mardi 27 août 2024

"Surpris par la joie"

Je partage ici une expérience qui à bouleversé mon existence... Sans laquelle je ne serais ni l'homme que je suis ni la vocation qui fut la mienne...

C’est lors de mes études d’art dramatique (à la Haute école de théâtre de Genève, dans les années 80) que mon cheminement spirituel a débuté. Lors d’un cours de dramaturgie (un séminaire de formation à la mise en scène) notre professeur utilisait comme outil pédagogique des exemples de peintures religieuses pour nous faire observer comment les peintres avaient « mis en scène » des textes bibliques. Les exemples étaient pris dans le Nouveau Testament, en particulier le dernier repas de Jésus avec ses disciples.

A la suite de ce cours, je formais le projet de lire les Évangiles pendant mes vacances d'été, par curiosité intellectuelle et du fait qu’un grand nombre d’œuvres artistiques en Europe (peinture, musique, théâtre) s’en étaient inspiré.

Mais cette lecture des Évangiles me surpris et me toucha bien plus profondément que je ne l’avais prévu. A un livre ne contenant de que « pieux conseils », que j’imaginais, je découvrais un passionnant récit d'une vie de Jésus de Nazareth et sa lutte pour éveiller en nous le meilleur d’une vie consacrée à Dieu.

Les Évangiles devinrent ainsi mon livre de chevet. Au cours de mes lectures, mon intérêt et mon affection pour ce « Jésus de Nazareth » grandissait. Je découvrais une confiance toujours plus libre et intime en sa personne. Et c'est en lisant un chapitre de l’Évangile selon Jean, que ma vie fut bouleversée.

J'aimais lire le chapitre 17 de cet Évangile qui présente Jésus priant pour les siens. Je me reconnaissais d'ailleurs tout à fait dans les "siens", je cherchais même à vivre comme un disciple de Jésus. Et pourtant, si l'on m'avait posé la question alors, je ne me serais pas définit comme chrétien. Pour moi, je cherchais simplement à vivre, dans ma vie quotidienne, les paroles et les gestes de Jésus. J'ignorais totalement alors que c'était sans doute la meilleur définition d’un chrétien que l'on puisse faire!

Mais ce jour-là, je lisais ces paroles de Jésus priant, en parlant de ses disciples justement : "Je t'ai fait connaître à ceux que tu as pris dans le monde pour me les confier. Ils t'appartenaient, tu me les as confiés, et ils ont obéi à ta parole. Ils savent maintenant que tout ce que tu m'as donné vient de toi, car je leur ai donné les paroles que tu m'as donnée, et ils les ont accueillies. Ils ont reconnu que je suis vraiment venu de toi et ils ont cru que tu m'as envoyé." (Évangile selon Jean, 17,7-8)

Et soudain, ce fut comme un brusque coup de vent en mon être intérieur ! Ces mots me parlaient, ce jour-là, avec une clarté et une joie que je n’avais pas connues jusqu’alors - et avec quelle force? Ils ne me soufflaient rien de moins que Jésus était « venu de Dieu », et qu’il était Dieu ! Un Vivant au-delà du vivant, qui m’accueillait et m’aimait inconditionnellement. Le Dieu du ciel venait inonder de son amour ma vie d’humain sur terre : j’étais dans le Christ, et le Christ était en moi.

Ce bouleversement intérieur ne m’a plus quitté depuis ce jour, en 1984. Et cette conviction que Dieu est amour, et que le Christ nous fait la grâce de le vivre dans une humble confiance du cœur, est sans doute au cœur de chacun de mes gestes et chacune de mes paroles, aujourd’hui.

Je dois mon titre "Surpris par la joie" à Clive Staples Lewis, plus connu sous le nom de C. S. Lewis, pour son ouvrage autobiographique. Il fut un écrivain et universitaire britannique. Connu pour ses travaux sur la littérature médiévale, ses ouvrages de critique littéraire et d'apologétique du christianisme, ainsi que pour la série des Chroniques de Narnia. Il est un auteur que j’apprécie et que je relis toujours très volontiers.


Illustration: le chemin de Damas: René Magritte




vendredi 23 août 2024

... Et je ferai de vous des pêcheurs d'hommes

Retour sur une méditation partagée avec mes collègues et patients des HUG, lors de mon dernier jour de garde. 

 

Dès lundi, je ne travaillerai plus qu’à l’Aumônerie Œcuménique des prisons, à temps partiel. Pour cet au-revoir, j’ai souhaité partager avec vous un passage de l’Évangile selon Marc  :

 

Comme il passait le long de la mer de Galilée, il vit Simon et André, le frère de Simon, en train de jeter le filet dans la mer : c’étaient des pêcheurs. Jésus leur dit : « Venez à ma suite, et je ferai de vous des pêcheurs d’hommes. »Laissant aussitôt leurs filets, ils le suivirent. Avançant un peu, il vit Jacques, fils de Zébédée, et Jean son frère, qui étaient dans leur barque en train d’arranger leurs filets. Aussitôt, il les appela. Et laissant dans la barque leur père Zébédée avec les ouvriers, ils partirent à sa suite.  (Mc 1, 16-20 - TOB)

 

Ce texte m’accompagne depuis de très nombreuses années. Il a résonné en moi très fortement et je l’ai perçu comme un appel qui m’était personnellement adressé : « Je ferai de toi un pécheur d’hommes… »

 

Je n’ai pourtant jamais compris cette parole comme un appel a capturer des hommes, comme on le fait des poissons dans un filet… Les capturer non, mais accepter de partir en quête de l’humain, oui! Travailler à les rassembler, oui! Les accompagner vers celui a ordonner de les amener à lui, oui...aussi !

 

Car le Maître qui nous appelle nous veut libre. Et il nous demande d’être en marche avec lui, à son école de la rencontre – voyez plutôt : « Comme il passait… Il vit… Avançant un peu… il vit… ». Être pêcheur d’homme avec lui, c’est apprendre à porter de l’attention à autrui. 

 

« Venez à ma suite… »  Devenir son disciple est une démarche qui peut nous conduire bien au-delà de ce que nous pensions, car devenir « pécheur d’hommes », c’est accepter de partir dans une extraordinaire aventure humaine… et spirituelle.

 

En somme, je ne fais qu’une chose : aller à la rencontre de l’humain, le chercher, l’écouter, le rassembler, le conduire toujours plus près de lui-même. Et s’il le souhaite, plus près du Christ.

 

Une folle prétention peut-être ? Ou un humble ouvrage dans la confiance en celui qui m’a appelé ? Ce qui est sûr, c’est que je m’y risque « sans filet »… Car, c’est le moment de le souligner : pour le suivre, « ils abandonnèrent leur filet » ! 

 

Frère Roger a écrit : « Dieu de paix, même si nous sommes fragiles, nous désirons te suivre sur le chemin qui nous conduit à aimer comme tu nous aimes. »

 

Merci pour votre amitié au cours de ce temps que j’ai passé parmi vous. Et bonne journée à chacune et chacun.

 

Illustration: Berna Lopez.

mardi 20 août 2024

Entre 4 murs. Entre 4 yeux. Un accompagnement spirituel. (3 - Republication de l'été)

Ainsi, la visite est la promesse d’une rencontre. Elle peut être courte, prolongée, émouvante, éprouvante, surprenante, apparemment banale, enrichissante… ou manquée ! 

 

Elle est très organisée dans les prisons et plus spontanée dans le hôpitaux. Elle va dépendre de la situation personnelle de la personne visitée : ses préoccupations du moments, l’état de santé, l’organisation des soins, la situation pénale, ou la condition carcérale, ou encore leurs répercussions sur ses liens avec les proches, etc… Autant de réalités qui vont favoriser ou gêner la rencontre.

 

Et puis, bien sûr, il y a la liberté d’accepter de me recevoir ou non, ou m’ignorer… ou faire semblant de m’ignorer. Je pense à ces personne qui font mine d’éviter l’aumônier, mais dont le regard et le langage du corps disent: Essayez quand même ! Et combien de rencontres éminemment spirituelles ai-je eu avec des « ...pas intéressés par la religion » ?

 

Avec sa dynamique propre, une rencontre, en somme, peut se définir par trois verbes. le premier, OSER. Oser entrer dans la chambre d’une personne mourante et s’approcher, oser rester, oser toucher et être touché. Oser se mettre à l’écoute d’une personne condamnée par tous, rejetée par ses proches. Oser poser un regard qui accueillera son humanité profonde, oser  vivre avec elle la quête d’une réconciliation intérieure, sans banaliser le délit commis, mais sans l’amplifier à l’extrême non plus.

 

Puis, DOSER. Doser sa posture : se tenir proche ou à quel endroit ? Doser ses gestes : une main qui se posera ou pas sur la sienne ? Et si oui, à quel moment et de quelle manière ? Doser sa parole :  parler ou renoncer à parler ? Avec quelle force ou quel ton ? Et enfin doser sa présence : quand se retirer, à quel signe de fatigue ou d’apaisement – ou d’agacement ? Après quelle durée, selon un temps qui n’est pas réglementé – mais discerner ?

 

Et enfin, Se retirer. Ce sera ma conclusion. L’aumônier, l’écoutant, doit savoir s’éclipser, voire être oublié, et y consentir ! Il peut aussi accueillir le fait d’être reconnu, entendre la reconnaissance exprimée pour son soutien, et ne pas s’enorgueillir !

 

Un exemple dans les prisons. Lors de leur libération, les détenus me promettent parfois que nous nous reverrons une fois libérés. C’est rarement possible, du fait de leur renvoi de Suisse la plupart du tempsmais j’accueille l’invitation. Et je précise que, si une fois sorti, il renonçait à ce projet, je ne serai pas vexé ni déçu. Car je n’ignore pas que, malgré que je suis un souvenir positif de ce temps passé en prison, je leur rappelle tout de même… la prison ! Alors, une fois sorti, y « revenir » (même indirectement autour d’un café) ce n’est pas toujours possible pour eux. Et je le comprends ! Je veille ainsi à prévenir toute culpabilité inutile s’ils venaient à manquer à leur parole.

 

Le philosophe Martin Buber a écrit : « Toute vie véritable est rencontre ». Cette citation dit, en quelques mots, sa pensée que l’humain ne peut exister qu’en vivant en lien avec ses semblables.

 

Mon privilège est de me tenir au cœur de cette réalité. Et d’en apprécier les douceurs, comme les âpretés…




dimanche 18 août 2024

Je suis le pain qui descend du ciel...

 Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour (Mt 6,11). Ces mots, nous les dirons tout à l’heure, comme nous en avons l’habitude dans la prière du Notre Père. Mais à quoi pensons-nous en exprimant cette demande ? Quel « pain de ce jour » demandons-nous  ?

Je vous invite à regarder l’image qui se trouve sur votre feuillet… Un beau pain, bien cuit qui a l’air délicieux et croustillant… Un aliment simple, qui pourtant accompagne tant de menus dans notre vie quotidienne. Et qui est lié à tant de souvenirs… ?

Pour moi, je pense au goûter de mon enfance : une tranche de pain et une barre de chocolat . Ou encore, après une randonnée, ce moment de réconfort avec du pain et du fromage… Et vous, quels sont vos souvenirs de pain ?

Il y a encore ces expressions qui accompagnent les temps de notre vie : manger son pain blanc – ou noir (Selon que les circonstances sont bonnes ou mauvaises). C’est du pain béni ! (Lorsqu’une une situation nous remplit de joie et de gratitude) Ou encore, manger le pain de l’affliction ( Un pain de douleur, qui s’inspire de celui de la Pâques, dans le livre de l’Exode… Un pain de liberté et de souffrance aussi).

Autant d’expressions qui font écho à la richesse et l’ambivalence de ce texte sur le pain que nous lisons. Ce chapitre de Jean nous emmène de la joie des pains multipliés à la confession de Pierre qui reconnait en Jésus « le Saint de Dieu… qui a les paroles de la vie éternelle. » (69). Mais ce chapitre dit aussi l’incrédulité de ses proches quant à l’identité de Jésus (42) et l’amertume du Maître abandonné de certains disciples qui ont jugés ses paroles « dures et inécoutable. » (60)

Alors la question demeure : Quel « pain de ce jour » demandes-tu ? A quel pain communies-tu ? Quel pain partages-tu ?

Prédication offerte à la communauté paroissiale de Belmont-Lutry. Textes du jour: 1 Rois 19,2-8; 1ere lettre aux Corinthiens 10,1-6.11-12; Evangile: Jean 6,41-51.


« Je suis le pain qui descend du ciel »  (41)

Ces mots, Jésus les a dits plus haut, et c’est dans un murmure que celles et ceux qui le connaisse comme « le fils de Joseph… » s’en étonnent, voir s’indignent : comment peut-il déclarer maintenant : Je suis descendu du ciel ? » (42) Comment cet homme ordinaire pourrait-il venir du ciel ?

Le pain quotidien des humains nous pose bien des questions difficiles lorsqu’il vient à manquer chez les uns et qu’il abonde chez les autres … Et le pain qui vient du ciel ? Eh bien lui aussi, il occasionne autant d’appétit que de perplexité !

La vérité sur la personne de Jésus ne va pas de soi. Comment admettre que « le Verbe (qui) s’est fait chair (vient) habiter parmi nous. ? (1,14) Qu’il est là en cet instant ? Peut-être que leur perplexité nous ramène à la nôtre, à nos propres résistances à voir en Jésus ce qu’il affirme être ?

Un pain qui ne vient pas de l’humain, mais de Dieu ? Quelle est donc cette nourriture qui fit marcher Elie, épuisé, découragé, quarante jours et quarante nuits jusqu'à la montagne de Dieu, » ? N’était-elle qu’un fortifiant, ou faudrait-il dire un anti-dépresseur puissant ? Ce repas déposer par l’ange, assurément, venait d’ailleurs, de plus loin, de plus haut.

Et je pense que ce repas ne lui donna pas qu’une force physique pour marcher si longtemps et si loin. Cette nourriture spirituelle le prépara surtout à la révélation de l’Horeb… A savoir, entendre « le bruissement d’un souffle ténu » (1 R 10,13), la présence du Seigneur.

Le pain de Dieu, que Jésus nous offre ici, nous est nécessaire à Elie comme à nous, même fragile, même mince… Car pour Elie comme pour nous, sans le pain du Christ, « le chemin sera (toujours) trop long » (1 R 10,9).


Jésus l’affirme : son pain ne nous laissera pas mourir (48-49). Mais la saveur de ce pain peut être amère… la mort des pères dans le désert est rappelée par Jésus (49), comme la lettre aux Corinthiens que nous avons lu le développe : tous ont vécu les mêmes signes, le même baptême, ont goûter à la même source spirituelle, car, nous dit le texte : « ils buvaient à un rocher spirituel qui les suivait : ce rocher, c'était le Christ. » (1 Co 10,4)  

Alors pourquoi cette rude conclusion : « …leurs cadavres jonchèrent le désert » (5), pourquoi parler de mort, si le pain du Christ donne la vie ? C’est que nous sommes amenés ici à entendre la dimension controversée de la foi au Christ. Cette mort, dont ils parlent, n’est pas physique mais spirituelle. Car pour vivre du pain du Christ, il s’agit d’en reconnaitre le sens et la valeur : « Être instruit par Dieu » (45)

Jésus renvoie à la promesse du prophète Esaïe d’une génération qui sera pleinement instruite de Dieu, « Tous (ses) enfants seront disciples du Seigneur » (Es 54,13) ; Et le prophète Jérémie de renchérir : il ne sera plus nécessaire de répéter « Apprenez à connaître le Seigneur, car ils me connaîtront tous, petits et grands. » (Jr 31,34) parce que la loi de Dieu ne sera plus seulement sur leurs lèvres mais dans leur cœur ! (Jr 31,33)

Ainsi, vivre du pain du Christ, manger sa  « chair, donnée pour que le monde ait la vie » (51) ne devrait pas nous étonner outre mesure… A mon sens, recevoir et manger la chair du Christ, ce n’est pas manger un corps… Mais c’est se nourrir de son incarnation ! C’est se nourrir de sa parole, de ses gestes… C’est être imprégné de sa personne… C’est rependre autour de nous cette agréable odeur de pain fraîchement cuit, que l’on hume avec plaisir… Une agréable odeur de joie, de miséricorde et d’amour.


Il y aurait encore bien des choses à dire sur le pain de Dieu… J’aimerais dire en conclusion, simplement, que le pain de Dieu est pétri de grâce et de sagesse. Dans le sermon sur la montagne, Jésus nous le laisse entendre : « En effet, quiconque demande reçoit, qui cherche trouve, à qui frappe on ouvrira. Qui d'entre vous, si son fils lui demande du pain, lui donnera une pierre ? (…) Si donc vous, qui êtes mauvais, savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus votre Père qui est aux cieux donnera-t-il de bonnes choses à ceux qui le lui demandent. »( Mt 7,8-11)

Oserais-je le dire ainsi : la boulangerie du Seigneur est toujours ouverte et jamais en rupture de stock !





mardi 13 août 2024

Entre 4 murs. Entre 4 yeux. Un accompagnement spirituel (2 - Republication de l'été)

Voilà pour la structure de mon temps, mais il y aussi une intention à mes visites. On m’a suggéré, pour un article dans la presse, de choisir un texte de la Bible qui caractérise mon engagement. Il se trouve dans l’Évangile de Matthieu, au chapitre 9. Je pense, en particulier, à cette parole de Jésus : « Aller donc apprendre ce que signifie : c’est la miséricorde que je veux et non les sacrifices ! »

 

Ce texte m’accompagne depuis le début de mon ministère dans les prisons. Jésus mange dans la maison d’un nommé Levi, un collecteur d’impôts : un être considéré comme malhonnête et impur, indigne d’une telle visite ! Et pourtant, aux religieux qui s’en offusque, Jésus les renvoie à cette leçon : Aller donc apprendre ce que cela veut dire « aimer de compassion, ne pas juger, passer outre les objections, accueillir les vulnérabilités de la personne humaine. Et lui dire un amour qui ne l’a pas attendue pour s’offrir à elle ! »

 

Pour moi, Jésus invite dans cette parole à préférer l’insécurité de l’amour inconditionnelle à la sureté artificielle de nos « sacrifices » : de bonnes actions qui n’intéressent que nous, une bonne conscience qui nous rend insensible à la souffrance d’autrui, l’assurance trompeuse d’être un plus méritant parce que… etc.

 

« Apprendre la miséricorde » ? On peut bien se moquer de ces religieux, mais saurait-on mieux ce que cela signifie « la miséricorde » et plus encore : « la miséricorde que Dieu veut » ?

 

« Miséricorde ». Pour le vocabulaire, on a parlé de compassion, d’empathie, d’attention… et bien sûr, d’un bouleversement ! Mais, au-delà du vocabulaire, je choisis de rester à l’école de l’amour du Christ, à savoir ne pas se soustraire à la rencontre de l’humain en souffrance, être disponible pour accompagner les mouvements de son être intérieur et d’en être instruit plutôt que de tout savoir, d’en être enrichit souvent, en offrant un amour qui se donne sans attendre de retour sur investissement…

 

Je m’interroge aussi souvent si, de nous deux (le visitant et le visité), je ne suis pas le plus redevable des deux ? Mais dans la pratique de l’accompagnement spirituel : qu’est-ce que cela implique de se tenir en face d’une personne détenue ? Qu’est-ce que cela bouleverse de se tenir près d’une personne qui est en train de mourir ?

 

Des leçons de vie assurément ! Et pas uniquement théoriques, car la vie que j’accompagne ne saurait se rencontrer sans quelques émotions utiles à une rencontre véritable. Des émotions qui ne sont pas de l’émotivité, qui nous ferait manquer les fruits authentique d’une attention généreuse à autrui, car je suis engagé, auprès du souffrant, à vivre des émotions qui me porte sans qu’elle me déporte…

 

Apprendre c’est donc plus que d’acquérir des postures et des gestes techniques (même s’ils sont tout à fait utiles et nécessaires)… Apprendre, dans le fond, c’est tout simplement : Ne pas savoir… Je me rappelle cette expression de Lytta Basset, qui parlait du « non-savoir » de l’aumônier : une entrée en matière aussi simple que redoutable. Mais cette sobriété fera justement la fécondité de la rencontre ! J’ai noté dans un article : « Qu’une écoute qui sait n’entend plus ! »

 

J’aimerais dire encore que ce « non-savoir » est une espèce de « pauvreté », que je ne fuis pas, mais, au contraire, que je cultive : « Heureux les pauvres de cœur : le Royaume des Cieux est à eux. » (Mt 5,3). Je me laisse porter par la « pauvreté en esprit » des béatitudes : elle est ma sagesse, ma capacité, parce qu’elle est une pauvreté qui m’ouvre toute grande les portes du Royaume des Cieux ! Et pour le disciple du Christ que je désir être, avoir le Royaume des Cieux, ce n’est pas toucher un lot de consolation, mais c’est obtenir toute la plénitude de Dieu !

(La suite est dans la parution suivante). Entre 4 murs. Entre 4 yeux. Un accompagnement spirituel (3)




mercredi 7 août 2024

Entre 4 murs. Entre 4 yeux. Un accompagnement spirituel (Une republication de l'été - 1)

C’est avec ce titre que j’ai voulu présenter un témoignage (en trois volets) sur mon engagement comme aumônier sur deux lieux différents et auprès de deux populations distinctes : les personnes détenues dans les prisons et les patients dans les hôpitaux.

Observez avec moi la photo de ces deux enfants. J’y vois l’intensité de la peine de l’enfant souffrant… et la douceur empruntée du jeune consolateur ! Et je m’y retrouve, personnellement, dans l’exercice de ma tâche, car accompagner des personnes en situation de fragilité demande de l’authenticité autant que de consentir à être vulnérable !

De cette position particulière, j’ai souhaité partager avec vous la richesse autant que l’inconfort, parfois, d’un accompagnement adressé à des personnes différentes, dans des contextes différents. Et pourtant, il y a certaines similitudes que j’ai pu observer.

À l’hôpital de gériatrie, par exemple, il n’est pas rare d’entendre : « Je suis en prison, ici ! ». Pour moi, qui visite de « vrais » détenus, c’est une occasion intéressante de parler avec ces patients de ce qu’ils ressentent comme une « prison » ? Une occasion pour eux de pouvoir me dire combien leur liberté leur paraît réduite, limitée, voire refusée !

Et dans les prisons ? J’ai souvent, avec les détenus, un entretien similaire à celui des patients, quand nous parlons du temps de leur arrivée, celui de leur temps de cure, puis celui de leur retour à la maison. Pour un détenu, quitter la prison c’est devoir faire face à la surprenant crainte de retrouver la liberté. Arriver en prison est angoissant… et en repartir, tout autant ! Et bien, il peut en être de même pour les patients : la perspective d’un retour à la maison peut être inquiétante, s’il faut aller en EMS, par exemple, ou apaisante, s’il est possible de rentrer chez soi ! Mais pour eux tous, la question demeure : est-ce que ce sera un retour à l’existence d’avant ? Ou autrement ? Ou Pire ?

Aux uns comme aux autres, je rends visite. C’est la base de mon activité d’accompagnant spirituel. Et, très concrètement, C’est une exigence dans mon agenda. Cela veut dire plusieurs demi-journées (dont une soirée pour des visite à la prison d’exécution de peine de La Brenaz) ; ainsi, toute une partie de mon temps qui est bloqué, j’aimerais dire consacré, à cette engagement et disponibilité – et qu’il faut veiller à préserver, ce qui n’est pas toujours simple…

La suite sera disponible dans la parution suivante: Entre 4 murs. Entre 4 yeux. Un accompagnement spirituel (2)




dimanche 4 août 2024

De quel pain te nourris-tu ?...

Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour (Mt 6,11). Ces mots nous viennent de la prière de Jésus, et nous les dirons tout à l’heure, dans le Notre Père, comme nous en avons l’habitude, dans l’ensemble de nos communautés chrétiennes dans le monde.

Et quoi de plus nécessaire que le pain ? L’eau sans doute… Et l’Evangile de Jean emploiera cette image encore pour parler de la plénitude que le Christ offre à notre personne pour une vie emplie de sa présence.

Prédication offerte à la communauté paroissiale de Lavaux (Cully). Les textes du jour: Exode 16, 1 Jn 4 et Jn 6.

Mais à quoi pensons-nous en exprimant cette demande ? Quel « pain de ce jour » demandons-nous  ? La prière n’est pas une liste de chose à demander pour combler toutes nos attentes… Elle est habitée d’abord par cette confiance « toute simple », dont parlait Frère Roger, une confiance en celui qui, comme autrefois dans le désert, nourrit son peuple au jour le jour (Zumstein).

« La vie n’était-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement » (Mt 6,25), affirmera Jésus pour nous inviter à ne pas nous inquiéter du lendemain. Il y a hélas, aujourd’hui comme hier, aujourd’hui peut-être plus qu’hier, des nourritures morbides et anxiogènes dont les réseaux dits « sociaux » nous abreuvent pour notre confusion.

La nourriture physique à sa nécessité et son plaisir… Mais nourrir son être spirituel ne l’est pas moins. Nourrir son être spirituel à lui aussi sa nécessité et sa joie : « Ce n’est pas seulement de pain que l’homme vivra, mais de toute parole qui sortira de la bouche de Dieu. » (Mt 4,4)

Le texte de l’Exode, donne à ce don de Dieu la manne – une implication particulière qui a son importance. La manne, ce « pain que le Seigneur donne à manger » est un don qui interroge : « Mân hou ? – Qu'est-ce que c'est ? » (Ex 16,15) La Providence n’est pas une évidence… Le texte laisse entendre d’ailleurs que ce don de la manne est une mise à l’épreuve (4).

La réponse de Dieu à nos besoins, ce n’est pas nous gaver ni nous rassurer à bon marché sur notre peur de manquer… La réponse de Dieu à nos besoins met à l’épreuve notre foi, notre confiance, notre patience… et pour revenir au passage de l’Exode, notre obéissance.

Notre confiance en la générosité de Dieu ne nous prive pas d’en chercher le sens et la valeur. Notre existence, ce ne sont pas que des repas successifs parmi autant d’activités. Il y a une valeur à l’existence qu’il s’agit de saisir et approfondir.

Une phrase a bouleversé la vie d’Alexandre Jollien : Tandis qu’il était plongé dans une lecture d’un ouvrage de Platon, il tombe sur ces mots : « vivre meilleur plutôt que vivre mieux ». Une révélation ! Une manne spirituelle qu’il a cherchée depuis à vivre au quotidien.

Qu’est-ce que ce que "Qu’est-ce que c'est" veut dire dans notre quotidien ? Vivre avec plus de choses, plus d’informations, plus de confort et de facilités… Ou vivre meilleur, plus tolérant, plus authentique, plus à l’écoute, plus vulnérable ? Vivre plus près de notre humanité. Vivre plus près du verbe ETRE que du verbe AVOIR. Se nourrir des valeurs de l’ÊTRE avant de FAIRE.

« Ils lui dirent alors : « Que nous faut-il faire pour travailler aux œuvres de Dieu ? » (28) La question est au cœur du texte de l’Evangile d’aujourd’hui. Et la réponse de Jésus élargit encore notre vocabulaire de la valeur d’ÊTRE : « L'œuvre de Dieu c'est de croire en celui qu'Il a envoyé. »( 29)

Il vient de nourrir une foule avec du pain (Jn 6,1-15), et son miracle a été abondant et les a nourris « à satiété » ((27) Alors que cette foule en redemande, Jésus leur adresse cette critique : la foule a mangé du pain, oui, mais elle n’a pas cherché à répondre à la question de l’Exode « qu’est-ce que c’est ? » Son miracle était un signe. La foule a manqué la question qu’elle devait se poser : Qu’est-ce que cela signifie ? Quelle faim le Messie vient-il rassasier ?

C’est à une nourriture différente de celle du corps que Jésus appelle à se nourrir. Dans le vocabulaire de son Evangile, le langage symbolique de Jean a son importance : que ce soit en parlant « d’eau-vive », de « lumière », de « pain »… chacun de ces mots à un second sens qui doit nous alerter sur l’identité de Jésus…

Et ces mots, dont celui de pain fait partie, contiennent un don qui va au-delà de la satiété physique… mais une nourriture qui demeure en vie éternelle (27) La vie éternelle, ce n’est pas du temps qui passe sans cesse, comme le laisse entendre une plaisanterie de Woody Allen : « L’éternité c’est long, surtout à la fin ».

La vie éternelle est une existence réconciliée avec Dieu, une vie telle que Dieu l’a créé et qu’il soutien de son souffle jusqu’à notre mort. Et au jour de notre mort, la vie éternelle sera une vie accomplie en Dieu, dans la foi au Christ.

"Il faut vous mettre à l'œuvre pour obtenir non pas cette nourriture périssable, mais la nourriture qui demeure en vie éternelle (27). Telle est la foi que Jésus vient faire naître en nous, telle est l’œuvre à laquelle il nous convie : s’investir pour que cela demeure, goûter dès à présent à une vie qui apaise la faim et la soif de vivre.

C'est moi qui suis le pain de vie ; celui qui vient à moi n'aura pas faim ; celui qui croit en moi jamais n'aura soif. (35) Dans l’Evangile de Jean, les « Je suis » de Jésus, ne trahissent pas un égo surdimensionné… Ce sont des expressions privilégiées pour dire l’identité de cet envoyé nommé Jésus.

« Je suis le pain de vie. », comme « Je suis la lumière du monde » ou la porte ou le bon berger… Ce sont des images de notre existence humaine pour nous faire accéder à la vie en plénitude que Jésus vient nous offrir ! Et encore une fois, le don de Dieu ne nous élève pas au-dessus des autres… il nous rend humain, généreux, patient, aimant…

Autant de qualités qui se lisent entre les lignes de la lettre de la première lettre de Jean que nous venons de lire : Dieu, nul ne l'a jamais contemplé. Si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, et son amour, en nous, est accompli. (12).  Te demandes-tu comment peut-on VOIR Dieu ? La réponse est là : dans l’amour que tu porteras à ton prochain.


Le miracle des pains, illustré par Berna

mardi 23 juillet 2024

Jacob au Yabboq, une bénédiction - la conclusion (5 - Une republication de l'été)

Inspiré d'un travail de recherche en théologie pratique sur le thème de la bénédiction, je termine ici ma réflexions sur le texte de la Genèse - Le passage du Yabboq - et son étonnante bénédiction, et fait le lien avec ma pratique de l'accompagnement spirituel des personnes détenues.

Après avoir pris le temps de lire cet épisode de Jacob au Yabboq et en réfléchissant à cette poussière, j’aimerais prendre le temps d’approfondir maintenant un second aspect du récit : au cœur de cette lutte étrange, une bénédiction est en jeu et elle est liée à un nom.

Et je vous rappelle la référence du texte que je travaille : Livre de la Genèse, 32, 23-33. Le passage du Yabboq (Traduction Œcuménique de la Bible).

Quel est ton nom?

En abordant le cours « Bénir - bénédiction », une autre question m’habitait : la bénédiction est-ce uniquement un temps de la liturgie adressé à l’assemblée à la fin d’une célébration ? N’y aurait-il pas quelque chose de la bénédiction dans l’accompagnement spirituel que je vis avec les personnes détenues ? J’en ai déjà dit quelques mots lors du chapitre précédent, mais avec l’angle spécifique des sens du mot diaconie. J’aimerais ici m’arrêter sur un chapitre d’E. Parmentier dans son livre « Cet étrange désir d’être béni. »[1]

La situation d’Ingrid Hermann, présentée par la théologienne, m’a renvoyé à ma propre situation d’aumônier dans les prisons. Son expérience auprès de ces enfants m’a convaincu que mon intuition n’était pas une illusion : quelqu’un dans sa pratique vivait une bénédiction en accompagnant des personnes en situation de vulnérabilité.

Malgré les limites, l’impuissance de son engagement, elle ouvre cependant des espaces qui peuvent donner de la valeur à la personne rencontrée, et je ne fais pas autre chose dans mon bureau de la prison. Et « appeler du bien, du respect, un avenir »[2] sur une personne, n’est-ce pas la bénir ?

Et puis il y a cette expression qu’elle formule en écho à la détermination de Jacob : « Nous ne vous laisserons pas sans que vous nous ayez béni. » Dans cette « lutte pour que la bénédiction soit et demeure »[3] auprès des personne détenues, dont je suis le compagnon de pain (étymologie du mot « compagnon), combien de fois ai-je pensé intérieurement – et dit parfois à haute voix – cette détermination ?

Bénir et être béni. Il y a équité dans notre communion avec le Seigneur qui béni. Il m’arrive de devoir clarifier avec eux que cette disposition spirituelle à vivre en Sa présence est un bien profondément partagé entre nous ? Il n’y a pas de Maître ni d’apprenti dans cette communion 

1. Bénir quelqu’un qui a un nom

J’aimerais, avant de conclure, réfléchir encore un moment à ce surprenant « ballet » de demandes du nom de chacun des lutteurs… et la réponse non moins surprenante de l’un d’eux. Chacun des protagonistes a, semble-t-il, une demande avec une intention différente selon qui pose la question : « l’homme » ou « Jacob »

Une première lecture donne l’impression d’une bénédiction jetée pour se débarrasser de la ténacité de Jacob qui fait craindre à « l’homme » de se retrouver captif de l’aurore. Mais il y a sa demande à connaître le nom de son adversaire. Elle souligne l’importance de connaître le nom pour bénir, ce qui m’a inspiré le titre de ce paragraphe : Bénir quelqu’un qui a un nom.

Lorsque Jacob devient Israël, il y a ici comme un hommage à la force de Jacob et une manière de donner à sa descendance une référence de courage pour le futur de sa « lutte avec Dieu et avec les hommes. » Mais le nouveau nom accordé à Jacob lui donne une audace nouvelle : 30Jacob lui demanda : « De grâce, indique-moi ton nom. » – « Et pourquoi, dit-il, me demandes-tu mon nom ? » Là même, il le bénit. Jacob semble avoir changé de ton et son intention n’est plus d’arracher une bénédiction mais de recevoir une grâce, celle de l’identité de « l’homme ». Veut-il avoir une confirmation de ce qu’il pressent depuis le début de cette lutte ?

La réponse de « l’homme » est étonnante, comme s’il faisait un clin d’œil à Jacob (« Mais enfin tu as bien saisi qui je suis ») ou un reproche amusé (« Tu sais bien que c’est impossible »). Dans cet échange, nous passons d’une bénédiction, accordée à quelqu’un qui a un nom, à un refus de révéler le nom de celui qui béni.

Il y a sans doute beaucoup à dire sur les liens de ce refus d’accéder à la demande de Jacob. Et ici encore, plusieurs parallèles bibliques existent. Ces références précisent notre compréhension de l’enjeu : « Donner son nom, c’est déjà se livrer. Dieu refuse de répondre pour sauvegarder son mystère, mais il bénit Jacob et confirme ainsi les bénédictions dont celui-ci a été l’objet. »[4]

2. Un nom et un visage

E. Parmentier note à propos de la formule de bénédiction qu’elle « donne visage à l’autre. »[5] Et je considère maintenant que les observations qui précèdent montrent qu’ il y a moyen de passer d’une formule de bénédiction, adressée à une assemblée, à une parole de bénédiction adressée à un visage, un individu.

Dans l’éthique de mon accompagnement, la bénédiction est accordée, de manière essentielle, par ma posture d’écoute « non jugeante ». Elle dit une ouverture avec laquelle je donne un visage à l’autre, non en le dévisageant, mais en l’envisageant…Ce non-jugement n’est pas une indifférence commode à la situation qui a mené ce visage en prison, mais il permet d’exercer un discernement important : je renonce à ne considérer l’infracteur par le seul prisme du délit.  Être bénédiction, dans cette posture, c’est redonner un visage à autrui, plutôt que de le frapper d’un masque d’indignité !

Ainsi, cette bénédiction, libre et consciente, donne non seulement un visage à celui que je rencontre, mais il façonne aussi quelque chose du mien. Cette mutualité de la bénédiction rejoint une note d’E. Parmentier à propos du visage de Jacob : « Ainsi la bénédiction de Dieu le rend à jamais vulnérable et fragile ! Le changement de nom ne vaut pas seulement pour Jacob, mais aussi pour le lieu, qui est interprété comme la « Face de Dieu » (Péni-El ), où un humain a vu la « face de Dieu » sans mourir.[6]

La vulnérabilité comme signe de notre humanité permettant d’apercevoir la face de Dieu sans mourir ? Cela représente une profonde interpellation ! Cette vulnérabilité devient entre nous un espace que je valorise, afin qu’il soit possible de vivre une réelle rencontre et un authentique « face-à-face », entre nous et en présence de Dieu ! Être vrai dans la faiblesse donne à notre rencontre « un visage de Dieu, qu’on le vive dans la fraternité de la foi ou celle de l’humanité. »[7]

E.       Vivre une expérience spirituelle.

Pour conclure cette étude, j’ai choisi de dire encore quelques mots sur ce que ce texte donne à voir – et sans doute invite à vivre – dans les temps de lutte de notre existence. « Jacob appela ce lieu Peniel – c’est-à-dire Face-de-Dieu – car « j’ai vu Dieu face à face et ma vie a été sauve ». (32,31)

Penouël, dont la variante orthographique est Peniel, signifie « Face de Dieu. »[8] T. Römer laisse entendre qu’en choisissant ce nom Jacob « a compris à qui il avait eu affaire. »[9] Nous avons déjà dit qu’une telle rencontre, dans la tradition biblique, ne devrait pas avoir lieu sans faire mourir l’humain. Et pourtant Jacob est resté en vie !  

Boitant sous un soleil qui se lève, c’est un Jacob plus apaisé qui s’exprime ici. Cette étrange lutte lui a fait la grâce de saisir l’identité de Celui qui l’a blessé et béni. Sa nouvelle identité est également le fruit de ce mystérieux face à face et cela me ramène à l’œuvre d’Arcabas, cité au début de cette étude : Jacob, nu et vulnérable, a pris conscience d’une expérience tout à fait rare : « … car j’ai vu Dieu face à face et ma vie a été sauve »

Et pour nous, c’est une bonne nouvelle qui va à l’encontre de tant de conceptions erronées sur les intentions de Dieu envers notre condition humaine. Oui, un face à face avec Dieu pourrait bien laisser une trace douloureuse en nous, mais il ne nous tuera pas !

 
Illustration: un des chapiteaux de la Basilique de Vézelay. Salle du Clos à Vézelay.


[1] E. Parmentier, Non pas avoir, mais être bénédiction, Labor et Fides, 2021, p. 304-312
[2] E. Parmentier, Notes de cours – UniGE
[3] E. Parmentier, Notes de cours – UniGE
[4] Les notes TOB précise en 32,30 : Indique-moi ton nom, cf. Ex 3,13-14 ; Jg 13,17-18 ; voir Jn 17,6.26 ; Ap 19,13.
[5] E. Parmentier, Notes de cours – UniGE
[6] E. Parmentier, Notes de cours – UniGE
[7] E. Parmentier, Notes de cours – UniGE
[8] Note de la TOB et Bible de Jérusalem                                                                                
[9] T. Römer, L’Ancien Testament commenté, La Genèse, Labor et Fides et Bayard, 2016. 

Il a jeté les puissants à bas de leurs trônes et il a élevé les humbles...

C'est l'histoire d'une trêve. Que j'avais demandée. C'est l'histoire d'un soleil. Que j'avais espéré. C'...