Arrivée sur le chant populaire : « Te voici, vigneron », 1 min. puis chuinter après quelques minutes… Mesdames, Messieurs, chers estimés – et estimées – collègues de notre Fédération vaudoise vigneronne, section de Lavaux, je vous salue.
Ce n’est un secret pour personne : nous avons le privilège d’œuvrer aux travaux de la vigne dans ce magnifique écrin de lumière et son admirable panorama ; hommes et femmes associés, car on ignore plus la qualité des vins dont sont capable nos vigneronnes, par ici !
Prédication offerte à l’assemblée paroissiale de Lutry, dans une « prédication en JE ». C’est une forme qui fait place à un personnage ou un objet témoin qui se trouve ou non dans le texte biblique que nous lisons. Le projet est de donner à la prédication un relief particulier du fait de cette « mise en scène » – un peu théâtrale…
La vigne n’est pas d’hier… vous avez pu vous en rendre compte à la lecture des textes bibliques qui accompagnaient l’invitation à vous joindre à notre réunion. Vous n’ignorez pas non plus que, quand la vigne m’en laisse le temps, j’aime à méditer les Ecritures.
Et comment ne pas être ému par ce magnifique poème du bien-aimé et de sa vigne. Hélas : les histoires d’amour finissent mal, en général… comme dit la chanson. Ce chant d’amour est celui d’une espérance déçue, et il se conclue dans la désolation !
Nous savons tous combien notre ouvrage, malgré nos soins et notre compétence, peut être fragile. Et nous pouvons partager la déception du vigneron d’Esaïe : Il en attendait de beaux raisins, il n'en eut que de mauvais. (2)
Si la vigne est une réalité quotidienne pour nous, pour Esaïe, la vigne est une image… pour parler de la relation de Dieu avec son peuple. Et à cet instant, elle est décevante et produit de l’irritation. Mais avec ou sans vigne, n’en est-il pas de même pour nous : combien de soins portés à nos relations, combien d’affections entretenus avec nos proches ou lointains, nous ont-ils déçus ?
La vigne peut être saccagée par la nature, mais elle l’est plus encore par les lois injustes du marché, les exigences cupides de profit, et tous cela nous donne bien du tourment… Mais il y a aussi le saccage de nos amours, de nos amitiés, de nos liens, par des lois tout aussi nocives que l’on doit principalement à la dureté de notre cœur.
La conclusion d’Esaïe en dit la douleur : « Il en attendait le droit, et c'est l'injustice. Il en attendait la justice, et il ne trouve que les cris des malheureux. » (7) Une telle désolation va bien au-delà des regrets que j’ai pu avoir dans mes travaux de la vigne. Comment ne pas penser à notre actualité ? Comment ne pas regretter de voir la patience et la fraternité dans nos liens avec autrui… être de plus en plus laissé à l’abandon ? Mais faut-il renoncer à tout espoir pour autant ?
Les travaux de la vigne sont exigeants : la taille, l’ébourgeonnage, l’effeuillage, et enfin les vendanges… Pour autant que les éléments naturels ne fichent pas tout par terre ! Dans notre métier, il ne faut pas craindre le dur labeur, ni manquer de patience, avoir de la passion pour son ouvrage et le faire avec soin
Essentiel aussi, il faut pourvoir compter sur de bons ouvriers… Pas des bracaillons, comme on dit chez nous, des ouvriers peu soigneux ou maladroits. Ces gâche métier sont parfois si malhabiles que l’on se demande bien s’ils ont des yeux pour voir…
Tiens, nous y revoilà : les mots de Jésus que nous avons lus tout à l’heure : « Un aveugle peut-il guider un aveugle ? Ne tomberont-ils pas tous les deux dans un trou ? » (39) Quelle efficacité du rabbi de Nazareth : en quelques mots, dire à quel point nous pouvons manquer de bon sens…
Alors comment y voir clair ? Comment prendre soin de sa vigne ? Et plus encore de son prochain ? Mais il y a plus grave que d’être non voyant physiquement, à savoir être aveugle spirituellement : « Qu'as-tu à regarder la paille qui est dans l'œil de ton frère ? Et la poutre qui est dans ton œil à toi, tu ne la remarques pas ? (41)
Si j’entends bien, Jésus s’adresse à qui PEUT voir, mais qui a dans son œil quelque chose qui l’en empêchent. Et pas peu de chose : une poutre dans l’œil ! Vous imaginez l’énormité de la chose… et il y a plus énorme encore : c’est que cet œil du frère (ou de la sœur) qui semble poser tant de problèmes… ce n’est pourtant qu’une paille ! Dans nos relations, nous pouvons être aveuglé par notre suffisance, notre vanité à savoir mieux que quiconque ce qui est bien pour lui, ce qu’il doit penser, dire, faire, changer… croire ?
Jésus a eu, lui aussi, ses bracaillons : ils les nomment Pharisiens. Leur aveuglement à eux est de se perdre dans les méandres de la Loi au lieu de voir l’essentiel de la miséricorde du Père : « Guides aveugles, vous filtrez le moucheron mais vous avalez le chameau ! (Mt 23, 24-28) Comme il y va ! Mais que dire d’autre à des exigences et autres bons conseils qui ne mèneront nulle part … sauf au fond du trou ?
Parce que l’enjeu ici est bien de prendre soin de cette vigne qui n’est autre que la vie de Dieu en notre prochain. A ne pas négliger absolument, car notre ignorance, notre cécité, peut coûter cher !
Mais alors, cet « homme au jugement perverti » (42) peut-il être guéri de sa cécité ? Jésus parle aussi du « vrai disciple », du bon ouvrier du Christ ! D’un arbre qui produira de bons fruits et un trésor dont on recevra du bien ! Et un homme bon qui tirera de son cœur le bien ! Mais comment être « bon » comme un disciple, sans être « vaniteux » comme un pharisien ? Qui est ce disciple « bien formé comme son maître » (41), comment travailler avec le Christ et non contre lui ?
En reconnaissant que nous sommes aveugles, nous les premiers, que nous avons besoin de recevoir de lui, nous les premiers, la clarté de son Evangile, par grâce et non par mérite. Ce sont les vertus du Christ qui nous rendent aptes à prendre soin d’autrui… et peut-être, si nécessaire, de lui ôter la paille qui est dans son œil.
« Un homme avait un figuier planté dans sa vigne » (Lc 13,9ss). Dans ce même Evangile, Jésus raconte aussi SA parabole du bien-aimé et de sa vigne. Lui aussi décrit l’insuffisance du figuier, mais au « Coupe-le. Pourquoi faut-il encore qu'il épuise la terre ? » (13,7) de SON vigneron, Jésus fait dire au propriétaire de la vigne : « Laisse-le encore cette année, le temps que je bêche tout autour et que je mette du fumier. Peut-être donnera-t-il du fruit à l'avenir. Sinon, tu le couperas.” » (8)
Jésus dit une parabole de la patience et de l’amour. Il dit une parabole des soins qu’il sait nous donner et qui doivent inspirés les nôtres envers notre prochain. Il nous gardera ainsi d’un zèle amer et stérile… « Car il faut de l'espoir chez celui qui laboure, et celui qui foule le grain doit avoir l'espoir d'en recevoir sa part. (1 Co 9), conclut la lettre de Paul aux Corinthiens.
Et cet espoir est dans le Christ. Que ce soit la vigne ou le figuier, que nous nous reconnaissions aveugles ou enfin voyant, que les circonstances ou nos relations soient favorables ou non, vivons et travaillons avec l’espoir que tôt ou tard… ça va payer !
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