lundi 17 novembre 2025

"Lueurs au creux de l'ombre"© Cette fois, nous y sommes... L'ouvrage sera publié d'ici un mois!

Ça y est ! Après deux ans de travail pour le rédiger, quelques mois de collaboration avec la maison d’édition pour le fabriquer, je viens de signer les deux BAT (Bons à tirer) des maquettes : l’intérieure (le texte du livre) et la couverture (l’enveloppe du livre – que je publie ici). 

Quelle émotion !

Maintenant ce sera le travail des rotatives pour finaliser le livre. Un produit fini qui devrait être terminé avant la fin de l’année. Et disponible dans les librairies de la francophonie ensuite ! 

Cela devient de plus en plus vrai pour moi à chacune de ces étapes significatives !



dimanche 16 novembre 2025

C’est moi qui ai besoin de venir à toi, et c’est toi qui viens à moi. (le baptême de Jésus)...

 Ce que nous avons entendu et connu, ce que nos pères nous ont transmis, nous ne le tairons pas à leurs descendants…

Le Psaume que nous avons lu est présenté comme une « instruction. » Et si on le lit dans son entier, il évoque l’histoire du peuple d’Israël et de sa foi, avec ses hauts et ses bas. Les jours de fidélité à Dieu et les jours de lâcheté, les jours où la confiance et la générosité semblent avoir disparus !

Ce psaume nous rappelle que, pour être instruit, il est utile de se souvenir. Et pour se souvenir il est nécessaire d’écouter avec attention A quoi, il faut ajouter : Ecouter, c’est avoir une oreille qui a des gestes concrets de patience, de bonté, de générosité…

On le comprend, s’instruire, c’est être à l’écoute de nos forces comme de nos faiblesses, c’est être à l’écoute de notre courage et de notre humilité, c’est être à l’écoute des mots qui disent la paix de Dieu en Jésus Christ.

Prédication offerte à l’assemblée paroissiale de Savigny, à l’occasion d’un baptême. Textes du jour : Psaume 78 et l’Evangile selon Matthieu, chapitre 3, les versets 13 à 17 (Le baptême de Jésus).

Mais l’intention de ce Psaume, ce n’est pas seulement savoir ce qui s’est passé, et le comprendre, il nous appelle encore à le transmettre, à ne pas le taire (3), à le dire à la génération suivante (4)

Il ne faut pas longtemps à être parents pour s’apercevoir que notre engagement auprès de nos enfants a, lui aussi, ses hauts et ses bas, autant de joies que de déceptions. Mais nous avons un atout très important, un invité de marque à nos côtés,

Il se tient encore dans un mot de ce psaume qui donne de la saveur à nos joies et de la hauteur à nos peines, un mot qui donne sons sens et sa valeur à toute notre histoire :  c’est le mot Alliance (9)

L’Alliance, c’est plus qu’un contrat, c’est un engagement mutuel, un lien qui nous unit à Dieu par un choix. Mais notre alliance avec Dieu, c’est aussi un amour partagé. Cette alliance que je porte, que nous portons, le dit à sa manière. Et cette alliance produit aussi son fruit : aujourd’hui, il s’appelle André (prénom d'emprunt).

Ainsi, transmettre est une tâche exigeante qui peut nous paraître parfois écrasante, mais « Dieu donne ce qu’il ordonne »… Ainsi, transmettre, c’est se tenir debout et dans la confiance en Dieu.

Jean voulut s'y opposer : « C'est moi, disait-il, qui ai besoin d'être baptisé par toi, et c'est toi qui viens à moi ! »

Je vous invite à regarder avec moi l’illustration qui se trouve sur votre feuillet. C’est une photo que j’ai prise dans l’Eglise de l’Abbaye de Montheron qui est à deux pas d’ici. Ce vitrail du baptême de Jésus est l’œuvre de Françoise Ribas, en 1930. Mais quelle modernité !

Ce qui m’a frappé en premier lieu en le voyant est la posture de Jésus et de Jean Baptise. Leurs deux visages inclinés, leurs yeux fermés…Comme s’ils regardaient ailleurs, comme s’ils regardaient en eux-mêmes, au cœur de leur être. Alors que le ciel, lui, s’ouvre comme jamais et resplendit de la joie de Dieu, dans ses rayons de lumière ! Alors que l’Esprit Saint, comme une colombe, vient dire la reconnaissance du Père pour l’humilité de son Fils ! Et c’est sans doute ce qui se dit au cœur de ce passage d’Evangile : ce moment est fait de recueillement et d’humilité

La composition de ce vitrail semble être juste après la protestation de du prophète et l’affirmation de Jésus : C’est moi qui ai besoin de venir à toi… et c’est toi qui viens à moi.

Je ne peux m’empêcher de lire dans ces mots, quelque chose de notre lien avec le Christ, de ce qu’il vient nous donner à vivre en toute humilité. Il ne vient pas dominer, il vient aimer, il vient servir. C’est moi qui ai besoin de venir à toi… et c’est toi qui viens à moi.

Son geste est un signe de sa mission et de son désir de se faire proche de notre humanité, il dit sa solidarité avec notre condition humaine. Inutile donc de s’enorgueillir de ce baptême, car ce n’est pas une médaille dont on se vante, mais un tablier dont il faudra se servir pour aimer son prochain.

Mais Jésus lui répliqua : « Laisse faire maintenant : c'est ainsi qu'il nous convient d'accomplir toute justice. »

La justice, toute justice : comment ignorer la valeur et l’importance de ce mot ?Justice ! Souvent un appel, ou plutôt un cri, de colère ou de désespoir ! Mais ici, il est dit simplement, d’une voix assurée, mais presque dans un souffle… Et pourtant, il y a quelque chose de radical dans cette fidélité à la volonté de Dieu !

Car derrière ces mots de toute justice, il y a la justice du Père, celle de son règne à lui, le Royaume des cieux, que l’on entend ailleurs dans les mots de Matthieu, que nous lisons ce matin, et qui disent l’essentiel de notre besoin en la matière : « Cherchez d'abord le Royaume et la justice de Dieu, et toute chose dont vous avez besoin vous sera donné par surcroît. » (Mt 6,33)

Et ce Royaume des cieux et sa justice, il se dit encore dans ces mots que l’on entend dans la voix et la joie du Père, alors que Jésus sort de l’eau : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, celui qu'il m'a plu de choisir. » (17)

Cette joie ne nous rappelle-t-elle pas un peu la nôtre, comme parents,  lorsque nos enfants montrent des qualités qui nous réjouisse et nous confortent dans la reconnaissance de les voir marcher dans ce que nous leur avons transmis ?

Celui-ci est mon Fils bien-aimé . Le titre à son importance ici pour Jésus, mais il n’est pas une exclusivité. Car le titre de fils de Dieu, dans la Bible est une expression qui peut être attribuée à qui délivre le peuple de l’oppression, ou encore à l’humain qui fait preuve d’humanité, ou enfin, au roi David qui, lui aussi, est appelé « fils de Dieu. »

Faut-il en être choqué... ? ou y avoir part, nous aussi ? Heureux ceux qui font oeuvre de paix : ils seront appelés fils de Dieu. (Mt 5,9)

Ces mots sont de Jésus, dans ce même évangile selon Matthieu, dans ses Béatitudes. Et les fils et filles de Dieu dont Jésus parle n’ont pas de super pouvoirs, ils sont bien humains, ils nous ressemblent, mais ils font de leur humanité un lieu qui proclame le Royaume de Dieu, avec des gestes qui accomplissent « toute sa justice. »

Que Dieu, dans sa grâce, nous l’accorde. Amen


Le baptême de Jésus: vitrail de Françoise Ribas, dans l'Abbaye de Montheron.

 

 

jeudi 25 septembre 2025

"Lueurs au creux de l'ombre"© Une étape, des étapes !...

Je pense que beaucoup reconnaîtront ici la mienne (comme la leur) dans cette photo...😅
Mais pour le livre à écrire, c'est fait!😉Retour des corrections réalisé. Ensuite, ce sera la dernière version et le bon à tirer.
Mais il y aura encore la maquette extérieure du livre... Et enfin : d'ici à la fin de l'année ...?
Je n'aurais pas pensé au boulot qui m'attendait encore, une fois le manuscrit livré - et accepté - par la maison d'édition 😇



vendredi 29 août 2025

Le baptême du Christ... plus de grâce que de condamnation ! (Une republication de l'été)

Connaissez-vous le film « Le Retour de Martin Guerre » ? Inspiré d’une histoire vraie. Après une absence de plusieurs années, un paysan revient dans son village natal. Il y retrouve sa femme et les membres de sa famille. Mais des étrangers de passage identifient Martin comme étant Arnaud, d’un village voisin. Martin se défend et laisse les villageois divisés sur la question. Martin, est-il le véritable Martin Guerre ?

 

L’affaire est saisie au tribunal et le juge se prépare à acquitter Martin, mais à la dernière minute, un Martin Guerre se présente à la cour et sa ressemblance est si forte qu’elle remet en question l'issue du procès. Arnaud avoue finalement qu'il était soldat avec le vrai Martin, que celui-ci lui a dit qu'il ne retournerait jamais dans son village, et qu'il décida de prendre sa place. Arnaud – le faux Martin Guerre - est alors condamné à mort et exécuté.

 

Courte méditation d’une parole de l’Évangile de Luc partagées avec les détenus des prisons: chapitre 3, 15-22.

 

« Le retour de Martin Guerre » :  une sombre et romanesque histoire d’identité… négligée, usurpée, puis retrouvée. Elle rappelle l’importance de l’identité d’une personne. Et cette troublante histoire nous introduit à la question centrale de l'Évangile : Jean le Baptiste, est-il le vraie Messie ? Ou serait-ce Jésus de Nazareth ? 

 

Cette question habite intensément le peuple : les paroles puissantes de Jean, son baptême d’eau et de repentance, l’annonce d’un jugement imminent auquel il est urgent de se soustraire… Tout cela n’est-il pas le fait du Messie, décisif et puissant, que l’on attend… et qui rétablira l’ordre et la paix en Israël?

 

Mais notre texte passe de cette voix qui crie dans le désert – à une voix qui témoigne dans le ciel… De l’annonce de la colère de Dieu, notre évangile nous fait entendre une annonce de l’amour de Dieu qui établit Jésus, baptisé et priant, comme le Fils bien aimé du Père. 

 

Malgré l’humble reconnaissance de Jean pour Celui qui vient après lui, il n’en demeure pas moins une tension entre la prédication de Jean et celle de Jésus. Ainsi, les doutes qu’il exprimera : « Es-tu Celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? » Et la réponse de Jésus est bouleversante : « …les aveugles retrouvent la vue et les boiteux marchent droit, les lépreux sont purifiés et les sourds entendent, les morts ressuscitent et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres. » (11,2-5)

 

Le baptême d’Esprit Saint et de feu annoncé par Jean est désormais présent dans le monde, et son feu ne vient pas détruire, mais consumé ce qui nous tient éloigné du Dieu vivant et miséricordieux.

 

Le Christ, n’ignore pas le péché des hommes : ne s’est-il pas présenté comme celui qui est venu appeler « non pas les justes, mais les pécheurs » ? N’affirme-t-il pas aussi que ce ne sont pas « les biens portants qui ont besoin de médecin, mais les malades » ? (9,12-13) et il demandera enfin aux chefs religieux, que cette bienveillance dérange, d’aller « apprendre ce que signifie cette parole de Dieu : c’est la miséricorde que je veux. » (Mt 9,12-13) 


Ainsi, Jésus est un médecin et non un bourreau ! Son baptême porte le sceau de la miséricorde de Dieu : il est venu pour nous sauver, pas pour nous exécuter !

 

Dans un langage plus contemporain, on parle des « faucons », pour désigner ceux qui veulent la guerre » et des « colombes », pour parler de ceux qui veulent la paix. Et tel est le signe de l’Esprit Saint qui accompagne le baptême de Jésus, « sous une apparence corporelle, comme une colombe », précise Luc.

Les interprétations sont nombreuses à son sujet : la colombe de l’arche de Noé ; l’amour de Dieu venant sur la terre ; l’esprit de Dieu planant au-dessus des eaux à la création ; etc. Et pourquoi choisir ? Toutes ont leur intérêt.

Mais si je ne pense pas utile de trancher à propos de ce que représente cette colombe, je suis certain de son message – que la lettre de Paul à Tite nous rappelle : « Lorsque Dieu, notre Sauveur, a manifesté sa bonté et son amour pour les hommes, il nous a sauvés, non pas à cause de la justice de nos propres actes, mais par sa miséricorde. Par le bain du baptême, … cet Esprit, Dieu l’a répandu sur nous en abondance, par Jésus Christ notre Sauveur... » (Tt 2 – 3) 

Le baptême du Christ nous plonge dans plus de grâce que de condamnation ! 


Illustration: Les oiseaux, Henri Matisse, 1947
 


dimanche 24 août 2025

Un homme avait deux fils. Et c'est la fête?...

Un homme avait deux fils (15,11) Le sujet est encore d’actualité.  Il y a quelques mois (24 janvier 2025), le film « Jouer avec le feu » abordait la relation d'un père avec ses deux fils. Son scénario : le père se retrouve confronté à la dérive de l'un d’eux. A l’inverse de la parabole, c’est le cadet qui réussit, alors que l’aîné prend un mauvais chemin. Ce film traite ainsi des tensions qui peuvent naître au sein d'une famille face à des choix de vie opposés. Et n’est-ce pas ici notre parabole ?

Mais la parabole de Jésus parle encore et d’abord d’un accueil qui fâche. Nous l’avons lu tout à l’heure : « Cet homme-là fait bon accueil aux pécheurs et mange avec eux ! » (15,2) Avec les deux qui la précèdent, cette parabole « illustre l’amour de Dieu pour des gens ni aimés, ni aimables », les pécheurs et les perdus, c’est-à-dire : « tous les séparés de Dieu pour cause d’impureté ou de morale déficiente. »

Et l’on pourrait se poser la question : où sont-ils nos pécheurs, nos séparés de Dieu, aujourd’hui ? Peut-être plus proches qu’on ne le pense, ou le souhaiterait. Pour moi, ce fut assez « simple »… Je les ai rencontrés dans les prisons où j’ai exercé mon ministère d’écoute et d’accompagnement spirituel. Ce qui m’a valu, parfois, d’essuyer ce même reproche de faire « bon accueil aux pécheurs. »

En nous racontant l’histoire de ce père et de ses deux fils, il y a un mot qu’il faut entendre dans ce récit de Jésus, il s’agit du « LIEN » et les verbes qui peuvent l’accompagner :  « être en lien », « nourrir le lien », ou « rester en lien ».

Dans un passage de l’Evangile selon Matthieu, à ce même reproche de « faire bon accueil aux pécheurs », Jésus répond: « Ce ne sont pas les bien portants qui ont besoin de médecin, mais les malades. (…) Car je suis venu appeler non pas les justes, mais les pécheurs. » (Mt 9,12-13)

Pour le Christ médecin, il n’y a pas de guérison s’il ignore ses patients ; pour le Christ Sauveur, il n’y a pas de conversion s’il ignore les pécheurs. Que pourrait-il se passer de bon si nous les privons de tout ce qui peut les relier à nous ? Au-delà des apparences et de la faute commise, être et rester en lien. Sur ce point, le père de cette parabole en est, je pense, un admirable exemple ! Ainsi, la parabole du père admirable… nous parle d’un lien qui ne dit pas oui à tout, mais ne dit pas non à la rencontre.

Alors, être et rester en lien, oui, mais jusqu’où aller quand le lien est malmené, voir méprisé ?  C’est le moment de parler de la fête somptueuse. Jésus, volontairement, dresse le portrait d’un pécheur dont l’exemple scandalise et dont scribes et Pharisiens se détourneront avec colère et dégout. Mais leur réprobation n’est-elle pas aussi la nôtre ? Jusqu’où serons-nous capables d’aller pour rester en lien avec celle ou celui qui a fauté ? Jusqu’où imiterons-nous ces religieux ? Jusqu’où serons-nous capables de séparer la faute de la personne ?

Avant de répondre, rappelons qu’il peut y avoir une limite au lien que la lettre aux Romains nous précise : S'il est possible, pour autant que cela dépend de vous, vivez en paix avec tous les hommes. Mais si elle nous offre une limite, une porte de sortie contre un lien nocif, elle nous appelle aussi à une patience et une éthique, toutes deux exigeantes : Mais si ton ennemi a faim, donne-lui à manger, s'il a soif, donne-lui à boire (…) Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais sois vainqueur du mal par le bien. (Rm 12,20-21)

Et la question demeure : jusqu’où… ? C’est le moment de parler du coup de théâtre de cette parabole ! c’est le moment de parler du lien qui, bien que distant, ne s’est pas rompu. La mise en scène est organisée, le texte est prêt… Le fils cadet sait qu’il est déchu de son honneur de fils et qu’il ne peut espérer rentrer chez lui qu’en qualité d’ouvrier, peut-être…

Vient alors le premier geste de compassion du Père : il écoute à peine les mots de repentir de son enfant, il accourt et le couvre de baisers ! Et il enchaîne avec le second qui est encore plus inattendu : celui de la réhabilitation de son fils. Cette robe, cet anneau, ces chaussures, ces baisers, sont autant de signes du refus du père à faire de ce fils qui revient à lui un esclave !

Ces gestes ont choqué, et peut-être nous choquent-ils aussi ?  En réalité, ce père est libre, libre de sa bonté, libre de son choix d’être vainqueur du mal par le bien, libre de surmonter la faute par le pardon.

Et sa capacité m’a fait penser aux mots d’Esaïe : Ils rebâtiront les dévastations du passé, les désolations infligées aux ancêtres, ils les relèveront, ils rénoveront les villes saccagées, les désolations traînant de génération en génération. (Es 61,4)

Autant de mots qui pourraient s’appliquer aussi à nos liens « perdus » pour qu’ils soient « retrouvés ».

C’est donc un happy end ? Pas encore,  le récit de Jésus nous offre une dernière scène : c’est le moment de parler de la fête scandaleuse. Elle a son importance, car elle permet à qui entend cette parabole, ici, les Pharisiens et les scribes, mais sans doute à nous-mêmes aussi, elle permet de dire les sentiments douloureux que nous ressentons face à la miséricorde de Dieu envers les méchants : que ce soit la jalousie, la frustration ou la colère devant le pardon de l’offense, du mal commis.

Faut-il vraiment parler de la « faiblesse du Père » envers le péché de son fils ? Nous l’avons entendu dans sa réponse à ce que je pense être son « autre fils perdu » ! Oui : perdu, perdu dans un lien avec son père qui n’est qu’obligation sans affection, un lien qui n’est qu’ignorance de la générosité de son père, que frustration de ses désirs et de ses joies.

En méditant l’attitude de ces deux fils avec l’héritage de leur père, je me suis dit : « Pauvre papa… aucun de ses fils pour faire quelques choses de bon avec son bien : le cadet le gaspille et l’aîné n’en fait rien !

On peut dire qu’à sa manière, ce père admirable, reprend ses deux fils, chacun pour sa part et son péché.

Car l’accueil du père pour le cadet ne dit-il pas la sagesse (ou la folie) de l’amour de Dieu ? Son accueil pour l’aîné ne dit-il pas la patience de Dieu pour notre incompréhension de sa bonté ?

Et si le père a choisi de rester en lien avec le fils cadet, et de se réjouir de son retour, il n’en était pas moins conscient de sa situation, car cet enfant, ce frère « que voici était mort et il est vivant, il était perdu et il est retrouvé. » (32)

Comme pour le fils cadet, le père est resté en lien avec son fils aîné, mais la fin du récit n’est pas connue : participera-t-il à la fête ? La finale de la parabole reste volontairement ouverte. L’aîné rejoindra-t-il la joie de son père ?

Et à nous, cette finale ouverte, ne nous pose-t-elle pas aussi la question : la bonté de Dieu restera-t-elle pour nous une blessure ou une guérison ?

Amen.


Illustration: Le fils prodigue, selon Rembrandt.

 


mardi 12 août 2025

"Lueurs au creux de l'ombre"©. Naissance d’un projet d’écriture.

Ce livre est né d’une rencontre avec la commission des ministères de l’Eglise Protestante de Genève qui m’accueillait pour une dernière session avant mon départ à la retraite.

Pour qui l’ignore, cette commission (dont j’ai fait partie) est un peu le pasteur.e des pasteur.e.s. Elle me recevait donc pour un temps d’échanges sur mon expérience, en particulier mon engagement comme aumônier dans les prisons.

Je parlais librement, avec la même passion qui m’avait habitée au cours de ces années à l’écoute des personnes détenues. Et mes paroles ont dû toucher plusieurs des personnes présentes ce soir-là.

Je fus d’abord approché par un professeur de théologie à l’université qui me souffla que ce serait dommage de perdre le fruit de cette expérience et la manière originale et profonde dont j’en parlais : pourquoi ne pas en faire un livre ?

J’avoue que j’ai d’abord été dubitatif, pensant en moi-même : « Et voilà encore un de ces auteurs improvisés qui vient parler de son expérience… Très peu pour moi. »

Mais au cours de l’apéritif qui suivit notre séance, plusieurs autres personnes me firent la même réflexion et m’encourageait à y réfléchir.

Malgré les doutes que j’avais, je me suis mis au travail dès le mois qui suivit mon départ à la retraite. Rassemblant tout d’abord des articles, des notes, des réflexions, des souvenirs, j’ai cherché ensuite pendant plusieurs mois à en faire un livre, en cherchant le ton juste pour en témoigner avec profondeur et humilité.

Cela à durer presque deux ans. Sur le conseil d’un auteur, j’ai transmis mon manuscrit à des prélecteur.trice.s qui me firent des retours encourageants, avec, en particulier, une remarque critique sur la structure du livre, laquelle d’ailleurs ne me satisfaisait pas encore. Et là, la lumière fut : je trouvais enfin le bon tempo et y ajoutais l’idée personnelle de l’écrire sous la forme d’un entretien entre un personne intéressée et moi-même au sujet de mon expérience.

Je fis ensuite le choix d’une douzaine de maisons d’éditions, susceptibles par leur catalogue de s’intéresser à mon ouvrage. Et après un préavis de mise en lecture de mon manuscrit par le comité des éditions Vérone, j’ai reçu quelques semaines plus tard la bonne nouvelle de l’acceptation de mon manuscrit.

Aujourd’hui, la phase de réalisation est en route. Il y a encore bien du pain sur la planche, mais c’est une expérience enrichissante et enthousiasmante, vraiment.

Comme j’ai bien fait d’entendre ce projet de livre que me soufflait à l’oreille quelques membres de cette commission des ministères, qui eux, avaient vu juste, bien avant moi.




jeudi 24 juillet 2025

La parabole du père admirable...

Je partage ici une narration biblique que j’ai partagée avec un petit groupe d’étude biblique en introduction au texte de Luc 15, 11 à 32, la fameuse parabole du fils perdu et retrouvé.

Elle s’inspire de ce que l’on appelle une « prédication en JE ». C’est une forme d’expression qui fait place à un personnage ou un objet témoin se trouvant ou non dans le texte biblique que nous lisons. Le projet est de donner à la prédication un relief particulier du fait de cette « mise en scène » un peu théâtrale. Mais je ne vous en dis pas plus…


"Ouf, je viens m’assoir un petit moment… je fais une pause. Il faut dire qu’ici c’est la fête ! Musique, festin, rires… Oui, le patron n’a pas lésiné sur les moyens !

Bon, je dois dire que tout cela me laisse un peu perplexe : une telle fête, cette joie… pour un petit voyou qui revient à la maison !

Je ne suis qu’un serviteur et je n’ai pas forcément mon mot à dire… Mais tout de même, je n’en pense pas moins !

Car ce gamin à mis le paquet ! Tout l’héritage de son père gaspiller dans des achats (on qualifierait ça aujourd’hui « d’achats compulsifs »)… mais c’était des cochonneries !

Et bien sûr, aussi, des « fiesta », sans doute avec des femmes – et peut-être des hommes … Je vous dis les choses avec un peu de retenue, mais je vous laisse entendre les mots qu’il faut…

Et bien sûr, tant que ce petit imbécile avait de l’argent… Un tiers de la fortune de son père ; vous faites le calcul avec moi : 100 francs – 30 francs… 1000 francs – 300 francs… 100'000 francs – 30'000 francs… 1 million – 300.000 francs… etc. !

Il y avait de quoi faire et du monde pour l’accompagner et en profiter avec lui ! Mais la « roue de la fortune »… elle tourne. Et alors, non seulement plus d’argent pour régaler les copains et les copines, mais en plus une famine : plus rien à manger nulle part ! Et ça fait mal, ça ! Au petit fils à papa !

Alors, il est tombé bien bas ! Il a fallu travailler – et travailler dur – et dans un job humiliant… en étant humilier ! Garder des porcs, même s’il n’était pas très pratiquant, pour un juif, c’était la pire chose à vivre. Et en plus, il crevait de fin à côté de ses porcs qui eux se régalaient sous ses yeux !

C’est alors que, au fond du trou, il commencé à penser à son Père, à sa générosité envers ses serviteurs : eh oui, on est plutôt bien traité ici ! Et ça lui donne une idée : revenir à la maison en demandant à être comme l’un de nous ! Et c’était pas mal comme idée… parce que comme « fils », il y avait peu de chance !

Et il prépare son petit discours… « Père, j'ai péché envers le ciel et contre toi. 19 Je ne mérite plus d'être appelé ton fils. Traite-moi comme un de tes ouvriers. »

Moi, j’étais là, en train de nettoyer la terrasse, quand c’est arrivé. Je reconnais la silhouette du petit… bon il avait plus l’air aussi fringant qu’à son départ. Et je me dis que la réception va être plutôt froide… et sans doute que le père va le renvoyer d’où il vient - et ce sera bien mérité !

Mais alors là… ce qui se passe est inimaginable. Le père accourt vers lui, le petit voyou n’a même pas le temps de finir sa phrase – et d’ailleurs je sais même pas si le père l’a entendue.

Il le prend dans ses bras, l’embrasse, et il m’appelle : « Vite, apportez la plus belle robe, et habillez-le ; mettez-lui un anneau au doigt, des sandales aux pieds. 23 Amenez le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons… »

J’ai un petit moment de… Je sais que le patron est un peu imprévisible, mais alors là : je suis abasourdi ! Et on s’exécute, bien sûr. Et c’est la fête !

La fête bat son plein, et je ressors de la maison pour aller chercher des vivres et des boissons. C’est alors que je vois le fils, l’aîné, qui rentre des champs…

Il m’appelle et me demande ce qui se passe… Je respire un bon coup et je lui réponds : « C'est ton frère qui est arrivé, et ton père a tué le veau gras parce qu'il l'a vu revenir en bonne santé. »

Évidemment il n’aime pas du tout et se fâche tout rouge. Il est invité bien sûr, mais il refuse d’entrer dans la maison. Alors son père sort vers lui… (Décidément ce papa, c’est un peu son truc d’aller rechercher ses enfants !)

Mais l’ainé lui dit tout haut ce qu’il pense… « Voilà tant d'années que je te sers sans avoir jamais désobéi à tes ordres ; et, à moi, tu n'as jamais donné un chevreau pour festoyer avec mes amis. 30 Mais quand ton fils que voici est arrivé, lui qui a mangé ton bien avec des filles, tu as tué le veau gras pour lui ! »

Mais le père se laisse pas démonter… En fait il le recadre gentiment : « Mon enfant, toi, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi.

Et là je me dis : pauvre papa, il a deux fils et pas un pour faire quelque chose de bien avec son bien… Le premier le gaspille et le second n’en fait rien !

Et non seulement le père recadre le fils aîné… mais il n’est pas dupe avec le cadet : « il fallait festoyer et se réjouir, parce que ton frère que voici était mort et il est vivant, il était perdu et il est retrouvé. »

Il a beau être généreux le patron… il est pas stupide ! Bon,  j’y retourne, je ne peux pas rester ici sans rien faire. La fête continue et j'ai encore du boulot !"



En illustration, le fameux tableau de Rembrandt.

 

mardi 22 juillet 2025

Une nouvelle vocation pour un ancien pénitencier...

Il y a douze ans, je publiais ce message (C'était quelques mois après avoir commencer mon ministère en aumônerie de prisons)

Visite de l'expo "100 ans d'ethno en Valais", à Sion, en Suisse. 

Double impression. Celle de relire des lieux, des gestes et des relations qui m'ont précédé et font source à mon présent. 

Et puis l'étonnement de l'Aumônier de prison "en visite" dans ce lieu qui habitat des détenus. 

Avec une question: comment passer d'un lieu de détention à un lieu d'exposition? D'un lieu de peine à un lieu de loisir? D'un fermé à un ouvert?

Gène ou espoir? La réhabilitation des personnes détenues n'est pas toujours aussi réussie... 

Et puis on restaure plus aisément sans doute des murs que l'on réhabilite un humain. Il y a la vie en plus, et le tout de la vie. 

Alors comme un signe d'espoir cet ancien pénitencier? 

Pour moi, je le saisis: oui tout n'est pas dit, arrêté, déterminé, miné, plombé. L'âpreté du chemin ne condamne pas le chemin! 

Et en y marchant avec ces personnes détenues, je me mobilise souvent de cette parole de l'Apôtre Paul: "Celui qui sème le fait dans l'espoir de récolter" Pour que la peine débouche sur la vie. 


Illustration: l'ancien pénitencier de Sion, qui abrite désormais un centre culturel.

dimanche 13 juillet 2025

« Parle Seigneur, ton serviteur écoute... »

Marthe et Marie…  Ce texte est sans doute un des plus « populaires » des Evangiles. Il choque ou enthousiasme, mais ne laisse pas indifférent.

L’accueil de Marthe et l’écoute de Marie, que n’a-t ’on pas dit ou écrit à leur sujet ! Iinterprété symboliquement, Clément d’Alexandrie a vu en Marthe la Synagogue et en Marie l’Eglise. Origène les a opposées : Marthe, les excès de la vie active ; Marie, les bienfaits de la vie contemplative.

Les Réformateurs, à commencer par Martin Luther, ont perçu en Marthe la justification par les œuvres et en Marie, celle par la foi. Plus proche de nous, les modernes ont vu en elles tantôt la soumission de l’aînée et la rébellion de la cadette, tantôt la femme soumise en Marthe et libérée en Marie, ou encore Marthe la conservatrice et Marie la féministe.

Aussi, que peut-on ajouter à cela… et le faut-il ? Pour moi, j’aimerais lire ce texte tel qu’il se présente à nous et apprendre de chacune d’elle quelque chose sur nous-même.

Car l’attitude de Marthe n’est pas fautive. Elle est tout entière dans la distribution coutumière des rôles de l’époque. Si Jésus prend la défense de Marie, il ne rejette pas l’hospitalité de Marthe. C’est l’occasion pour lui d’affirmer son refus de priver toute femme de son enseignement, de lui accorder une position de disciple à part entière, avec sa légitimité au savoir théologique.

Dans ce texte, le choix de la tâche ou de l’écoute reste libre pour l’une comme pour l’autre. Daniel Marguerat l’a souligné avec finesse : « Se consacrer aux tâches de l’hospitalité est un choix, pas un destin. »

Marthe et Marie, c’est une leçon domestique qui nous ouvre un avenir spirituel. L’essentiel est dans cet appel à donner de l’attention à notre relation avec le Christ pour donner du sens à notre action.

« Marthe le reçut dans sa maison. (…) Marie, assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole. » Luc fait rapidement les présentations et distribue les rôles. Ensuite, dit de manière un peu moderne, nous allons être amener, par leur exemple, à revoir nos priorités.

Alors, où est la priorité : accueillir le Christ « en grandes pompes » ou être assis « à ses pompes » ? Serait-ce donc dans notre relation de disciple avec lui que ce « nécessaire » se situe ? Jésus n’est-il qu’un nom dans le credo, un mot habituel qui ponctue notre prière, le chapitre d’un dictionnaire biblique, une image pieuse ?... Ou entretenons-nous un lien d’intimité spirituelle profonde avec le Christ ?

Alors, quel est ce « nécessaire » à privilégier dans l’activité du quotidien ? Et puisque je suis, ici, le cordonnier… nous allons voir si j’étais si mal chaussé !

Vous l’imaginer bien, mon ministère dans les aumôneries n’a pas été de tout repos. Il y avait parfois tant à faire, avec un agenda débordant et des journées – voire des semaines – si courtes pour en venir à bout…

Harassé, comme pouvait l’être Marthe, frustré de me sentir « si seul » pour préparer toute ces bonnes choses en faveur du Maître, je pensais : il va se régaler, c’est sûr, avec tout ce que j’entreprends pour l’honorer… Mais moi, je ne rigole pas !

Et puis, enfin, il y avait ce moment où je venais m’assoir aux pieds de Jésus… en lui demandant pardon. Oui, pardon : pardon de le faire passer pour un si piètre ami, un si mauvais Maître, comme s’il abrutissait ses disciples de tâches, de stress, d’angoisse ! Après la suractivité de Marthe, je trouvais enfin le repos de Marie auprès de lui, une parole réconfortante sans jugement, une parole amicale sans complaisance, que je recevais dans l’intimité de mon cœur… en sa présence .

Sa présence nous soufflant sa Parole est sans doute cette unique chose « qui est nécessaire ». Car si Jésus n’est pas qu’un nom, sa parole, ce n’est pas que des mots. Marie ne s’y est pas trompée. C’est une parole qui a sa source dans son Père qui est dans les cieux, celle que nous entendions tout à l’heure dans livre d’Esaïe. J’ai envie de dire : Tel Père, tel Fils… Une même autorité, une même fécondité, pour réaliser en nous le bien qu’il veut pour nous.

« Elle a choisi la bonne part, celle qui ne lui sera pas enlevée. » Aux pieds du Christ, à l’écoute de sa Parole, nous choisissons la meilleure préoccupation, celle qui va nous instruire et nous soutenir, quelles que soient les circonstances.

Outre nos préoccupations abusives, les épreuves de la vie ne manquent pas, ni les soucis, ni les craintes, ni enfin le « dernier ennemi », la mort. Autant « d’agitation et d’inquiétude pour bien des choses », qui pourrait nous ravir notre joie et notre confiance en Dieu.

Persévérer à écouter et servir sa Parole en sa présence, voilà une « bonne part », qui pourrait bien réconcilier tout le monde : les écoutant comme les agissant…

Car ne sommes-nous pas tous dans le même panier, lorsque Jésus nous avertit qu’ « Il ne suffit pas de me dire Seigneur… Il faut faire la volonté de mon Père. » (Mt 7,21) ?

Ne sommes-nous pas tous dans le même panier, lorsque Paul, nous appelle à la bienveillance dans nos propos, à une parole assaisonnée de sel  ?

Ne sommes-nous pas tous dans le même panier lorsque l’apôtre Jean veut nous éviter le piège d’une parole sans âme ni geste de grâce : « Mes petits-enfants, n'aimons pas en paroles seulement, mais en acte et dans la vérité. » (1 Jn 3,18) ?

Alors, oui, « Parle Seigneur, ton serviteur écoute. » (1 S 3,9-10).  Amen.


Illustration: Icône de tradition byzantine.

"Lueurs au creux de l'ombre"© Cette fois, nous y sommes... L'ouvrage sera publié d'ici un mois!

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