Je continue cette série d'articles, inspirés d'un travail de recherche en théologie pratique (lors de ma formation continue) sur le thème de la bénédiction. J'y réfléchis au lien que ce texte de la Genèse - Le passage du Yabboq - et son étonnante bénédiction, peut entretenir avec ma pratique de l'accompagnement spirituel des personnes détenues.
Mais auparavant, je poursuis la présentation de mon projet d'étude, en particulier sur le contexte géographique. Et je vous rappelle la référence du texte que je travaille : Livre de la Genèse, 32, 23-33. Le passage du Yabboq (Traduction Œcuménique de la Bible).
A. "... et il passa le gué du Yabboq."
Ces quelques mots introduisent la géographie de l’épisode. Comme on peut le voir sur la carte ci-contre, le Yabboq est un affluent qui se trouve sur la rive orientale de la Vallée du Jourdain.
Nous sommes à peu près à
mi-chemin entre le lac de Kinnereth et la mer salée. Ainsi, ce passage entre
deux eaux, nous offrirait-il une petite note symbolique ? Jacob se situerait-il
dans un espace de transition, entre vie et mort, entre une source d’eau vive et
une réservoir d’eau morte, entre un lieu qui transmet la vie et un autre qui fait
mourir ?
Sur le seuil de ce récit, nous
retournons sur le passé de Jacob : en particulier, sa fuite à Harrân, chez son
oncle Laban, pour échapper à son frère Esaü. Après avoir acquis par ruse le
rang de son frère aîné, puis usurpé son identité pour obtenir la bénédiction de
son père, Isaac, il a fallu trouver un refuge pour échapper à des représailles
(Gn 27 – 28). Notre épisode se situe lors de l’arrivée de Jacob sur la terre
qu’il a quittée vingt ans plus tôt.
Jacob ne nomme pas lui-même ce
lieu, comme nous le verrons en d’autres circonstances : il est donné par
le rédacteur : le gué du Yabboq. D’après ce que j’ai pu observer sur les
cartes, il indique un passage autorisé permettant une entrée aisée sur le
territoire pour une caravane aussi importante que celle du clan de Jacob.
Mais il y a également une portée
symbolique qu’E. Parmentier signale[1]
: « Yabboq représentant à la fois un passage symbolique et territorial, de la
terre étrangère à la patrie. » Ainsi le lieu choisi n’est pas un hasard, que ce
soit par le sens de « se battre », auquel s’ajoute la signification du nom de
Jacob « le talonneur » et son nom nouveau « Dieu se montre fort »[2],
c’est tout un programme qui s’ouvre devant nous… Mais alors que Jacob craint
les représailles de son frère Esaü, c’est vers un tout autre combat qu’il se
dirige !
L’intention première de ce récit
me paraît être de donner une profondeur spirituelle et un sens religieux à l’avenir
de l’Alliance avec Yahvé : Jacob va devenir Israël, prendre sa part de
l’héritage des promesses faites à Abraham. Le « talonneur », dont la force
était de saisir par la ruse, va devenir « le lutteur », dont la force sera
celle d’avoir été « blessé mais vainqueur »[3].
En revenant sur sa terre, Jacob reviendrait-il sur « les lieux du
crime », vers le lieu d’une bénédiction « usurpée » pour en obtenir une «
à la loyale. » ? C’est à voir …
Quelques mots sur le contenu de
cette étude. Il y a des choix que l’on fait sans penser à ce qu’ils pourraient
nous coûter d’efforts… et de lutte ! Celle d’avoir choisi le récit de la
lutte de Jacob m’en a coûté passablement ! Ce récit a tant d’intensité et de
richesses spirituelles qu’il a été douloureux de n’en choisir que
quelques-unes. J’ai voulu présenter tout d’abord le récit et son contexte avant
d’aborder deux points en lien avec ma pratique de l’accompagnement spirituel
auprès des personnes détenues. La poussière, comme un lieu de notre
humanité, puis le nom comme un espace de notre vocation, avant de
conclure par ce que peut signifier le vécu de cette expérience
spirituelle.
J’aimerais encore remercier ma compagne, Elisabeth, dont le joyeux bon sens m’a souvent tiré d’affaire dans les méandres de mes réflexions touffues, et en particulier, pour ses relectures attentives des différentes versions de mon texte.
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