Puisque ce culte est celui du « Dimanche missionnaire » et que, le département missionnaire, le DM, a choisi de mette un accent particulier sur le dialogue interreligieux avec l’Islam, pourrions-nous trouver dans le texte de Jn 4 une inspiration sur comment entrer en dialogue avec celle ou celui qui ne croit pas comme nous ? Comment cette parole au bord d’un puits peut-elle nous éclairer ? Assurément, de bien des manières… Et, nous allons le voir, à la manière de Jésus de Nazareth.
Nous sommes en plein midi, c’est l’heure la plus chaude du jour, une heure où l’on cherche à se tenir à l’ombre pour un peu de fraîcheur, plutôt qu’en plein soleil !
Prédication offerte à l'assemblée paroissiale de Belmont-Lutry, pour le "Dimanche missionnaire" du DM. Textes du jour: Evangile de Jean au chapitre 4; Esaïe 44,1-5
Et on peut dire qu’il y avait du beau monde autour de ce puits… A commencer par Jésus bien sûr mais, pour les besoins de la narration, il n’est pour l’instant qu’un juif, exténué, assis au bord du puits (6)
Avec lui, est encore présent, dans la mémoire, Jacob le patriarche, car le sol où se trouve ce puits qui porte son nom, il l’a acquis pour cent pièces d’argent aux fils d’Hamor, à son retour sain et sauf de sa fuite devant Laban. Et le texte de la Genèse note que Jacob y érigea même un autel qu’il nomma « El, Dieu d’Israël » (Gn 33,18-20)
Notre passage d’Evangile précise à son tour que, sur cette terre, les os de Joseph y reposent. Joseph l’a reçu en héritage de son père Jacob, comme une part de choix (Jn 4 7-9, cf. Gn 48,21-22). Des ossements de Joseph qui furent ramenés d’Egypte lors de la libération de l’exode sous la conduite de Moïse…
Jacob, Joseph, Moïse… Autant de mémoires prestigieuses qui habitent ce lieu. Autant de valeurs spirituelles, héritées de l’histoire et de la foi d’Israël, désormais dans une terre étrangère, parmi un peuple méprisé…
Bien sûr, les tourments de l’histoire ont attribué cette terre aux Samaritains dans les circonstances tragiques de l’exil. Bien sûr, leur vie et leur choix, les ont éloignés de la foi et du Temple d’Israël, mais les mépriser fut sans doute la plus mauvaise réponse à leur adresser ?
Le thème du culte de ce matin, nous appel à renoncer au mépris dans notre dialogue avec d’autres religions, à entendre les valeurs qui s’y vivent, là où nous pensions qu’il ne pouvait en avoir. Nous sommes exhortés d’accueillir le fait que des croyant qui ne vive pas leur foi comme nous pourraient bien nous apporter quelque chose de cette eau de Dieu dont nous parlions tout à l’heure.
Une source jaillissante au fond d’un puits profond… C’est le moment de revenir au bord de ce puits pour écouter le messie d’Israël rencontrer une femme méprisée justement, non seulement à cause de sa foi, mais encore par la conduite de son existence. Jésus s’est assis au bord de ce puits, comme pour s’assoir auprès de la vie d’une personne. Avec elle, à son écoute, ils vont « creuser leur puits ».
« Donne-moi à boire… » (7) Une demande qui peut surprendre. Le verbe de Dieu, le Logos (Jn 1,1), non seulement est fatigué, mais il a soif, et il ne peut y satisfaire lui-même… C’est une intention de cet Evangile de ne pas ignorer l’humanité du Christ, car le « Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous » (1,14). Mais il ne s’agissait pas pour lui de venir parader parmi nous et nous éblouir de son origine… Sa présence vient nous révéler l’amour du Père et dire sa solidarité avec la valeur de notre humanité. Christian de Chergé, encore lui, l’a dit en quelques mots, admirables : « Et le Verbe s’est fait frère. »
Dans ce puits, il y de l’eau, et c’est par elle qu’un premier malentendu a lieu entre Jésus et la Samaritaine. A la demande de Jésus, elle s’étonne : « Comment toi un juif tu me demande à boire ? » (9) Et le texte précise qu’un juif « normal » n’aurait jamais fait une telle demande !
Avec la question qui nous préoccupe ce matin, nous pouvons dire : et pourquoi pas ? Pourquoi ne pas goûter et cultiver une soif de la vie d’autrui, de ses coutumes, de sa foi, de sa religion… ? Pourquoi ne pas goûter de l’eau de Dieu qui viendrait d’une autre foi ? Et s’il-vous plaît… ne me dites pas : « Une autre fois ! »
Dans le proche Orient d’alors, l’eau est un bien très précieux. Mais l’est-elle moins aujourd’hui pour nous ? On peut vivre 30 jours sans manger… Mais pas plus de 3 jours sans boire ! Alors, peut-être pourrions-nous ce matin envisager qu’il y a quelque chose de vital pour notre propre foi à goûter à la foi d’autrui ?
Mais Jésus poursuit : « Si tu connaissais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : “Donne-moi à boire”, c'est toi qui aurais demandé et il t'aurait donné de l'eau vive. » (10)
Le malentendu vient du sens littéral de l’eau, entendu par la femme, et le sens spirituel auquel pense Jésus. Dans la tradition biblique, un langage symbolique de l’eau, n’est pas nouveau : l’eau est la vie (Es 12,3 ; Jr 2,13 ; 17,13), mais c’est aussi la Loi ou même l’Esprit (Es 44,3 ; Jl 3,1).
Dans notre Evangile, Jésus ne parle pas d’une eau courante, comme nous en avons aujourd’hui dans nos foyers, il parle du don de l’Esprit (cf. 7,38-39). Il rappelle et accomplit la promesse que nous lisions tout à l’heure dans Es 44,3 : Car je répandrai des eaux sur l'assoiffé, des ruissellements sur la desséchée ; je répandrai mon Esprit sur ta descendance, ma bénédiction sur tes rejetons. L’Esprit Saint est le véritable sujet de l’eau que Jésus promet !
La vraie adoration? Mais… qui a tort ? Qui a raison ? Nos pères ont adoré sur cette montagne et vous, vous affirmez qu'à Jérusalem se trouve le lieu où il faut adorer. » (20) Un malentendu encore, auquel Jésus va faire mieux que répondre.
21« Crois-moi, femme, l'heure vient où ce n'est ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père. (…) 23 Mais l'heure vient, elle est là, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité... Cette heure qui vient et qui est là rend désuètes toutes les querelles à venir entre juifs et Samaritains de « tous poils »… Cette heure qui vient et qui est là, vide de toute pertinence la question d’une prédominance d’un lieu pour adorer Dieu. Sa parole nous contraint à quitter la pierre pour le souffle. Pour marcher avec confiance dans le Souffle de l’Esprit.
« Il n’y a pas de terre sainte, écrivait Jean-Yves Leloup, c’est la manière que nous avons de marcher sur cette terre qui la rend sainte » La vraie manière de croire à fait couler beaucoup d’encre vaine et parfois, à notre honte, beaucoup de sang !
Adorer le Père en Esprit et en vérité n’est pas le fait de l’esprit humain qui ne produit en général qu’exclusions, banalités ou interdits, avec son vocabulaire grecque de pacotille : Yfô, Yfôpà ; Yaka, Yakapa, Yavèkapà…. Etc. !
Si … Dieu est esprit ... et qu’il faille l’adorer… En esprit et en vérité. » (24), alors, profitons pleinement de cette heure qui vient et qui est là : goûtons constamment à l’eau de Dieu que le Christ nous offre généreusement, laissons sa source jaillissante nous emporter vers des terres est des rencontres inattendues.
Amen.
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