dimanche 4 août 2024

De quel pain te nourris-tu ?...

Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour (Mt 6,11). Ces mots nous viennent de la prière de Jésus, et nous les dirons tout à l’heure, dans le Notre Père, comme nous en avons l’habitude, dans l’ensemble de nos communautés chrétiennes dans le monde.

Et quoi de plus nécessaire que le pain ? L’eau sans doute… Et l’Evangile de Jean emploiera cette image encore pour parler de la plénitude que le Christ offre à notre personne pour une vie emplie de sa présence.

Prédication offerte à la communauté paroissiale de Lavaux (Cully). Les textes du jour: Exode 16, 1 Jn 4 et Jn 6.

Mais à quoi pensons-nous en exprimant cette demande ? Quel « pain de ce jour » demandons-nous  ? La prière n’est pas une liste de chose à demander pour combler toutes nos attentes… Elle est habitée d’abord par cette confiance « toute simple », dont parlait Frère Roger, une confiance en celui qui, comme autrefois dans le désert, nourrit son peuple au jour le jour (Zumstein).

« La vie n’était-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement » (Mt 6,25), affirmera Jésus pour nous inviter à ne pas nous inquiéter du lendemain. Il y a hélas, aujourd’hui comme hier, aujourd’hui peut-être plus qu’hier, des nourritures morbides et anxiogènes dont les réseaux dits « sociaux » nous abreuvent pour notre confusion.

La nourriture physique à sa nécessité et son plaisir… Mais nourrir son être spirituel ne l’est pas moins. Nourrir son être spirituel à lui aussi sa nécessité et sa joie : « Ce n’est pas seulement de pain que l’homme vivra, mais de toute parole qui sortira de la bouche de Dieu. » (Mt 4,4)

Le texte de l’Exode, donne à ce don de Dieu la manne – une implication particulière qui a son importance. La manne, ce « pain que le Seigneur donne à manger » est un don qui interroge : « Mân hou ? – Qu'est-ce que c'est ? » (Ex 16,15) La Providence n’est pas une évidence… Le texte laisse entendre d’ailleurs que ce don de la manne est une mise à l’épreuve (4).

La réponse de Dieu à nos besoins, ce n’est pas nous gaver ni nous rassurer à bon marché sur notre peur de manquer… La réponse de Dieu à nos besoins met à l’épreuve notre foi, notre confiance, notre patience… et pour revenir au passage de l’Exode, notre obéissance.

Notre confiance en la générosité de Dieu ne nous prive pas d’en chercher le sens et la valeur. Notre existence, ce ne sont pas que des repas successifs parmi autant d’activités. Il y a une valeur à l’existence qu’il s’agit de saisir et approfondir.

Une phrase a bouleversé la vie d’Alexandre Jollien : Tandis qu’il était plongé dans une lecture d’un ouvrage de Platon, il tombe sur ces mots : « vivre meilleur plutôt que vivre mieux ». Une révélation ! Une manne spirituelle qu’il a cherchée depuis à vivre au quotidien.

Qu’est-ce que ce que "Qu’est-ce que c'est" veut dire dans notre quotidien ? Vivre avec plus de choses, plus d’informations, plus de confort et de facilités… Ou vivre meilleur, plus tolérant, plus authentique, plus à l’écoute, plus vulnérable ? Vivre plus près de notre humanité. Vivre plus près du verbe ETRE que du verbe AVOIR. Se nourrir des valeurs de l’ÊTRE avant de FAIRE.

« Ils lui dirent alors : « Que nous faut-il faire pour travailler aux œuvres de Dieu ? » (28) La question est au cœur du texte de l’Evangile d’aujourd’hui. Et la réponse de Jésus élargit encore notre vocabulaire de la valeur d’ÊTRE : « L'œuvre de Dieu c'est de croire en celui qu'Il a envoyé. »( 29)

Il vient de nourrir une foule avec du pain (Jn 6,1-15), et son miracle a été abondant et les a nourris « à satiété » ((27) Alors que cette foule en redemande, Jésus leur adresse cette critique : la foule a mangé du pain, oui, mais elle n’a pas cherché à répondre à la question de l’Exode « qu’est-ce que c’est ? » Son miracle était un signe. La foule a manqué la question qu’elle devait se poser : Qu’est-ce que cela signifie ? Quelle faim le Messie vient-il rassasier ?

C’est à une nourriture différente de celle du corps que Jésus appelle à se nourrir. Dans le vocabulaire de son Evangile, le langage symbolique de Jean a son importance : que ce soit en parlant « d’eau-vive », de « lumière », de « pain »… chacun de ces mots à un second sens qui doit nous alerter sur l’identité de Jésus…

Et ces mots, dont celui de pain fait partie, contiennent un don qui va au-delà de la satiété physique… mais une nourriture qui demeure en vie éternelle (27) La vie éternelle, ce n’est pas du temps qui passe sans cesse, comme le laisse entendre une plaisanterie de Woody Allen : « L’éternité c’est long, surtout à la fin ».

La vie éternelle est une existence réconciliée avec Dieu, une vie telle que Dieu l’a créé et qu’il soutien de son souffle jusqu’à notre mort. Et au jour de notre mort, la vie éternelle sera une vie accomplie en Dieu, dans la foi au Christ.

"Il faut vous mettre à l'œuvre pour obtenir non pas cette nourriture périssable, mais la nourriture qui demeure en vie éternelle (27). Telle est la foi que Jésus vient faire naître en nous, telle est l’œuvre à laquelle il nous convie : s’investir pour que cela demeure, goûter dès à présent à une vie qui apaise la faim et la soif de vivre.

C'est moi qui suis le pain de vie ; celui qui vient à moi n'aura pas faim ; celui qui croit en moi jamais n'aura soif. (35) Dans l’Evangile de Jean, les « Je suis » de Jésus, ne trahissent pas un égo surdimensionné… Ce sont des expressions privilégiées pour dire l’identité de cet envoyé nommé Jésus.

« Je suis le pain de vie. », comme « Je suis la lumière du monde » ou la porte ou le bon berger… Ce sont des images de notre existence humaine pour nous faire accéder à la vie en plénitude que Jésus vient nous offrir ! Et encore une fois, le don de Dieu ne nous élève pas au-dessus des autres… il nous rend humain, généreux, patient, aimant…

Autant de qualités qui se lisent entre les lignes de la lettre de la première lettre de Jean que nous venons de lire : Dieu, nul ne l'a jamais contemplé. Si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, et son amour, en nous, est accompli. (12).  Te demandes-tu comment peut-on VOIR Dieu ? La réponse est là : dans l’amour que tu porteras à ton prochain.


Le miracle des pains, illustré par Berna

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