C'est l'histoire d'une trêve. Que j'avais demandée. C'est l'histoire d'un soleil. Que j'avais espéré. C'est l'histoire d'un amour. Que je croyais vivant. C'est l'histoire d'un beau jour. Que moi petit enfant. Je voulais très heureux. Pour toute la planète. Je voulais, j'espérais. Que la paix règne en maître. En ce soir de Noël. Mais tout a continué. Oui tout a continué. Tout a continué...
Si vous êtes de ma génération, vous avez peut-être reconnus les paroles d’une chanson des Poppys, ce groupe d’enfants chanteurs des années 70. Alors que la guerre du Viêt Nam fait rage, leur chanson disait l’incompréhension de l’enfance face à la violence des adultes. Elle était un appel à la fraternité et la paix. Elle était un cri de révolte de la foi adressé à la folie du monde. Elle disait le dépit de l’amour face à la persistance du mal.
« Tremblez peuples, et soyez écrasés ! » (9), ce sont les mots terribles d’Esaïe. Un mot, écrasés, qui revient même par trois fois ! Dans le temps de l’Avent, est-ce bien le moment d’entendre de telles paroles ? Mais ce n’est pas le premier dimanche où nous entendons ce genre de textes dans notre lectionnaire : ces choix chercheraient-ils à nous rappeler ce que la magie de Noël tenterait de nous cacher ?
Prédication offerte à l'assemblée paroissiale de Lutry - Belmont, le quatrième dimanche de l'Avent. Textes du jour: Esaïe 8,9-15.23; Philippiens 4,4-7; Luc 1,46-55.
Les mots d’Esaïe rejoignent le cri de la chanson des Poppys… Les peuples peuvent poursuivre la violence des armes, avoir des projets vaniteux, tenir des propos insensés… Tout cela restera sans effet, tout cela prendra fin, car « Dieu est avec nous » (10). Non pas le Dieu avec nous inscrit sur les bombes des soldats, mais la promesse de sa présence au milieu des fracas du monde .
Un peu plus haut dans le livre d’Esaïe, nous lisons la promesse d’un signe, celui de l’Emmanuel : « Voici que la jeune femme est enceinte et enfante un fils et elle lui donnera le nom d'Emmanuel. » (7,14). Emmanuel, Dieu avec nous. La promesse que le deuil du monde sera consolé par une naissance. Emmanuel, Dieu, avec nous. La promesse que le malheur du monde n’empêchera pas un nouvel avenir.
Joyeux Noël dans l’amour du Père de notre Seigneur Jésus Christ, le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation (2 Co 1,3)
Moi je pense à l'enfant. Entouré de soldats. Moi je pense à l'enfant. Qui demande pourquoi. Tout le temps, oui tout le temps. Moi je pense à tout ça. Mais je ne devrais pas. Toutes ces choses-là. Ne me regardent pas. Et pourtant, oui et pourtant. Et pourtant, je chante, je chante... Non, non, rien n'a changé. Tout, tout a continué
Au contraire de la suite de cette chanson des Poppys, dans le chant de Marie, Tout, tout a changé. Parce qu’une femme ordinaire a dit oui à l’extraordinaire de Dieu, tout, tout change, tout est en train de changer, « … parce qu’il a porté son regard sur son humble servante » (48) Telle Agar, dans le livre de la Genèse, chassée au désert et dans une grande détresse, réfugiée au puit qui portera le nom de Lahaï Roï, le Dieu qui me voit. Pour elle comme pour Marie, ce regard de Dieu lui ouvrit un avenir, une descendance issue de la faveur accordée à Abraham (55)
Dans le Magnificat, Marie exulte à cause de cette intervention de la puissance de Dieu en faveur des humbles. Une intervention qui « réhabilite celles et ceux que la société « écrase » (Marguerat). Elle chante sa gratitude de voir les orgueilleux dispersés, les puissants détrônés, les riches dépouillés… et les humbles élevés, les affamés nourris… mais le chant de Marie, n’est-il que le chant de la revanche des faibles sur les forts ?
« Heureux celles et ceux qui ont faim et soif de justice, ils seront rassasiés » (Mt 5,6). Le chant de Marie est celui de la dignité retrouvée, de l’humilité respectée. Un chant qui salue la bonté de Dieu pour qui se laisse trouver par lui. Un chant de louange parce que le Très-Haut, est devenu le Très-Bas… le Très proche de nous !
Joyeux Noël dans la générosité de notre Seigneur Jésus Christ qui, pour nous, de riche qu'il était, s'est fait pauvre, afin de nous enrichir de sa pauvreté. (2 Co 8,9)
Et pourtant bien des gens. Ont chanté avec nous. Et pourtant bien des gens. Se sont mis à genoux. Pour prier, oui pour prier. Mais j'ai vu tous les jours. A la télévision. Même le soir de Noël. Des fusils, des canons. J'ai pleuré, oui j'ai pleuré... Qui pourra m'expliquer ?...
Qui pourra expliquer la souffrance ? Sans doute personne… Je repense aux mots de Paul Claudel : « Dieu n’est pas venu supprimer la souffrance. Il n’est même pas venu l’expliquer, mais il est venu la remplir de sa présence. »
Renoncer à l’impossible est sans doute une source de la joie à laquelle nous invite l’apôtre Paul dans la lettre aux Philippiens : « Réjouissez-vous dans le Seigneur en tout temps ; je le répète, réjouissez-vous. » (4,4) Vous le savez, j’ai été pasteur de jeunesse de nombreuses années et en catéchèse, j’ai présenté ce verset de Philippiens 4, 4 comme le verset « tout-terrains »… Eh oui : puisque c’est un 4X4!
La joie en toute circonstance, vraiment ? Mais quelle joie peut ainsi s’affranchir des circonstances ? Dietrich Bonhoeffer écrivait : « la joie de Dieu est passée par le dénuement de la crèche et la détresse de la croix ; c’est pourquoi elle est invincible, irrésistible. Elle ne nie pas la détresse là où elle se trouve, mais au sein de cette détresse, en elle, elle trouve Dieu »
Dieu qui répond au milieu de la tempête, ce sont les mots du livre de Job. Et le Seigneur lui souffle encore : Ceins donc tes reins, comme un brave. Je vais t'interroger et tu m'instruiras. (40,6-7). Autrement dit : sonde ton être intérieure dans un dialogue intime et franc avec Dieu. Autrement dit : la prière, à laquelle Paul nous invite, mais quelle prière ?
La prière communautaire, celle du cœur, la prière intime dans l’agonie, dans le silence. Une prière qui n’est pas que des mots adressés ou récités, mais simplement le fait de se tenir près de notre Père qui voit dans le secret (Mt 7,6,6) En tout temps, il y a une prière pour chacune de nos joies comme pour chacune de nos inquiétudes.
Joyeux Noël dans la paix de Dieu, qui surpasse toute intelligence, et qui gardera nos cœurs et nos pensées en Jésus Christ. (Ph 4,7)
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