vendredi 29 août 2025

Le baptême du Christ... plus de grâce que de condamnation ! (Une republication de l'été)

Connaissez-vous le film « Le Retour de Martin Guerre » ? Inspiré d’une histoire vraie. Après une absence de plusieurs années, un paysan revient dans son village natal. Il y retrouve sa femme et les membres de sa famille. Mais des étrangers de passage identifient Martin comme étant Arnaud, d’un village voisin. Martin se défend et laisse les villageois divisés sur la question. Martin, est-il le véritable Martin Guerre ?

 

L’affaire est saisie au tribunal et le juge se prépare à acquitter Martin, mais à la dernière minute, un Martin Guerre se présente à la cour et sa ressemblance est si forte qu’elle remet en question l'issue du procès. Arnaud avoue finalement qu'il était soldat avec le vrai Martin, que celui-ci lui a dit qu'il ne retournerait jamais dans son village, et qu'il décida de prendre sa place. Arnaud – le faux Martin Guerre - est alors condamné à mort et exécuté.

 

Courte méditation d’une parole de l’Évangile de Luc partagées avec les détenus des prisons: chapitre 3, 15-22.

 

« Le retour de Martin Guerre » :  une sombre et romanesque histoire d’identité… négligée, usurpée, puis retrouvée. Elle rappelle l’importance de l’identité d’une personne. Et cette troublante histoire nous introduit à la question centrale de l'Évangile : Jean le Baptiste, est-il le vraie Messie ? Ou serait-ce Jésus de Nazareth ? 

 

Cette question habite intensément le peuple : les paroles puissantes de Jean, son baptême d’eau et de repentance, l’annonce d’un jugement imminent auquel il est urgent de se soustraire… Tout cela n’est-il pas le fait du Messie, décisif et puissant, que l’on attend… et qui rétablira l’ordre et la paix en Israël?

 

Mais notre texte passe de cette voix qui crie dans le désert – à une voix qui témoigne dans le ciel… De l’annonce de la colère de Dieu, notre évangile nous fait entendre une annonce de l’amour de Dieu qui établit Jésus, baptisé et priant, comme le Fils bien aimé du Père. 

 

Malgré l’humble reconnaissance de Jean pour Celui qui vient après lui, il n’en demeure pas moins une tension entre la prédication de Jean et celle de Jésus. Ainsi, les doutes qu’il exprimera : « Es-tu Celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? » Et la réponse de Jésus est bouleversante : « …les aveugles retrouvent la vue et les boiteux marchent droit, les lépreux sont purifiés et les sourds entendent, les morts ressuscitent et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres. » (11,2-5)

 

Le baptême d’Esprit Saint et de feu annoncé par Jean est désormais présent dans le monde, et son feu ne vient pas détruire, mais consumé ce qui nous tient éloigné du Dieu vivant et miséricordieux.

 

Le Christ, n’ignore pas le péché des hommes : ne s’est-il pas présenté comme celui qui est venu appeler « non pas les justes, mais les pécheurs » ? N’affirme-t-il pas aussi que ce ne sont pas « les biens portants qui ont besoin de médecin, mais les malades » ? (9,12-13) et il demandera enfin aux chefs religieux, que cette bienveillance dérange, d’aller « apprendre ce que signifie cette parole de Dieu : c’est la miséricorde que je veux. » (Mt 9,12-13) 


Ainsi, Jésus est un médecin et non un bourreau ! Son baptême porte le sceau de la miséricorde de Dieu : il est venu pour nous sauver, pas pour nous exécuter !

 

Dans un langage plus contemporain, on parle des « faucons », pour désigner ceux qui veulent la guerre » et des « colombes », pour parler de ceux qui veulent la paix. Et tel est le signe de l’Esprit Saint qui accompagne le baptême de Jésus, « sous une apparence corporelle, comme une colombe », précise Luc.

Les interprétations sont nombreuses à son sujet : la colombe de l’arche de Noé ; l’amour de Dieu venant sur la terre ; l’esprit de Dieu planant au-dessus des eaux à la création ; etc. Et pourquoi choisir ? Toutes ont leur intérêt.

Mais si je ne pense pas utile de trancher à propos de ce que représente cette colombe, je suis certain de son message – que la lettre de Paul à Tite nous rappelle : « Lorsque Dieu, notre Sauveur, a manifesté sa bonté et son amour pour les hommes, il nous a sauvés, non pas à cause de la justice de nos propres actes, mais par sa miséricorde. Par le bain du baptême, … cet Esprit, Dieu l’a répandu sur nous en abondance, par Jésus Christ notre Sauveur... » (Tt 2 – 3) 

Le baptême du Christ nous plonge dans plus de grâce que de condamnation ! 


Illustration: Les oiseaux, Henri Matisse, 1947
 


dimanche 24 août 2025

Un homme avait deux fils. Et c'est la fête?...

Un homme avait deux fils (15,11) Le sujet est encore d’actualité.  Il y a quelques mois (24 janvier 2025), le film « Jouer avec le feu » abordait la relation d'un père avec ses deux fils. Son scénario : le père se retrouve confronté à la dérive de l'un d’eux. A l’inverse de la parabole, c’est le cadet qui réussit, alors que l’aîné prend un mauvais chemin. Ce film traite ainsi des tensions qui peuvent naître au sein d'une famille face à des choix de vie opposés. Et n’est-ce pas ici notre parabole ?

Mais la parabole de Jésus parle encore et d’abord d’un accueil qui fâche. Nous l’avons lu tout à l’heure : « Cet homme-là fait bon accueil aux pécheurs et mange avec eux ! » (15,2) Avec les deux qui la précèdent, cette parabole « illustre l’amour de Dieu pour des gens ni aimés, ni aimables », les pécheurs et les perdus, c’est-à-dire : « tous les séparés de Dieu pour cause d’impureté ou de morale déficiente. »

Et l’on pourrait se poser la question : où sont-ils nos pécheurs, nos séparés de Dieu, aujourd’hui ? Peut-être plus proches qu’on ne le pense, ou le souhaiterait. Pour moi, ce fut assez « simple »… Je les ai rencontrés dans les prisons où j’ai exercé mon ministère d’écoute et d’accompagnement spirituel. Ce qui m’a valu, parfois, d’essuyer ce même reproche de faire « bon accueil aux pécheurs. »

En nous racontant l’histoire de ce père et de ses deux fils, il y a un mot qu’il faut entendre dans ce récit de Jésus, il s’agit du « LIEN » et les verbes qui peuvent l’accompagner :  « être en lien », « nourrir le lien », ou « rester en lien ».

Dans un passage de l’Evangile selon Matthieu, à ce même reproche de « faire bon accueil aux pécheurs », Jésus répond: « Ce ne sont pas les bien portants qui ont besoin de médecin, mais les malades. (…) Car je suis venu appeler non pas les justes, mais les pécheurs. » (Mt 9,12-13)

Pour le Christ médecin, il n’y a pas de guérison s’il ignore ses patients ; pour le Christ Sauveur, il n’y a pas de conversion s’il ignore les pécheurs. Que pourrait-il se passer de bon si nous les privons de tout ce qui peut les relier à nous ? Au-delà des apparences et de la faute commise, être et rester en lien. Sur ce point, le père de cette parabole en est, je pense, un admirable exemple ! Ainsi, la parabole du père admirable… nous parle d’un lien qui ne dit pas oui à tout, mais ne dit pas non à la rencontre.

Alors, être et rester en lien, oui, mais jusqu’où aller quand le lien est malmené, voir méprisé ?  C’est le moment de parler de la fête somptueuse. Jésus, volontairement, dresse le portrait d’un pécheur dont l’exemple scandalise et dont scribes et Pharisiens se détourneront avec colère et dégout. Mais leur réprobation n’est-elle pas aussi la nôtre ? Jusqu’où serons-nous capables d’aller pour rester en lien avec celle ou celui qui a fauté ? Jusqu’où imiterons-nous ces religieux ? Jusqu’où serons-nous capables de séparer la faute de la personne ?

Avant de répondre, rappelons qu’il peut y avoir une limite au lien que la lettre aux Romains nous précise : S'il est possible, pour autant que cela dépend de vous, vivez en paix avec tous les hommes. Mais si elle nous offre une limite, une porte de sortie contre un lien nocif, elle nous appelle aussi à une patience et une éthique, toutes deux exigeantes : Mais si ton ennemi a faim, donne-lui à manger, s'il a soif, donne-lui à boire (…) Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais sois vainqueur du mal par le bien. (Rm 12,20-21)

Et la question demeure : jusqu’où… ? C’est le moment de parler du coup de théâtre de cette parabole ! c’est le moment de parler du lien qui, bien que distant, ne s’est pas rompu. La mise en scène est organisée, le texte est prêt… Le fils cadet sait qu’il est déchu de son honneur de fils et qu’il ne peut espérer rentrer chez lui qu’en qualité d’ouvrier, peut-être…

Vient alors le premier geste de compassion du Père : il écoute à peine les mots de repentir de son enfant, il accourt et le couvre de baisers ! Et il enchaîne avec le second qui est encore plus inattendu : celui de la réhabilitation de son fils. Cette robe, cet anneau, ces chaussures, ces baisers, sont autant de signes du refus du père à faire de ce fils qui revient à lui un esclave !

Ces gestes ont choqué, et peut-être nous choquent-ils aussi ?  En réalité, ce père est libre, libre de sa bonté, libre de son choix d’être vainqueur du mal par le bien, libre de surmonter la faute par le pardon.

Et sa capacité m’a fait penser aux mots d’Esaïe : Ils rebâtiront les dévastations du passé, les désolations infligées aux ancêtres, ils les relèveront, ils rénoveront les villes saccagées, les désolations traînant de génération en génération. (Es 61,4)

Autant de mots qui pourraient s’appliquer aussi à nos liens « perdus » pour qu’ils soient « retrouvés ».

C’est donc un happy end ? Pas encore,  le récit de Jésus nous offre une dernière scène : c’est le moment de parler de la fête scandaleuse. Elle a son importance, car elle permet à qui entend cette parabole, ici, les Pharisiens et les scribes, mais sans doute à nous-mêmes aussi, elle permet de dire les sentiments douloureux que nous ressentons face à la miséricorde de Dieu envers les méchants : que ce soit la jalousie, la frustration ou la colère devant le pardon de l’offense, du mal commis.

Faut-il vraiment parler de la « faiblesse du Père » envers le péché de son fils ? Nous l’avons entendu dans sa réponse à ce que je pense être son « autre fils perdu » ! Oui : perdu, perdu dans un lien avec son père qui n’est qu’obligation sans affection, un lien qui n’est qu’ignorance de la générosité de son père, que frustration de ses désirs et de ses joies.

En méditant l’attitude de ces deux fils avec l’héritage de leur père, je me suis dit : « Pauvre papa… aucun de ses fils pour faire quelques choses de bon avec son bien : le cadet le gaspille et l’aîné n’en fait rien !

On peut dire qu’à sa manière, ce père admirable, reprend ses deux fils, chacun pour sa part et son péché.

Car l’accueil du père pour le cadet ne dit-il pas la sagesse (ou la folie) de l’amour de Dieu ? Son accueil pour l’aîné ne dit-il pas la patience de Dieu pour notre incompréhension de sa bonté ?

Et si le père a choisi de rester en lien avec le fils cadet, et de se réjouir de son retour, il n’en était pas moins conscient de sa situation, car cet enfant, ce frère « que voici était mort et il est vivant, il était perdu et il est retrouvé. » (32)

Comme pour le fils cadet, le père est resté en lien avec son fils aîné, mais la fin du récit n’est pas connue : participera-t-il à la fête ? La finale de la parabole reste volontairement ouverte. L’aîné rejoindra-t-il la joie de son père ?

Et à nous, cette finale ouverte, ne nous pose-t-elle pas aussi la question : la bonté de Dieu restera-t-elle pour nous une blessure ou une guérison ?

Amen.


Illustration: Le fils prodigue, selon Rembrandt.

 


mardi 12 août 2025

"Lueurs au creux de l'ombre"©. Naissance d’un projet d’écriture.

Ce livre est né d’une rencontre avec la commission des ministères de l’Eglise Protestante de Genève qui m’accueillait pour une dernière session avant mon départ à la retraite.

Pour qui l’ignore, cette commission (dont j’ai fait partie) est un peu le pasteur.e des pasteur.e.s. Elle me recevait donc pour un temps d’échanges sur mon expérience, en particulier mon engagement comme aumônier dans les prisons.

Je parlais librement, avec la même passion qui m’avait habitée au cours de ces années à l’écoute des personnes détenues. Et mes paroles ont dû toucher plusieurs des personnes présentes ce soir-là.

Je fus d’abord approché par un professeur de théologie à l’université qui me souffla que ce serait dommage de perdre le fruit de cette expérience et la manière originale et profonde dont j’en parlais : pourquoi ne pas en faire un livre ?

J’avoue que j’ai d’abord été dubitatif, pensant en moi-même : « Et voilà encore un de ces auteurs improvisés qui vient parler de son expérience… Très peu pour moi. »

Mais au cours de l’apéritif qui suivit notre séance, plusieurs autres personnes me firent la même réflexion et m’encourageait à y réfléchir.

Malgré les doutes que j’avais, je me suis mis au travail dès le mois qui suivit mon départ à la retraite. Rassemblant tout d’abord des articles, des notes, des réflexions, des souvenirs, j’ai cherché ensuite pendant plusieurs mois à en faire un livre, en cherchant le ton juste pour en témoigner avec profondeur et humilité.

Cela à durer presque deux ans. Sur le conseil d’un auteur, j’ai transmis mon manuscrit à des prélecteur.trice.s qui me firent des retours encourageants, avec, en particulier, une remarque critique sur la structure du livre, laquelle d’ailleurs ne me satisfaisait pas encore. Et là, la lumière fut : je trouvais enfin le bon tempo et y ajoutais l’idée personnelle de l’écrire sous la forme d’un entretien entre un personne intéressée et moi-même au sujet de mon expérience.

Je fis ensuite le choix d’une douzaine de maisons d’éditions, susceptibles par leur catalogue de s’intéresser à mon ouvrage. Et après un préavis de mise en lecture de mon manuscrit par le comité des éditions Vérone, j’ai reçu quelques semaines plus tard la bonne nouvelle de l’acceptation de mon manuscrit.

Aujourd’hui, la phase de réalisation est en route. Il y a encore bien du pain sur la planche, mais c’est une expérience enrichissante et enthousiasmante, vraiment.

Comme j’ai bien fait d’entendre ce projet de livre que me soufflait à l’oreille quelques membres de cette commission des ministères, qui eux, avaient vu juste, bien avant moi.




jeudi 24 juillet 2025

La parabole du père admirable...

Je partage ici une narration biblique que j’ai partagée avec un petit groupe d’étude biblique en introduction au texte de Luc 15, 11 à 32, la fameuse parabole du fils perdu et retrouvé.

Elle s’inspire de ce que l’on appelle une « prédication en JE ». C’est une forme d’expression qui fait place à un personnage ou un objet témoin se trouvant ou non dans le texte biblique que nous lisons. Le projet est de donner à la prédication un relief particulier du fait de cette « mise en scène » un peu théâtrale. Mais je ne vous en dis pas plus…


"Ouf, je viens m’assoir un petit moment… je fais une pause. Il faut dire qu’ici c’est la fête ! Musique, festin, rires… Oui, le patron n’a pas lésiné sur les moyens !

Bon, je dois dire que tout cela me laisse un peu perplexe : une telle fête, cette joie… pour un petit voyou qui revient à la maison !

Je ne suis qu’un serviteur et je n’ai pas forcément mon mot à dire… Mais tout de même, je n’en pense pas moins !

Car ce gamin à mis le paquet ! Tout l’héritage de son père gaspiller dans des achats (on qualifierait ça aujourd’hui « d’achats compulsifs »)… mais c’était des cochonneries !

Et bien sûr, aussi, des « fiesta », sans doute avec des femmes – et peut-être des hommes … Je vous dis les choses avec un peu de retenue, mais je vous laisse entendre les mots qu’il faut…

Et bien sûr, tant que ce petit imbécile avait de l’argent… Un tiers de la fortune de son père ; vous faites le calcul avec moi : 100 francs – 30 francs… 1000 francs – 300 francs… 100'000 francs – 30'000 francs… 1 million – 300.000 francs… etc. !

Il y avait de quoi faire et du monde pour l’accompagner et en profiter avec lui ! Mais la « roue de la fortune »… elle tourne. Et alors, non seulement plus d’argent pour régaler les copains et les copines, mais en plus une famine : plus rien à manger nulle part ! Et ça fait mal, ça ! Au petit fils à papa !

Alors, il est tombé bien bas ! Il a fallu travailler – et travailler dur – et dans un job humiliant… en étant humilier ! Garder des porcs, même s’il n’était pas très pratiquant, pour un juif, c’était la pire chose à vivre. Et en plus, il crevait de fin à côté de ses porcs qui eux se régalaient sous ses yeux !

C’est alors que, au fond du trou, il commencé à penser à son Père, à sa générosité envers ses serviteurs : eh oui, on est plutôt bien traité ici ! Et ça lui donne une idée : revenir à la maison en demandant à être comme l’un de nous ! Et c’était pas mal comme idée… parce que comme « fils », il y avait peu de chance !

Et il prépare son petit discours… « Père, j'ai péché envers le ciel et contre toi. 19 Je ne mérite plus d'être appelé ton fils. Traite-moi comme un de tes ouvriers. »

Moi, j’étais là, en train de nettoyer la terrasse, quand c’est arrivé. Je reconnais la silhouette du petit… bon il avait plus l’air aussi fringant qu’à son départ. Et je me dis que la réception va être plutôt froide… et sans doute que le père va le renvoyer d’où il vient - et ce sera bien mérité !

Mais alors là… ce qui se passe est inimaginable. Le père accourt vers lui, le petit voyou n’a même pas le temps de finir sa phrase – et d’ailleurs je sais même pas si le père l’a entendue.

Il le prend dans ses bras, l’embrasse, et il m’appelle : « Vite, apportez la plus belle robe, et habillez-le ; mettez-lui un anneau au doigt, des sandales aux pieds. 23 Amenez le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons… »

J’ai un petit moment de… Je sais que le patron est un peu imprévisible, mais alors là : je suis abasourdi ! Et on s’exécute, bien sûr. Et c’est la fête !

La fête bat son plein, et je ressors de la maison pour aller chercher des vivres et des boissons. C’est alors que je vois le fils, l’aîné, qui rentre des champs…

Il m’appelle et me demande ce qui se passe… Je respire un bon coup et je lui réponds : « C'est ton frère qui est arrivé, et ton père a tué le veau gras parce qu'il l'a vu revenir en bonne santé. »

Évidemment il n’aime pas du tout et se fâche tout rouge. Il est invité bien sûr, mais il refuse d’entrer dans la maison. Alors son père sort vers lui… (Décidément ce papa, c’est un peu son truc d’aller rechercher ses enfants !)

Mais l’ainé lui dit tout haut ce qu’il pense… « Voilà tant d'années que je te sers sans avoir jamais désobéi à tes ordres ; et, à moi, tu n'as jamais donné un chevreau pour festoyer avec mes amis. 30 Mais quand ton fils que voici est arrivé, lui qui a mangé ton bien avec des filles, tu as tué le veau gras pour lui ! »

Mais le père se laisse pas démonter… En fait il le recadre gentiment : « Mon enfant, toi, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi.

Et là je me dis : pauvre papa, il a deux fils et pas un pour faire quelque chose de bien avec son bien… Le premier le gaspille et le second n’en fait rien !

Et non seulement le père recadre le fils aîné… mais il n’est pas dupe avec le cadet : « il fallait festoyer et se réjouir, parce que ton frère que voici était mort et il est vivant, il était perdu et il est retrouvé. »

Il a beau être généreux le patron… il est pas stupide ! Bon,  j’y retourne, je ne peux pas rester ici sans rien faire. La fête continue et j'ai encore du boulot !"



En illustration, le fameux tableau de Rembrandt.

 

mardi 22 juillet 2025

Une nouvelle vocation pour un ancien pénitencier...

Il y a douze ans, je publiais ce message (C'était quelques mois après avoir commencer mon ministère en aumônerie de prisons)

Visite de l'expo "100 ans d'ethno en Valais", à Sion, en Suisse. 

Double impression. Celle de relire des lieux, des gestes et des relations qui m'ont précédé et font source à mon présent. 

Et puis l'étonnement de l'Aumônier de prison "en visite" dans ce lieu qui habitat des détenus. 

Avec une question: comment passer d'un lieu de détention à un lieu d'exposition? D'un lieu de peine à un lieu de loisir? D'un fermé à un ouvert?

Gène ou espoir? La réhabilitation des personnes détenues n'est pas toujours aussi réussie... 

Et puis on restaure plus aisément sans doute des murs que l'on réhabilite un humain. Il y a la vie en plus, et le tout de la vie. 

Alors comme un signe d'espoir cet ancien pénitencier? 

Pour moi, je le saisis: oui tout n'est pas dit, arrêté, déterminé, miné, plombé. L'âpreté du chemin ne condamne pas le chemin! 

Et en y marchant avec ces personnes détenues, je me mobilise souvent de cette parole de l'Apôtre Paul: "Celui qui sème le fait dans l'espoir de récolter" Pour que la peine débouche sur la vie. 


Illustration: l'ancien pénitencier de Sion, qui abrite désormais un centre culturel.

dimanche 13 juillet 2025

« Parle Seigneur, ton serviteur écoute... »

Marthe et Marie…  Ce texte est sans doute un des plus « populaires » des Evangiles. Il choque ou enthousiasme, mais ne laisse pas indifférent.

L’accueil de Marthe et l’écoute de Marie, que n’a-t ’on pas dit ou écrit à leur sujet ! Iinterprété symboliquement, Clément d’Alexandrie a vu en Marthe la Synagogue et en Marie l’Eglise. Origène les a opposées : Marthe, les excès de la vie active ; Marie, les bienfaits de la vie contemplative.

Les Réformateurs, à commencer par Martin Luther, ont perçu en Marthe la justification par les œuvres et en Marie, celle par la foi. Plus proche de nous, les modernes ont vu en elles tantôt la soumission de l’aînée et la rébellion de la cadette, tantôt la femme soumise en Marthe et libérée en Marie, ou encore Marthe la conservatrice et Marie la féministe.

Aussi, que peut-on ajouter à cela… et le faut-il ? Pour moi, j’aimerais lire ce texte tel qu’il se présente à nous et apprendre de chacune d’elle quelque chose sur nous-même.

Car l’attitude de Marthe n’est pas fautive. Elle est tout entière dans la distribution coutumière des rôles de l’époque. Si Jésus prend la défense de Marie, il ne rejette pas l’hospitalité de Marthe. C’est l’occasion pour lui d’affirmer son refus de priver toute femme de son enseignement, de lui accorder une position de disciple à part entière, avec sa légitimité au savoir théologique.

Dans ce texte, le choix de la tâche ou de l’écoute reste libre pour l’une comme pour l’autre. Daniel Marguerat l’a souligné avec finesse : « Se consacrer aux tâches de l’hospitalité est un choix, pas un destin. »

Marthe et Marie, c’est une leçon domestique qui nous ouvre un avenir spirituel. L’essentiel est dans cet appel à donner de l’attention à notre relation avec le Christ pour donner du sens à notre action.

« Marthe le reçut dans sa maison. (…) Marie, assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole. » Luc fait rapidement les présentations et distribue les rôles. Ensuite, dit de manière un peu moderne, nous allons être amener, par leur exemple, à revoir nos priorités.

Alors, où est la priorité : accueillir le Christ « en grandes pompes » ou être assis « à ses pompes » ? Serait-ce donc dans notre relation de disciple avec lui que ce « nécessaire » se situe ? Jésus n’est-il qu’un nom dans le credo, un mot habituel qui ponctue notre prière, le chapitre d’un dictionnaire biblique, une image pieuse ?... Ou entretenons-nous un lien d’intimité spirituelle profonde avec le Christ ?

Alors, quel est ce « nécessaire » à privilégier dans l’activité du quotidien ? Et puisque je suis, ici, le cordonnier… nous allons voir si j’étais si mal chaussé !

Vous l’imaginer bien, mon ministère dans les aumôneries n’a pas été de tout repos. Il y avait parfois tant à faire, avec un agenda débordant et des journées – voire des semaines – si courtes pour en venir à bout…

Harassé, comme pouvait l’être Marthe, frustré de me sentir « si seul » pour préparer toute ces bonnes choses en faveur du Maître, je pensais : il va se régaler, c’est sûr, avec tout ce que j’entreprends pour l’honorer… Mais moi, je ne rigole pas !

Et puis, enfin, il y avait ce moment où je venais m’assoir aux pieds de Jésus… en lui demandant pardon. Oui, pardon : pardon de le faire passer pour un si piètre ami, un si mauvais Maître, comme s’il abrutissait ses disciples de tâches, de stress, d’angoisse ! Après la suractivité de Marthe, je trouvais enfin le repos de Marie auprès de lui, une parole réconfortante sans jugement, une parole amicale sans complaisance, que je recevais dans l’intimité de mon cœur… en sa présence .

Sa présence nous soufflant sa Parole est sans doute cette unique chose « qui est nécessaire ». Car si Jésus n’est pas qu’un nom, sa parole, ce n’est pas que des mots. Marie ne s’y est pas trompée. C’est une parole qui a sa source dans son Père qui est dans les cieux, celle que nous entendions tout à l’heure dans livre d’Esaïe. J’ai envie de dire : Tel Père, tel Fils… Une même autorité, une même fécondité, pour réaliser en nous le bien qu’il veut pour nous.

« Elle a choisi la bonne part, celle qui ne lui sera pas enlevée. » Aux pieds du Christ, à l’écoute de sa Parole, nous choisissons la meilleure préoccupation, celle qui va nous instruire et nous soutenir, quelles que soient les circonstances.

Outre nos préoccupations abusives, les épreuves de la vie ne manquent pas, ni les soucis, ni les craintes, ni enfin le « dernier ennemi », la mort. Autant « d’agitation et d’inquiétude pour bien des choses », qui pourrait nous ravir notre joie et notre confiance en Dieu.

Persévérer à écouter et servir sa Parole en sa présence, voilà une « bonne part », qui pourrait bien réconcilier tout le monde : les écoutant comme les agissant…

Car ne sommes-nous pas tous dans le même panier, lorsque Jésus nous avertit qu’ « Il ne suffit pas de me dire Seigneur… Il faut faire la volonté de mon Père. » (Mt 7,21) ?

Ne sommes-nous pas tous dans le même panier, lorsque Paul, nous appelle à la bienveillance dans nos propos, à une parole assaisonnée de sel  ?

Ne sommes-nous pas tous dans le même panier lorsque l’apôtre Jean veut nous éviter le piège d’une parole sans âme ni geste de grâce : « Mes petits-enfants, n'aimons pas en paroles seulement, mais en acte et dans la vérité. » (1 Jn 3,18) ?

Alors, oui, « Parle Seigneur, ton serviteur écoute. » (1 S 3,9-10).  Amen.


Illustration: Icône de tradition byzantine.

dimanche 6 juillet 2025

"Lueurs au creux de l'ombre"© Un livre à paraître...

Le 9 novembre 2020, j’ai créé le blog intitulé Les Diachroniques, avec son premier article : La dignité de l'humain.

Ce blog a accompagné mon engagement en tant qu’aumônier dans les prisons – mais aussi dans les hôpitaux pendant 5 ans. Il a été le porteur de mes réflexions et de mon expérience d’écoute et d’accompagnement spirituel auprès de personnes en situation de privation de liberté… Cela peut paraître évident dans les prisons mais, à leur manière, les personnes hospitalisées peuvent en partager la difficulté. J’en parlerai sans doute dans un prochain article,

Aujourd’hui à la retraite, Les Diachroniques pourraient prendre une nouvelle tournure…

En effet, après deux ans de travail, un livre sur mon expérience d’aumônier dans les prisons va être publié prochainement. La photo qui accompagne ce premier article en dira déjà beaucoup. Mais, en quelques mots, après avoir envoyé mon manuscrit « Lueurs au creux de l’ombre » à quelques éditeurs, j’ai reçu, début avril de cette année, le message suivant :

Bonjour Monsieur, je suis ravie de vous informer que votre manuscrit a passé la première étape de sélection, et qu’il se trouve maintenant entre les mains du comité de lecture pour une étude approfondie. S’il est accepté, je vous ferai parvenir une proposition de collaboration en vue d’intégrer notre Collection Authentique.

Et puis, une semaine plus tard, la conclusion réjouissante :  « Votre manuscrit est accepté » !

Bonjour Monsieur, j’ai le plaisir de vous annoncer que notre comité de lecture vient de rendre une décision positive au sujet de votre manuscrit ! 

Nous en sommes aujourd’hui dans la phase dite de réalisation du livre, à savoir les relectures, les corrections, les contenus pour accompagner le livre, la maquette pour la couverture, etc. Inutile de préciser qu'il y a encore beaucoup de travail d’ici sa parution, envisagée en octobre 2025.

J’ai pensé, avec l'encouragement de mon éditeur, que le suivi de cette expérience d’édition, qui vient tout droit de l’expérience qui vit naître Les Diachroniques, pourrait donner un nouveau souffle à ce blog.

Dont acte… Et désormais, en priorité (mais pas exclusivement) je publierai des partages et réflexions sur ce parcours d’édition.

Lorsque vous lirez dans ce blog : « Lueurs au creux de l’ombre » avec une adjonction à ce titre, cela signifiera que l’article traite de ce projet d’édition. 

Sinon, les autres articles paraîtront comme à l’accoutumée.

À très bientôt donc. Et « diachroniquement » vôtre.


Photo: Eric Imseng

dimanche 29 juin 2025

Qui est mon prochain ? Ou un homme descendait de Jérusalem à Jéricho...

C’est à une petite révolution sur ce qu’aimer son prochain veux dire que nous invite le texte de ce jour. Qui est mon prochain ? Autrement à qui dois-je mon aide ? Une courte histoire de Jésus va nous conduire vers un de qui suis-je le prochain ? Autrement dit de qui je suis proche, au-delà de l’appartenance, malgré les apparences, et pour plus que ce qui est convenu,

Mais auparavant, il y a un préambule, dans la question d’un légiste, un docteur de la Loi, posée à Jésus : « Maître, que dois-je faire pour recevoir en partage la vie éternelle ? » (Lc 10,25)

Prédication offerte à l’assemblée paroissiale réunie dans le Temple de Lutry. Textes du jour : Esaïe 52, 7-10 ; Colossiens 2, 1-7 ; Luc 10, 25-37 (la parabole du bon Samaritain).

Sa question, en réalité, n’est ni banale ni vaniteuse, elle est au cœur de la quête de tout croyant Juif qui se respecte. Mais n’est-elle pas aussi la nôtre? Que faisons-nous pour l’avenir de notre existence spirituelle ? De quel pain venu du ciel nourrissons-nous notre âme ?

La vie éternelle, ne serait-ce qu’une vie d’ici-bas qui ne prendrait jamais fin, comme le laissait entendre Woody Allen : « L’éternité, c’est long. Surtout à la fin ! » ? Mais la vie éternelle est autre chose qu’un temps infini, et s’il fallait le dire en quelques mots, ce serait que la vie éternelle, est une vie accomplie en Dieu.

Mais la vie éternelle, reconnaissons-le, est un mystère… qui n’est pas qu’une opacité frustrante. Il est source d’une extraordinaire richesse, comme nous l’avons lu dans la lettre de Paul aux Colossiens, un  « mystère de Dieu, qui est une vie dans le Christ, en qui sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la connaissance… La vie éternelle, contrairement à la savoureuse blague de Woody Allen, est une vie où l’on ne s’ennuie pas !

Et bien que le texte parle d’une mise à l’épreuve, c’est une vraie question que pose le légiste à Jésus. J’aime à penser qu’il cherche à savoir  « ce que ce Jésus de Nazareth a dans le ventre »… Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne sera pas déçu ! Poser une question à Jésus, c’est toujours possible, mais il faudra être prêt à ce que sa réponse surprenne ou implique un changement important !

Nous avons sans doute vécu un jour la perplexité, voire la déception, dans laquelle une parole de Jésus nous a plongé ! Nous avons sans doute vécu un jour cette hésitation à nous engager là où il nous invite à le suivre… Un peu plus haut, quelqu’un s’est écrié : « Je te suivrai partout où tu iras. » La réponse de Jésus a été franche en lui disant clairement combien le suivre serait parfois inconfortable (9,57-58)

Thomas d’Asembourg a écrit : « Être heureux, ce n’est pas nécessairement confortable. ». Et c’est valable pour les disciples du Christ aussi…

C’est peut-être une de ces insatisfactions qui a poussé notre légiste à faire un pas de plus. La réponse était juste, l’envoi était clair : « Tu as bien répondu. Fais cela et tu auras la vie. » … la vie, la vie, oui, mais… quelle vie et pour qui ?

Une fois encore la justice que ce docteur de la loi veut montrer n’est pas forcément la quête de bons points… En effet, il semble être rester sur sa faim et son « qui est mon prochain ? » est d’ailleurs une question « étrange » pour un juif pieux d’alors et c’est peut-être un des signes de l’ouverture de ce docteur de la loi qui ne se satisfait pas de l’évidence. Et la petite histoire de Jésus lui donnera, à lui comme à nous, un horizon nouveau.

Le « prochain », avant la parabole de Jésus, c’est très simple :  ce sont les concitoyens de mon peuple, les membres de ma congrégation religieuse. Ils sont comme moi, pense comme moi, pratique comme moi… Pas d’hésitation, pas d’interrogation, pas de surprise… Or, de surprise, il y en aura bien une, et elle commence ainsi : « Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho…

On peut être gêné par l’attitude des deux premiers qui « passe à bonne distance ». Mais l’un, comme l’autre, sont liés au service du Temple et à ses obligations. En quelque sorte, ils préservent leur boulot… Aussi, y a-t-il peut-être dans ce récit comme une dénonciation de ce Temple qui prive de compassion les gens meurtris pas la vie… On pourrait je pense résumer l’intention de cette parabole en une phrase, que l’on peut lire dans un passage de l’Evangile selon Matthieu : « … Allez donc apprendre ce que signifie : C’est la miséricorde que je veux, non le sacrifice. » (Mt 9,13 ; Os 6,6)

Et Jésus enfonce le clou : c’est un Samaritain, un réprouvé, un ennemi de la vraie foi, un croyant méprisé d’Israël et qui en général le lui rend bien… qui va s’arrêter « ému de compassion » (33). Et pas seulement ému, il s’engage concrètement dans les soins et le rétablissement de cet homme. Celui qui devait FAIRE preuve de mépris pour ce juif meurtri au bord du chemin… a FAIT preuve de bonté envers lui. »

En le choisissant et en lui accordant tous ces gestes, Jésus fait déraper toute l’histoire ! On ne s’en rend peut-être plus vraiment compte, mais, pour qui l’écoutait, cela devait devenir inaudible ! Une question nous ramènera sans à notre quotidien : Où sommes-nous dans cette histoire ? Qui est pour nous celle ou celui dont nous préférerions passer au loin ? Qui est aujourd’hui notre samaritain ? Qui est pour nous l’ennemi dont nous prendrons soin ? Comment la réponse de ce docteur de la Loi vient-elle bousculer NOTRE justice ?

Je pense aux mots de Martin Luther King : « L'obscurité ne peut pas chasser l'obscurité ; seule la lumière le peut. La haine ne peut pas chasser la haine ; seul l'amour le peut. »

Jésus lui dit : « Va et, toi aussi, fais de même. »

Un tel retournement a sans doute été rendu possible par cette courte histoire, bien mieux que par un long discours. On l’a bien entendu. Qui est mon prochain est devenu qui a été le prochain ! Jésus inverse la question comme il renverse les rôles.

Le prochain est devenu toute personne humaine, l’un ou l’une d’entre nous, qui s’approche d’autrui avec tolérance et compassion, même quand autrui est étranger ou indésirable... Mais pour cela il faut se faire proche en humanité et distant envers les classifications, les déshumanisations, les malédictions de notre monde moderne auxquelles certains espèrent nous voir adhérer !

Hannah Arendt écrivait : « La mort de l'empathie humaine est l'un des premiers signes et le plus révélateur d'une culture sur le point de sombrer dans la barbarie. »

Que Dieu nous en garde ! Amen





dimanche 25 mai 2025

Jésus, que ma joie demeure...

Ai-je encore faim ? Suis-je rassasié ? Je me souviens d’un petit exercice pour répondre à la question. Il s’agissait d’un tableau aidant à observer notre faim et notre satiété. Il comportait une échelle allant de je n’ai pas faim jusqu’à je suis affamé ! Et de même pour la satiété : de j’ai trop peu mangé, en passant par j’ai assez mangé, jusqu’à j’ai beaucoup trop mangé !

Et le but de cet exercice ? Apprendre à être à l’écoute de notre faim réelle plutôt que de nos envies, reconnaître quand on est rassasié ou que l’on peut encore manger. Cet apprentissage n’est pas inutile dans un environnement où l’on nous propose de la nourriture à chaque coin de rue et où l’on pourrait manger toutes les dix minutes !

Prédication offerte à l’assemblée paroissiale de Forel. Textes bibliques du jour : Esaïe 55, 1 Jean 4, Evangile selon Jean, 16, 16 à 24.

Un tel exercice sur la réalité de nos besoins physiques n’est pas sans intérêt non plus quant à nos besoins spirituels. À l’écoute du texte d’Esaïe, nous sommes invités à manger des mets savoureux, à étancher notre soif… sans en payer le prix, c’est offert !

Connaître ses besoins, c’est d’autant plus nécessaire que l’offre du Seigneur est très généreuse. Elle n’a rien à voir avec une publicité mensongère – A quoi bon dépenser votre argent pour ce qui ne nourrit pas . C’est une offre sans arrière-pensée, une offre de qualité, savoureuse, désintéressée – sans argent,  sans paiement du vin et du lait.

On va se régaler, bien sûr… mais comme pour la santé de nos aliments physiques, on peut passer à côté de la santé de nos aliments spirituels, travailler pour ce qui ne rassasie pas ! Et la clé d’Esaïe, comme dans notre échelle de faim et satiété, la clé est dans l’écoute de nos besoins réels en Dieu – Ecoutez donc… venez vers moi, écoutez et vous vivrez. (2-3)

Et l’invitation a son importance. Plutarque l’écrivait à sa manière : Le commencement de bien vivre, c’est de bien écouter.

Ecouter nos besoins réels ? Fort bien, mais est-ce si facile d’avoir une bonne écoute ?

Et il y a une difficulté supplémentaire. C’est que les bienfaits de David, que l’on peut interpréter, à la lumière des Evangiles, comme les bienfaits du Royaume des cieux, nous sont accordés généreusement, on peut même dire : avec une générosité déraisonnable… elle est sans limite !

Dans le « Royaume des cieux du Fils de David », la bonté du Père n’est pas donnée dans un de ces petits gobelets à rainures, que l’on utilise en cuisine, pour connaitre le contenu de la recette. Les dons du Christ n’ont pas de « mesurette » : « Demandez, on vous donnera ; cherchez, vous trouverez ; frappez, on vous ouvrira. En effet, quiconque demande reçoit, qui cherche trouve, à qui frappe, on ouvrira. » (Mt 7, 7-8)

Mais si l’on commettait une erreur ? Eh bien, tant pis – ou plutôt tant mieux ! Ce sera l’occasion de vivre les mots de la première lettre de Jean, que nous avons entendu tout à l’heure dans la prière d’humilité : il y a plus d’amour que de condamnation dans le cœur du Père ! (1 Jn 3,20)

Dieu plus grand que notre cœur qui nous accuse… comme cela préparait bien son cri du cœur : Le parfait amour jette dehors la peur ! (18) Vivre la bonne Nouvelle du Christ dans sa généreuse liberté ne doit pas nous remplir d’inquiétude, au contraire : la grâce de Dieu – et c’est dit sans ménagement – eh, bien, la grâce de Dieu la jette dehors, la peur !

Notre paix est d’avoir trouvé une bonne maison et d’y demeurer : Dieu demeure en nous, et nous en Dieu. (15) Qui ne désirerait pas habiter une jolie demeure ? Demeurer, le mot vient simplement de se tenir en sa maison, mais aussi de rester auprès de quelqu’un. En Christ, nous habitons une maison large et sûre. En Christ, nous habitons une demeure simple et lumineuse, chaleureuse et généreuse dans l’accueil de notre prochain. En Christ, notre avenir est serein parce qu’il y demeure avec nous.

Une maison sûre, un avenir serein… alors quoi : c’est la « Dolce Vita » ? Pas vraiment comme la quête infructueuse d’amour et de bonheur que le film de Fellini décrit, ni comme un « farniente », une douce paresse oisive…

En réalité, mieux que ça car, personne ne l’ignore, les jours peuvent être mauvais ! Dans l’Evangile de Jean que nous lisons, Jésus parle d’affliction, de deuil, mais aussi d’un « se revoir », d’un cœur qui va se réjouir, et d’une joie que rien ni personne ne pourra nous enlever !

C’est le dernier soir avant sa Passion, c’est le soir de tous les espoirs et de tous les dangers, c’est le soir des dernières paroles à ses disciples, c’est aussi le soir où Jésus provoque leur incompréhension. : « Qu'a-t-il voulu nous dire… nous ne comprenons pas ce qu'il veut dire ! » (17-18)

On pourrait regretter la perplexité des disciples, mais chercher le sens des paroles du Christ, ça devrait être une évidence et pas un étonnement : leur incompréhension n’est-elle d’ailleurs pas aussi la nôtre ? « Qu'a-t-il voulu nous dire ? » N’est-ce pas le meilleur commencement pour discerner le sens des paroles du Christ ? Ce sera toujours mieux que la trompeuse assurance qu’on a tout compris de lui !

Les disciples passeront de l’incompréhension à la foi, et nous avec eux. Désormais ils ne verront Jésus plus en vision, mais ils le verront en communion, et nous avec eux ! La joie de la Fête de la Pâque ne nous quitte jamais. Non : on ne plie pas le décor après la fête. Et oui : la joie du Christ demeure au-delà du calendrier liturgique une fois passé ! Et cette joie, nul ne nous la ravira. (22)



Photo: Eric Imseng


Le baptême du Christ... plus de grâce que de condamnation ! (Une republication de l'été)

Connaissez-vous le film «  Le Retour de Martin Guerre »  ? Inspiré d’une histoire vraie. Après une absence de plusieurs années, un paysan re...