, ce n’est pas pour nous troubler mais pour nous libérer. Ce mot, dans la langue de l’Évangile, est utilisé pour dire laisser, renvoyer, remettre... on pourrait parler de lâcher-prise.

 

Et puis, il y a ce petit mot : comme. On pourrait entendre : Puisque Dieu t’a pardonné, tu dois pardonner (Il y a même des passages d’Évangile qui le laisse entendre), mais s’il y a un verbe qui va mal avec le mot pardon, c’est tu dois, tu dois pardonner. L’invitation de Jésus est pressante, mais elle ne menace personne en réalité. On le verra tout à l’heure, c’est le refus d’accorder ce que nous avons reçu que Jésus dénonce. Ainsi, la nécessité du pardon est plus grande que son obligation.

 

Dans notre actualité, des personnes suggèrent parfois de renoncer à la nécessité de pardonner, comme un abandon salutaire, pour nous délivrer du constat d’échec ou d'impossibilité à le faire. Le chemin du pardon à ses étapes, ses arrêts, ses instants décisifs, comme ses impasses… Mais faut-il y renoncer parce que le chemin est difficile ? D’ailleurs, que signifierait cette invitation à le demander à Notre Père si c’était une évidence ?

 

« Pardonne-nous nos torts envers toi, comme nous-mêmes nous avons pardonné des torts envers nous », traduit la Traduction Œcuménique de la Bible, ce qui ouvre beaucoup de perspectives sur la question du pardon, mais je relève déjà ceci : notre pardon accordé est précédé par notre pardon reçu ! La parole de Jésus ne fait pas de nous des modèles de vertus, capables d'accorder un pardon sans hésiter, ni réfléchir. Je pense que le pardon du Notre Père, est tout d’abord un réalité théologique avant d’être psychologique : le pardon n'est pas d’abord un acte légal, mais il est le fruit d'une relation spirituelle et vraie avec Notre Père. 

 

Quelque sera le chemin du pardon, notre ressource principale pour le vivre, sera celui que Notre Pères nous a accordé, et nous accorde encore ! Le pardon n’est pas une baguette magique qui transforme tout en un instant (faire le geste) : « Ting ! Tout est pardonné ! » Le pardon n’est pas un coup de bâton qui frappe en disant (faire le geste) : « Non ! Pas de pardon pour toi, jamais ! » Quel que soit le temps qu’il faudra, les difficultés que l’on rencontrera… le pardon de Dieu ne nous dit pas « tu es obligé », mais nous demande de dire « oui » et de se mettre en marche…

 

Une femme écrivain a dit :  « Le pardon n’est pas au bout du chemin, il est le chemin » (Françoise Chandernagor). Le chemin du pardon n’empêche ni la douleur ni la souffrance ni le temps nécessaire à guérir la blessure. Le chemin du pardon ne nous empêche pas de faire face à nos responsabilités, mais le chemin du pardon nous ouvre un avenir. 

 

Je conclue avec cette pensée que j’ai lue quelque part : « Lorsque tu pardonnes, tu ne changes pas le passé, mais tu changes ton avenir. »

 

 


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