jeudi 14 octobre 2021

Jacob au Yabboq, une bénédiction (3)

Je continue cette série d'articles, inspirés d'un travail de recherche en théologie pratique (lors de ma formation continue) sur le thème de la bénédiction. J'y réfléchis au lien que ce texte de la Genèse - Le passage du Yabboq - et son étonnante bénédiction, peut entretenir avec ma pratique de l'accompagnement spirituel des personnes détenues.

Avant d'aborder le vif du sujet, il m'a fallu encore présenter le contexte de ce récit ce que j'ai choisi de faire en le structurant avec le thème de la nuit qui occupe une place significative dans l'ensemble de cet épisode. 

Ainsi donc, encore un peu de patience… Ce récit est si riche de signification et de spiritualité ! Je pense, que cela en vaut la peine.

Et je vous rappelle la référence du texte que je travaille : Livre de la Genèse, 32, 23-33. Le passage du Yabboq (Traduction Œcuménique de la Bible).

Les nuits de Jacob

1.       Une nuit, vingt ans plus tôt.

Les « messagers de Dieu » de notre épisode me rappellent ceux que Jacob a vu lors de sa fuite vers Harrân. (Gn 28,10ss cf. 31,38). Lors de cette nuit, endormi au pied de la « maison de Dieu », Jacob fait un songe étonnant et entend une parole du Seigneur. Il vaut la peine de rappeler qu’elle lui confirmait la promesse de l’héritage d’Abraham : une terre et une nombreuse descendance auxquelles s’ajoutait une bénédiction pour toutes les familles de la terre, et un engagement indéfectible du SEIGNEUR à être avec lui partout où il ira, jusqu’au plein accomplissement de la Parole de Dieu (28,13-15). D’ailleurs, au cœur de la crise qu’il traverse au Yabboq, Jacob invoquera cette parole du Seigneur dans sa prière de supplication (32,10-14)

Cette promesse d’une descendance pareille à la poussière de la terre accordée à Jacob et cette bénédiction pour toutes les familles de la terre à travers lui, est un « à venir » qui nous concernera également par les vertus de son accomplissement en Christ.

2.       Une nuit … apaisée.

Jacob qui a pris la fuite, bien que celle-ci ait été ordonnée par une parole du Seigneur (31,3), est poursuivi par Laban accompagné de ces « frères », c’est-à-dire son clan et sa famille. Ils rejoignent le campement de Jacob. Il s’ensuit un échange très tendu entre Jacob et son beau-père. Mais les propos de Jacob apaisent Laban qui propose un nouvel accord, puis tous passent une nuit « dans la montagne » (Voir Gn 31,51-54). Laban paraît être tout à fait apaisé, embrassant sa descendance et la bénissant avant de retourner dans son pays (32,1).

Au sujet de la bénédiction, en voici une qui clos une querelle, comme une bénédiction, comme un signe d’apaisement après un conflit. Cette nuit paisible offre une pause à la narration en laissant Jacob souffler un peu avant la nuit suivante qui sera éprouvante, intense et décisive.

Je trouve intéressant de relever que cet épisode de Gn 32, après celui de Gn 28, nous présente un Jacob ayant fui deux fois : son frère Esaü tout d’abord, et ici son oncle Laban. Mais cette fois-ci, Jacob devra « faire face », et ce ne sera pas n’importe quel vis-à-vis qu’il va affronter, mais… « la face de Dieu » (32,31).

3.       Une nuit … agitée.

Jacob, qui s’est dégagé de l’emprise de son oncle, va maintenant affronter son frère Esaü qu’il a laissé vingt ans plus tôt dans la fureur et un sourd désir de vengeance (27,41). C’est vers une nuit agitée que Jacob se dirige (14), mais pour l’instant, il poursuit sa route quand surviennent « des messagers de Dieu » ! Cette mention m’a surpris par sa brièveté et d’ailleurs elle semble surprendre également Jacob, car, en les voyant, il s’écrie « C’est un camp de Dieu ! » (32,2)

Il y a ici comme une préface à ce qui va suivre. Mais que peut signifier cet expression « camp de Dieu » ? Serait-ce qu’un Dieu nomade rejoindrait ce camp de bédouins ? Y aurait-il ici un signe annonçant l’identité de cet « homme » mystérieux qui affrontera tout à l’heure Jacob ? Dans tous les cas, je pense qu’elle induit le mystère d’une présence surnaturelle et donne en effet un indice de l’identité de l’agresseur qui va surprendre Jacob.

Ce « campement de Dieu » survenant près de Jacob m’évoque aussi « la tente » que le Verbe qui s’est fait chair est venu dresser parmi nous (Jn 1,14). Et c’est dans la première lettre de Jean qu’E. Parmentier retrouve également cette annonce de son « campement parmi nous » : « La Parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité ; et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme celle du Fils unique venu du Père. » (1 Jn 1,14)

Ces deux références bibliques font un pont entre l’identité masquée de « l’homme »[1] et cette présence glorieuse du Fils, emplie de grâce et vérité, mais invisible sans les yeux de la foi. E. Parmentier parle de « gloire paradoxale »[2] que les puissants ne seront pas contraints de reconnaître, mais chacun devra affronter la crise auquel le Messie soumet « tous les pouvoirs. »[3] Dans les pages de la Genèse que nous lisons, c’est à Jacob, patriarche en fuite et dans l’angoisse de la mort, de traverser cette crise. Elle ne remet pas forcément un pouvoir temporel en question, mais bien un autre pouvoir dont Jacob a usé et abusé : celui de contrôler par ruse…

4.       Le soleil se levait…

Il se lève sur la fin des nuits de Jacob. Cette mention d’un soleil levant n’est pas fortuite à mon sens. Je vois dans cet astre du jour qui se lève, après cette nuit de lutte, un jour nouveau pour l’avenir de Jacob. Ce soleil qui vient baigner le patriarche de sa lumière bienfaisante, désormais Israël, est d’ailleurs commenté par T. Römer comme un « symbole du renouvellement de la vie ou de l’intervention salutaire de Dieu ».[4]

La lutte qu’il vient de vivre et de remporter, bien que blessé, lui accorde deux signes. L’un, spirituel : un nom nouveau qui fait de Jacob le Père d’un peuple universel. Et un signe visible dans son corps : « Il boitait de la hanche. » (32,32). Le premier pour la descendance à venir et le second comme… un secret gardé entre les deux adversaires ? Une question que m’a soufflé la discrétion accordée à cette blessure : on en reparle quasi plus, excepté dans la mention des prescriptions alimentaires, qui sont d’ailleurs tout aussi discrètes dans les autres livres bibliques.

Pour le moment, ce soleil qui se lève introduit à une étape nouvelle pour un homme affaiblit qui a craint pour sa vie. Un soleil qui continuera de se lever jusqu’à l’accomplissement de ce salut pour toutes les nations, et que célébrera le prêtre Zacharie : « …Il fera briller sur nous une lumière d’en haut, semblable à celle du soleil levant, pour éclairer ceux qui se trouvent dans la nuit et dans l’ombre de la mort, pour diriger nos pas sur le chemin de la paix. » (Lc 1,78-79)



[1] Dans le cours de l’étude, j’ai choisi de présenter ce personnage énigmatique par la traduction de la TOB : « un homme ».
[2] E. Parmentier, Notes de cours – UniGE : Jésus Christ bénisseur et bénédiction de Dieu, 2021.
[3] E. Parmentier, Notes de cours – UniGE : Jésus Christ bénisseur et bénédiction de Dieu, 2021.
[4] Thomas Römer, L’Ancien Testament commenté, La Genèse, Labor et Fides et Bayard, 2016.



mardi 12 octobre 2021

Jacob au Yabboq, une bénédiction (2)

Je continue cette série d'articles, inspirés d'un travail de recherche en théologie pratique (lors de ma formation continue) sur le thème de la bénédiction. J'y réfléchis au lien que ce texte de la Genèse - Le passage du Yabboq - et son étonnante bénédiction, peut entretenir avec ma pratique de l'accompagnement spirituel des personnes détenues.

Mais auparavant, je poursuis la présentation de mon projet d'étude, en particulier sur le contexte géographique. Et je vous rappelle la référence du texte que je travaille : Livre de la Genèse, 32, 23-33. Le passage du Yabboq (Traduction Œcuménique de la Bible).

A.    "... et il passa le gué du Yabboq."

Ces quelques mots introduisent la géographie de l’épisode. Comme on peut le voir sur la carte ci-contre, le Yabboq est un affluent qui se trouve sur la rive orientale de la Vallée du Jourdain.

Nous sommes à peu près à mi-chemin entre le lac de Kinnereth et la mer salée. Ainsi, ce passage entre deux eaux, nous offrirait-il une petite note symbolique ? Jacob se situerait-il dans un espace de transition, entre vie et mort, entre une source d’eau vive et une réservoir d’eau morte, entre un lieu qui transmet la vie et un autre qui fait mourir ?

Sur le seuil de ce récit, nous retournons sur le passé de Jacob : en particulier, sa fuite à Harrân, chez son oncle Laban, pour échapper à son frère Esaü. Après avoir acquis par ruse le rang de son frère aîné, puis usurpé son identité pour obtenir la bénédiction de son père, Isaac, il a fallu trouver un refuge pour échapper à des représailles (Gn 27 – 28). Notre épisode se situe lors de l’arrivée de Jacob sur la terre qu’il a quittée vingt ans plus tôt.

Jacob ne nomme pas lui-même ce lieu, comme nous le verrons en d’autres circonstances : il est donné par le rédacteur : le gué du Yabboq. D’après ce que j’ai pu observer sur les cartes, il indique un passage autorisé permettant une entrée aisée sur le territoire pour une caravane aussi importante que celle du clan de Jacob.

Mais il y a également une portée symbolique qu’E. Parmentier signale[1] : « Yabboq représentant à la fois un passage symbolique et territorial, de la terre étrangère à la patrie. » Ainsi le lieu choisi n’est pas un hasard, que ce soit par le sens de « se battre », auquel s’ajoute la signification du nom de Jacob « le talonneur » et son nom nouveau « Dieu se montre fort »[2], c’est tout un programme qui s’ouvre devant nous… Mais alors que Jacob craint les représailles de son frère Esaü, c’est vers un tout autre combat qu’il se dirige !

L’intention première de ce récit me paraît être de donner une profondeur spirituelle et un sens religieux à l’avenir de l’Alliance avec Yahvé : Jacob va devenir Israël, prendre sa part de l’héritage des promesses faites à Abraham. Le « talonneur », dont la force était de saisir par la ruse, va devenir « le lutteur », dont la force sera celle d’avoir été « blessé mais vainqueur »[3]. En revenant sur sa terre, Jacob reviendrait-il sur « les lieux du crime », vers le lieu d’une bénédiction « usurpée » pour en obtenir une « à la loyale. » ? C’est à voir …

Quelques mots sur le contenu de cette étude. Il y a des choix que l’on fait sans penser à ce qu’ils pourraient nous coûter d’efforts… et de lutte ! Celle d’avoir choisi le récit de la lutte de Jacob m’en a coûté passablement ! Ce récit a tant d’intensité et de richesses spirituelles qu’il a été douloureux de n’en choisir que quelques-unes. J’ai voulu présenter tout d’abord le récit et son contexte avant d’aborder deux points en lien avec ma pratique de l’accompagnement spirituel auprès des personnes détenues. La poussière, comme un lieu de notre humanité, puis le nom comme un espace de notre vocation, avant de conclure par ce que peut signifier le vécu de cette expérience spirituelle.

J’aimerais encore remercier ma compagne, Elisabeth, dont le joyeux bon sens m’a souvent tiré d’affaire dans les méandres de mes réflexions touffues, et en particulier, pour ses relectures attentives des différentes versions de mon texte.


[1] Elisabeth Parmentier, Notes de cours – UniGE
[2] Les expressions sont d’E. Parmentier (Notes de cours – UniGE)
[3] Les expressions sont d’E. Parmentier (Notes de cours – UniGE)



dimanche 10 octobre 2021

Jacob au Yabboq, une bénédiction (1)

J'ouvre, avec cette première publication, une série d'articles, inspirés d'un travail de recherche en théologie pratique (lors de ma formation continue) sur le thème de la bénédiction.

J'y réfléchis au lien que ce texte de la Genèse - Le passage du Yabboq - et son étonnante bénédiction, peut entretenir avec ma pratique de l'accompagnement spirituel des personnes détenues.

Ici, le texte biblique et une courte introduction.

Livre de la Genèse : 32, 23-33 (Traduction Œcuménique de la Bible)

Le passage du Yabboq

23Cette même nuit, il se leva, prit ses deux femmes, ses deux servantes, ses onze enfants, et il passa le gué du Yabboq.

24Il les prit et leur fit passer le torrent, puis il fit passer ce qui lui appartenait,

25et Jacob resta seul. Un homme se roula avec lui dans la poussière jusqu’au lever de l’aurore.

26Il vit qu’il ne pouvait l’emporter sur lui, il heurta Jacob à la courbe du fémur qui se déboîta alors qu’il roulait avec lui dans la poussière.

27Il lui dit : « Laisse-moi car l’aurore s’est levée. » – « Je ne te laisserai pas, répondit-il, que tu ne m’aies béni. »

28Il lui dit : « Quel est ton nom ? » – « Jacob », répondit-il.

29Il reprit : « On ne t’appellera plus Jacob, mais Israël, car tu as lutté avec Dieu et avec les hommes et tu l’as emporté. »

30Jacob lui demanda : « De grâce, indique-moi ton nom. » – « Et pourquoi, dit-il, me demandes-tu mon nom ? » Là même, il le bénit.

31Jacob appela ce lieu Peniel – c’est-à-dire Face-de-Dieu – car « j’ai vu Dieu face à face et ma vie a été sauve ».

32Le soleil se levait quand il passa Penouël. Il boitait de la hanche.

33C’est pourquoi les fils d’Israël ne mangent pas le muscle de la cuisse qui est à la courbe du fémur, aujourd’hui encore. Il avait en effet heurté Jacob à la courbe du fémur, au muscle de la cuisse.

Le récit dit « la lutte de Jacob avec l’ange » a inspiré de nombreux artistes, en particulier dans la peinture. J’ai choisi l’œuvre d’Arcabas pour l’illustrer. Il y a comme une inversion des rôles par rapport au récit : la force de Jacob et la brutalité de l’ange sont transformés en une étreinte de tendresse ! Et au cœur de cette étreinte, un Jacob nu, marqué à la hanche par un hématome, comme un signe plutôt qu’une blessure.

Cette nudité de Jacob me parle de vulnérabilité, pas immédiatement lisible dans cet épisode, mais que l’on perçoit dans les lignes qui le précède (et d’autres épisodes avant lui). Je garde cette représentation de la tendresse d’un Dieu « caché dans un ange » et de cette vulnérabilité de Jacob luttant pour son avenir.

Si Arcabas a pris sa liberté par rapport à ce récit, je prendrai la mienne en le laissant parler à ma pratique de l’accompagnement spirituel des personnes détenues.



Jean-Marie Pirot, plus connu sous le nom d'Arcabas, est un peintre et sculpteur français reconnu en France et à l'étranger pour son importante production dans le domaine de l'art sacré contemporain.

samedi 18 septembre 2021

Je te vois mourir sur cette croix (Dernière republication de l'été)

(2 avril 2021)

Je te vois mourir sur cette croix.

Combien d’images, d’objets, de scènes peintes… te figent, te dépeignent, te crient ainsi ?

Sur ce bois d’humiliation, je te vois, te laissant engloutir dans la mort.

Mais combien de regards te verront, en cet instant, engloutir toutes nos morts ?

Qui saisira, dans ton abandon souffrant, ta main nous saisissant ?

Abandonné, souffrant, mourant, tu n’es pas devant nous mais en nous, comme nous sommes en toi, abandonnés, souffrants, mourants.

À l’impossible question « Où es Dieu dans les souffrances injustes du monde » ? Tu réponds : « Je suis là, en toi. »

Je me souviens des mots d’Élie Wiesel. Près d’une potence d’Auschwitz, lors d’une exécution par pendaison, un enfant agonisait sans fin… Un des prisonniers, contraint d’y assister avec lui, s’écriait : « Mais où est Dieu ? » Et Élie Wiesel de répondre : « … je sentais en moi une voix qui lui répondait :  Où il est ? Le voici : il est pendu ici, à cette potence ! »

Tu es là, pendu au bois.

A chaque instant de ma souffrance ou lorsque je dois la regarder en face, je te sais en moi.

Tu es là, reconnaissant ce vivre de douleur et d’accablement et le fécondant de ta faiblesse et ton amour.

Je suis là, au pied de ta croix, frappé par l’amertume du monde et te nommant : « Jésus, Fils de David, aie pitié de moi ! »

Tu es là, en croix, habitant la souffrance du monde et me répondant : « Moi je suis la lumière du monde. Celui qui me suit ne marchera pas dans l'obscurité, mais il aura la lumière de la vie. » (Jean 8,12)



vendredi 3 septembre 2021

Aimer sans mesure...

« Oh, Fix me » – écouter un extrait de ce chant gospel avec les détenus). Nous venons d’écouter un gospel très connu. Il exprime une demande faite à Jésus, pour recevoir une paix, un réconfort, dans un temps d’épreuve.


Cette demande est chantée avec un peu de mélancolie, mais elle est exprimée aussi avec la conviction que Jésus ne nous laissera pas tomber.


Une telle confiance ne vient pas de l'imagination ou d'un souhait pieux. Elle se fonde sur des gestes et des paroles de Jésus lui-même, en particulier dans ce passage de l'Evangile de Jean que nous venons de lire : Je suis le bon berger. Le bon berger est prêt à donner sa vie pour ses brebis (11)


Courte prédication offerte aux personnes détenues des prisons à Genève. Texte de L'Evangile : Jean, chapitre 10, versets 11 à 18.


L’image du berger pour parler de Dieu, conduisant et protégeant son peuple, existe déjà dans le Premier Testament. Dans l’Antiquité, elle désigne le roi comme protecteur de son peuple. Mais dans l’Évangile de Jean, elle désigne une relation étroite avec un berger courageux et généreux : Jésus !


Cette précision du bon berger a toute son importance : le berger est bon par le don, en particulier le don de sa vie. Au contraire de l'homme qui ne travaille que pour l'argent (et qui n'est qu'un mercenaire), Jésus, lui, va vivre sa vie sans jamais abandonner ses brebis, même si cela devait lui coûter la vie !


Mais ce don ne dit pas uniquement que Jésus va mourir, il parle de toute sa vie qui est un don généreux de soi, un don inspiré par l’amour du Père.


Un peu avant notre lecture, Jésus affirme que ses brebis Écoutent sa voix (4). Écouter la voix de Jésus ? Qui peut entendre aujourd’hui sa voix ? Seuls ceux qui étaient en Palestine lors de sa vie terrestres ont pu le vivre… Mais cette voix a un sens spirituel plus que le simple son d'une voix !


En somme, s’il est le berger, et nous ses brebis, c’est une manière de dire l’intimité et la confiance qui nous lient. Un autre mot serait que nous sommes ses disciples et que nous vivons proches de lui - attentifs à ses paroles et à son exemple.


Je suis le bon berger, je connais mes brebis et elles me connaissent (14). Connaître le bon berger et être connu de lui, c’est plus que savoir qu’il a existé, plus qu’avoir entendu parler de lui, c’est être des apprentis de Jésus… et se laisser inonder par sa parole qui peut se résumer ainsi : « Dieu est amour » (1 Jean 4,8)


Saint Augustin a écrit : La mesure de l’amour c’est d’aimer sans mesure.


Jésus, le bon berger, nous invite à la confiance et à la liberté. Il s’agit sans doute des deux intentions majeures de ce texte : être sans peur dans notre foi en Dieu et être libre dans notre amour envers lui ; libre d’aimer et d’être aimé.


Un amour qui nous inonde sans nous submerger. Un amour qui se reçoit et se donne sans attendre de récompense, mais la joie simple du don à cause du bon berger, en se souvenant que, pour ce qui est de l’amour, Jésus est notre exemple le plus inspirant : « doux et humble de cœur. » (Matthieu 11,29).




lundi 30 août 2021

« Voulez-vous un café ? Servez-vous en biscuits ! » (Republication de l'été)

(22 janvier 2021 - Je publiais ici un article de "La Vie Protestante")

L’entrée en matière amicale d’Eric Imseng est toujours très appréciée des détenus. "Ils me disent combien cet accueil est important pour eux."

La plupart sont cantonnés 23 heures par jour dans une cellule à plusieurs places. La surpopulation carcérale complique tout et allonge les délais. Une vingtaine de prisonniers figurent sur la liste d’attente pour voir un aumônier.

Les plus assidus, Eric Imseng les rencontre une fois par semaine, durant quelques semaines, et parfois deux, trois, voire même quatre ans! Une durée spécifique aux accompagnements des aumôniers de prison à Genève. 

"J'ai l'habitude de dire que ce sont eux les « patrons »" de ce qui se vit durant ces entretiens: "Je n’ai pas d’attente envers eux, j'offre juste une "oreille nue" pour les entendre. C’est un espace privilégié de rencontre, car nous sommes en tête-à-tête. Leur parole est libre".  

Cela peut paraître simple... Mais c'est justement cela qui fait la richesse de ce qui est partagé. "Ils peuvent être eux-mêmes et nous plaisantons parfois ensemble. C’est un des rares endroits où ils n’ont rien à justifier". Dans ce lieu clos qu’est la prison, beaucoup traversent des périodes d’anxiété et de détresse. Y arriver est stressant, tout comme en partir.

L’aumônier rencontre entre 70 et 80 détenus par année, de toutes les religions de toutes les confessions - et de toutes les convictions! Il propose une écoute, une assistance et un accompagnement spirituel, le tout avec empathie: "Je les accompagne tout au long de leur cheminement en les acceptant tels qu’ils sont et au stade où ils en sont. Nous explorons ce qu’ils vivent et comment ils gèrent leur quotidien. Nous parlons aussi de ce qui s’est passé et je les aide à envisager l’avenir hors de la prison."

Eric Imseng ne parle religion que si cela vient d’eux, avec une préférence pour les psaumes et le Nouveau Testament. Leur entretien se termine alors par une prière. Parfois, ce cheminement peut aboutir à leur procurer une Bible: "Sa lecture est une source de stimulation pour réfléchir sur soi et se projeter. Elle ouvre des perspectives. Mais je leur propose également des ouvrages de développement personnel par exemple, selon les questions ou difficultés qu'ils rencontrent. il y n'a a pas d'intention prosélyte dans notre action." 

Notre Charte de l'Aumônerie œcuménique des Prisons précise en une ligne notre engagement: "Offrir une présence humaine, un accueil et un accompagnement en milieu carcéral, dans un esprit d'ouverture aux diverses confessions, religions et convictions."



samedi 28 août 2021

Le prix de la grâce

Le prix de la grâce est le titre d’un livre de Dietrich Bonhoeffer, le fameux théologien et pasteur de l'Eglise confessante d’Allemagne, pendant le régime hitlérien, dans les années 30.Dans son livre, il revendique la grâce comme étant coûteuse ! Il appelle à une réflexion renouvelée sur le Christ et la vie de disciple, car il s’agit de prendre conscience des exigences de la grâce divine, alors que l’Eglise allemande lutte contre sa mise au pas par le régime nazi.

Dès les premières lignes, il affirme avec vigueur : La grâce à bon marché est l’ennemie mortelle de notre Eglise. Actuellement, dans notre combat, il en va de la grâce qui coûte. La grâce à bon marché, c’est la grâce considérée comme une marchandise à brader… une grâce sans aucun prix, sans aucun coût !

Courte prédication offerte aux détenu.e.s des prisons de Genève. Lecture de l'Evangile: Luc 7,36-50 (la femme au parfum).

Et la grâce à laquelle nous assistons dans l’Evangile de Luc est bien de celles qui coutent ! Au cours d’un repas chez un chef religieux, une scène surprenante : l’irruption d’une femme, dite pécheresse, que personnes ne souhaite voir ici ; de plus, elle prodigue sur Jésus des gestes inopportuns, un peu érotiques même… et elle verse beaucoup de larmes et répand tout autant de parfum ! Remplissant la demeure de Simon le Pharisien, de parfum et de gêne… Mais, plus déconcertant encore, il y a l’attitude de ce prophète de Nazareth, qui ne la repousse pas ni ne condamne ses gestes !

Et alors que le chef religieux qui l’accueille est en train de douter de sa crédibilité, Jésus propose un récit. Mais il ne raconte pas simplement une histoire pour calmer les gens, il donne à cette situation surprenante un sens qui est une bonne nouvelle, celle du Royaume de Dieu ! Mais son récit, sa parabole, va dire aussi combien elle en coûte pour être accueillie !

Il y a deux débiteurs, dont l’un doit 500 pièces d’argents (18 mois de salaire de l’époque !) et l’autre dix fois moins. On annule leur dette à chacun, car aucun d’eux ne peux payer. Et Jésus questionne : entre celui qui doit beaucoup d’argent et celui qui en doit peu, lequel sera le plus reconnaissant ? Celui à qui l’abandon de sa dette aura… le plus coûté !

Mais pour que les comptes soient bons, il faut… que le regard change. Et Jésus interpelle : Tu vois cette femme ? Pas seulement, la vois-tu, mais regarde-là profondément ! Laisse ses gestes parler à ton cœur, à ta compassion… cesse d’enfermer cette femme dans une catégorie qui t’enferme toi aussi dans la peur et l’aveuglement… Cesse de juger sans savoir, sans aimer !

Aimer est un mot important de ce récit : Celui à qui l’on pardonne peu, aime peu. La mesure de l’amour semble liée à la quantité de pardon accordé… et reçu mais, nous le voyant par l'exemple de cette femme, cette grâce est accordée pour remplir de reconnaissance et non de honte !

Ses gestes, jugés scandaleux, sont l’expression de sa gratitude et de son amour ! Et s’ils paraissent excessifs, c’est que le pardon accordé l’est également ! Et faut-il rappeler le prix qu’il coûtera à celui qui va le lui accorde ?

Et le dernier coût de cette grâce est dans l’affirmation de Jésus …tes péchés sont pardonnés. Jésus est bien plus qu’un prophète, ignorant les règles de pureté religieuse, il affirme ici son autorité de Fils : Le Fils de l’Homme a le pouvoir de pardonner les péchés. (Mt 9,6)

Puis, il ajoute : Va en paix. Ta foi t’a sauvée… et cette parole de Jésus dit encore le prix de la grâce, car la voilà désormais libre et responsable de reprendre le cours de sa vie… en personne graciée par le Christ.

Dietrich Bonhoeffer écrivait encore : La grâce coûte cher, parce qu’il faut porter le joug d’une marche à la suite de Jésus Christ, mais c’est encore une grâce, car il ne faut pas oublier cette parole de Jésus : Mon joug est doux et mon fardeau léger. (Mt 11,30)

Allons en paix… notre foi nous a sauvé !



mercredi 25 août 2021

Comme une fenêtre ouverte sur la liberté. (Republication de l'été)

(8 décembre 2020)

À mon retour de vacances, il y a désormais, lors de mes entretiens avec les détenu.e.s, un petit rituel : leur décrire les lieux où j'étais, en dégustant une spécialité du coin que j'ai ramenée, ceci autour d’un thé ou café. 

Et pourtant, lorsque j'entendis pour la première fois la personne détenue m'interroger: "Et vos vacances, ce sont-elles bien passées?" J’avais répondu rapidement à la question : "Très bien, merci" et préféré m’engager sur un autre sujet. 

Cependant, je lisais une certaine déception sur son visage et elle revint à la charge: "Et il a fait beau ?"

Je pensais intérieurement : « Attends, je ne vais tout de même pas raconter comment j’ai passé de belles vacances à quelqu’un qui en est privé : c’est trop cruel !

Mais je perçois que c’est important et me lance dans quelques souvenirs de vacances. Ses yeux s’ouvrent alors et son cœur de même... et il n'est plus question de cruauté, mais je joie partagée. 

Je réalise, en cet instant, que je suis comme une fenêtre ouverte sur la liberté !

Depuis, je ramène à chaque fois quelques biscuits de la région visitée, et les partage simplement autour d'un café. J'y ajoute même quelques photos de paysages.

Et nous partageons un moment unique de curiosité joyeuse, de complicité, de réconfort...

Je suis le passeur étonné de la vie du dehors!


 

jeudi 5 août 2021

"Surpris par la joie" (Republication de l'été) "Je ne serais pas l'homme que je suis sans cet instant"

(2 décembre 2020)

C’est lors de mes études d’art dramatique (à la Haute école de théâtre de Genève, dans les années 80) que mon cheminement spirituel a débuté. 

Lors d’un cours de dramaturgie (un séminaire de formation à la mise en scène) notre professeur utilisait comme outil pédagogique des exemples de peintures religieuses pour nous faire observer comment les peintres avaient « mis en scène » des textes bibliques. Les exemples étaient pris dans le Nouveau Testament, en particulier le dernier repas de Jésus avec ses disciples.

A la suite de ce cours, je formais le projet de lire les Évangiles pendant mes vacances d'été, par curiosité intellectuelle et du fait qu’un grand nombre d’œuvres artistiques en Europe (peinture, musique, théâtre) s’en étaient inspirées.

Mais cette lecture des Évangiles me surpris et me toucha bien plus profondément que je ne l’avais prévu. Au lieu d'un livre ne contenant que de « pieux conseils » que j’imaginais, je découvrais un passionnant récit d'une vie de Jésus de Nazareth et sa lutte pour éveiller en nous le meilleur d’une vie consacrée à Dieu.

Les Évangiles devinrent ainsi mon livre de chevet. Au cours de mes lectures, mon intérêt et mon affection pour ce « Jésus de Nazareth » grandissait. Je découvrais une confiance toujours plus libre et intime en sa personne. Et c'est en lisant un chapitre de l’Évangile selon Jean, que ma vie fut bouleversée.

J'aimais lire le chapitre 17 de cet Évangile qui présente Jésus priant pour les siens. Je me reconnaissais d'ailleurs tout à fait dans les "siens", je cherchais même à vivre comme un disciple de Jésus. Et pourtant, si l'on m'avait posé la question alors, je ne me serais pas définit comme chrétien. Pour moi, je cherchais simplement à vivre, dans ma vie quotidienne, les paroles et les gestes de Jésus. J'ignorais totalement alors que c'était sans doute la meilleur définition d’un chrétien que l'on puisse faire!

Mais ce jour-là, je lisais ces paroles de Jésus priant, en parlant de ses disciples justement : "Je t'ai fait connaître à ceux que tu as pris dans le monde pour me les confier. Ils t'appartenaient, tu me les as confiés, et ils ont obéi à ta parole. Ils savent maintenant que tout ce que tu m'as donné vient de toi, car je leur ai donné les paroles que tu m'as donnée, et ils les ont accueillies. Ils ont reconnu que je suis vraiment venu de toi et ils ont cru que tu m'as envoyé." (Évangile selon Jean, 17,7-8)

Et soudain, ce fut comme un brusque coup de vent en mon être intérieur ! Ces mots me parlaient, ce jour-là, avec une clarté et une joie que je n’avais pas connues jusqu’alors - et avec quelle force? Ils ne me soufflaient rien de moins que Jésus était « venu de Dieu », et qu’il était Dieu ! Un Vivant au-delà du vivant, qui m’accueillait et m’aimait inconditionnellement. Le Dieu du ciel venait inonder de son amour ma vie d’humain sur terre : j’étais dans le Christ, et le Christ était en moi.

Ce bouleversement intérieur ne m’a plus quitté depuis ce jour, en 1984. Et cette conviction que Dieu est amour, et que le Christ nous fait la grâce de le vivre dans une humble confiance du cœur, est sans doute au cœur de chacun de mes gestes et chacune de mes paroles, aujourd’hui.

 
Je dois mon titre "Surpris par la joie" à Clive Staples Lewis, plus connu sous le nom de C. S. Lewis, pour son ouvrage autobiographique. Il fut un écrivain et universitaire britannique. Connu pour ses travaux sur la littérature médiévale, ses ouvrages de critique littéraire et d'apologétique du christianisme, ainsi que pour la série des Chroniques de Narnia. Il est un auteur que j’apprécie et que je relis toujours très volontiers.
 

Vous accomplirez ainsi la loi du Christ... (La conclusion)

  La conclusion de notre extrait parle d’un envoi des disciples dans le monde soutenu par la consécration du Christ. Ainsi, la consécration ...