mardi 24 septembre 2024

Le Notre Père du prisonnier (3 - Que ton Nom soit sanctifié...)

Je poursuis la publication de courtes prédications, offertes aux détenus.e.s des prisons à Genève, sur chacune des paroles du Notre Père, dans l’Évangile selon Matthieu (6, 9-13).

Pour ceux qui l’ignorerait, les conditions de l'organisation des célébrations dans les prisons limitent la durée de leur déroulement. Et je n'ai que 5 minutes (avec sa traduction anglaise) pour partager une prédication avec les détenus.

Le titre de ces articles me vient d'une prière du Frère Dominicain Philippe Maillard: Le Notre Père du prisonnier (ou la prière des sans voix). Aujourd'hui décédé, il fut très engagé auprès des personnes en situation de précarité.

Il a laissé une magnifique paraphrase du Notre Père que j'ai également publié dans un article précédent. 

Mais pour le moment...   

"Notre Père ... , que ton Nom soit sanctifié." (9)

"Le dieu inconnu" était une divinité vénérée par les grecs anciens. En plus des dieux principaux de l’Olympe, ils reconnaissaient l’existence d’innombrables divinités mineures. Pour ne pas risquer d’en ignorer une, ils ont choisi de confesser leur ignorance en inscrivant sur un Autel d’Athènes cette dédicace : "A un dieu inconnu."


Le livre des Actes rapportent la tentative de l’apôtre Paul d’attribuer cette dédicace au Dieu créateur qu’il venait annoncer aux athéniens. La chose ne se passait pas trop mal, jusqu’au moment où Paul parla de la résurrection à venir… avec l’échec ou la demi-réussite que l’on sait.

 

"A un dieu inconnu" ? La Bible nous présente un dieu qui se fait connaître, en particulier à Moïse, dans le livre de l’Exode.  À sa demande, Moïse reçoit même son Nom, que l’on peut traduire : "Je suis qui je suis (ou qui je serai)." Ainsi, quelle que soit la particularité de la traduction, ce nom dit clairement L'ÊTRE de Dieu…

 

Et quand Jésus, dans cette prière le nomme "PÈRE", il nous invite à entrer dans une relation authentique et confiante avec une personne qui EST. Sa prière est plus qu’un texte à répéter : elle est une inspiration, elle insuffle en nous la liberté de s’adresser à Dieu "Notre Père", sans peur, sans honte, sans feinte.

 

« Notre Père qui est aux cieux, que ton NOM soit SANCTIFIE »

 

Dans la littérature biblique, le Nom désigne respectueusement la personne de Dieu. Mais avec quel autre mot pourrait-on nommer notre respect pour le Nom de Dieu ? (Échanges avec les détenu.e.s) :  « sanctifier », « honorer », « respecter », « célébrer » ... Ces mots, que nous avons choisis ensemble, disent ce que nous désirons vivre en présence de Notre Père. La sainteté de Dieu est appréciée à sa juste valeur lorsque nous expérimentons ces bienfaits dans notre vie.

 

"Saint" signifie qui appartient à Dieu seul ! "Saint" est une manière de dire que Dieu existe par lui-même, il n’est dépendant de rien ni personne. On ne peut ajouter quoi que ce soit à la personne de Dieu, à l’existence de Dieu. Dieu n’est donc pas notre propriété.  Sanctifier Dieu, c’est accepter que ce que je sais de lui est limité. D’autres, différents de moi, peuvent aussi sanctifier Dieu.

 

Une petit anecdote à ce sujet : un moine chrétien (Christian de Chergé), qui pratiquait un dialogue intense avec des croyants musulmans, utilisait une image pour en parler. Il disait : "Nous construisons ensemble notre puits" (sous-entendu, nous sommes en quête de Dieu ensemble, avec nos différences). 

 

Un jour, en plaisantant, il dit à son interlocuteur : "A ton avis, au fond de notre puits, qu’allons-nous trouver ? De l’eau musulmane ou de l’eau chrétienne ?" Son ami lui répondit alors : "Je pense que, au fond de ce puits, nous trouverons tout simplement de l’eau de Dieu !"

 

Je crois que la foi en Dieu est une quête constante de la connaissance de Dieu, dans la relation avec autrui. Un philosophe a écrit: "Si Dieu est quelques part, c'est dans le visage de l'autre."  

 

Ainsi, lorsque de la violence est commise au nom de Dieu, il n’est pas sanctifié c’est certain ! Faire mourir quelqu’un parce qu’il ne croit pas comme moi, c’est prendre le risque de mettre à mort une expression de la sainteté de Dieu !

Et nous, accepterons-nous de sanctifier le Nom de Dieu ? Accepterons-nous de vivre avec confiance et authenticité auprès de "Notre Père" ? Consentirons-nous à notre fragilité pour découvrir notre sainteté ?  

Lorsque nous prions "... que ton nom soit sanctifié" :

 

… nous disons que Dieu est saint, qu’il est aussi unique et différent que tout ce qui existe dans cette création.

 

… nous disons que Dieu est proche dans l’histoire du monde comme dans notre vie quotidienne et que nous attendons avec confiance que son œuvre arrive à son but.

 

… nous disons que nous reconnaissons en Dieu notre Père et que nous souhaitons l'honorer et le respecter.

 

… nous disons enfin que nous avons confiance que ce que nous entreprenons pour lui et avec lui n’est pas vain, malgré nos limites et nos imperfections.

 

Le pasteur Philippe Zeissig notait, avec autant de clarté que de finesse : "Sanctifier le nom de Dieu, c’est l’accueillir dans notre vie comme le Soleil est accueilli dans le Ciel. C’est laisser ce Nom irradier notre être intérieur ; c’est en tirer notre inspiration et notre paix."

 

"Ainsi soit-il" pour nous , ensemble, aujourd'hui et toujours.




vendredi 13 septembre 2024

Le Notre Père du prisonnier (2 - Notre Père qui est aux cieux...)

Je poursuis la publication de courtes prédications, offertes aux détenu.e.s des prisons à Genève, sur chacune des paroles du Notre Père, dans l’Évangile selon Matthieu (6, 9-13).

Pour ceux qui l’ignorerait encore, les conditions de l'organisation des célébrations dans les prisons limitent la durée de leur déroulement. Et je n'ai que 5 minutes (avec sa traduction anglaise) pour partager une prédication avec les détenus.

Le titre de ces articles me vient d'une prière du Frère Dominicain Philippe Maillard: Le Notre Père du prisonnier (ou la prière des sans voix). Aujourd'hui décédé, il fut très engagé auprès des personnes en situation de précarité.

Il a laissé une magnifique paraphrase du Notre Père que j'ai également publié dans un article précédent. 

Mais pour le moment..

"Notre Père qui es aux cieux." (9)

Le 21 juillet 1969, à 3 heures de la nuit européenne, il y a un peu plus de cinquante ans, le commandant Neil Armstrong est le premier homme à poser le pied sur la lune ! Il a cette parole, devenue historique : « C’est un petit pas pour l’homme, mais un grand pas pour l’humanité » !

J’allais avoir 8 ans, et mes parents avaient accepté de me réveiller pour regarder, avec 600 millions de téléspectateurs, cet événement inouï : l’astre que je voyais si lointain était là, à portée de regard, et un homme était en train d’y marcher ! Fascinant ! Le rêve de marcher sur la lune, que notre humanité faisait depuis des siècles… était réalisé !

Si loin et pourtant si proche… Inaccessible et pourtant rejoint, touché, habité ! Cet événement a fait écho en moi, alors que je méditais les premiers mots de la prière de Jésus : « Notre Père qui est aux cieux ».

Autant le mot "père" peut nous paraître proche… autant le mot "cieux" peut sembler lointain. Que signifie ce "aux cieux" ? Dieu se tient-il dans les nuages ou parmi les étoiles ?

L’astronaute Yuri Gagarine aurait dit après son vol spatial : "j’ai volé dans l’espace, mais je n’ai pas vu Dieu" ? Mais savait-il que, dans l’espace qu’il avait traversé, il était encore dans la création de Dieu !

Savait-il que notre Père céleste est l’auteur des cieux, comme il l’est de toute la création, aussi loin que notre univers existe ! Savait-il que "aux cieux" n’est pas un lieu que l’on pourrait voir de nos yeux ? Notre père céleste, créateur du ciel et de la terre est esprit et vie et non matière que l’on pourrait toucher du doigt.

Le vitrail de Marc Chagall qui illustre cet article et qui s’intitule « La création du monde » le démontre : l’artiste n’est pas physiquement dans cette œuvre, et pourtant chaque trait et couleur qui a été posé pour créer cette œuvre est de lui.

Marc Chagall n’est pas visible dans cette œuvre, mais ses formes et ses couleurs, qu’il a créés nous parlent de sa personne, de son talent, etc. Et de même pour Dieu lorsqu’il est dit créateur du ciel et de la terre !

Mais intéressons-nous à l’expression "Notre Père". Jésus, s’il ne l’invente pas, ne l’emploie pas par hasard : elle est utilisée dans le judaïsme de son époque. Dans les religions de l’Antiquité aussi, en particulier lorsque l’on fait appel à son Dieu, en situation de détresse !

Mais le mot père pourrait rappeler des souvenirs pénibles… Comme ce jeune, à qui l’on parlait de Dieu comme un père, et qui s’écria : "si ton Dieu est comme mon père… tu peux te le garder !"

Cependant, Jésus ne parle pas d'abord de notre lien avec nos parents, il nous conduit à accueillir la valeur intime d'une relation avec Notre Père. Cette valeur est contenue dans un mot très simple, dans le vocabulaire du Nouveau Testament : Abba

Abba est à l’origine, le balbutiement de l’enfant en bas âge. Il dit aussi le respect que l’on doit à une personne plus âgée. Abba, Père, est la plus simple expression de notre être, nous disons ainsi la confiance de l’enfant envers son parent ! Et le respect envers une personne importante !

Jésus a prononcé ces mots lors de la nuit qui a précédé sa mort sur la croix, pour dire à son Père sa détresse. L’apôtre Paul l’emploie pour affirmer notre filiation avec Dieu que l’Esprit Saint crie en nous comme la bonne nouvelle d’une libération ! "Dieu a envoyé dans nos cœurs l'Esprit de son Fils, lequel crie : Abba ! Père !" (Ga 4,6)

Si nous disons à Dieu "Papa" (ou "maman", le genre n’est pas si important), c’est pour vivre libres et authentiques dans notre foi en Dieu, Notre Père, pour entreprendre avec créativité, pour persévérer avec audace. Vivre avec patience et confiance les temps difficiles de notre existence !

Tout à l’heure, nous dirons la prière de Jésus. Nous ne dirons pas "MON Père", mais "NOTRE Père"… La tendresse et la fidélité que Dieu nous offre dans ce mot, nous les vivons en amitié avec toutes celles et ceux qui font notre communauté de croyants, par le monde entier.

C’est sa force et peut-être sa faiblesse. Si elle reste uniquement la prière liturgique que nous vivrons tout à l’heure… habituelle, machinale, nous en perdons le sens et la valeur !

Aussi, je vous invite à tenter une petite expérience lorsque vous serez rentés chez vous, dites cette prière en laissant au moins 3 secondes entre chaque verset… Vous pourriez découvrir ainsi encore bien d’autres richesses spirituelles que celles que je viens de partager avec vous !

 Marc Chagall: La création du monde

lundi 9 septembre 2024

Le Notre Père du prisonnier (1 - Vous donc, priez ainsi...)

Je publie ici les courtes prédications, sur chacune des paroles du Notre Père, dans l’Évangile selon Matthieu (6, 9-13), que j'ai partagées avec les détenus des prisons à Genève.

Le titre de ces articles me vient d'une prière du Frère Dominicain Philippe Maillard: Le Notre Père du prisonnier (ou la prière des sans voix). Aujourd'hui décédé, il fut très engagé auprès des personnes en situation de précarité.

Il a laissé une magnifique paraphrase du Notre Père que je publierai dans un article en parallèle à ces publications.

Mais pour le moment... 

 

"Vous donc, priez ainsi : Notre Père qui est aux cieux." (9)

 

Nous venons de lire une prière qui a plus de 2000 ans! Depuis le début du christianisme, elle est dite par les disciples du Christ, et aujourd’hui, elle est prononcée en commun par les chrétiens de toutes confessions, lors de nos célébrations chrétiennes.

 

Mais cette prière, ce ne sont pas que des mots à savoir et à dire. Jésus espère de nous plus qu’une récitation ! À ses disciples qui lui demandent une prière, Jésus leur offre une parole qui est un don de soi fait à Dieu, dans la confiance et la reconnaissance.

 

Mais j’aimerais prendre le temps de lire avec vous, ce matin, les mots de Jésus qui précèdent cette prière, dans l'Evangile selon Matthieu.

 

"Gardez-vous de pratiquer votre religion devant les hommes pour attirer leurs regards." (1)

 

Jésus ne critique pas le fait de prier ensemble, d'une manière visible, lors de nos célébrations, il parle bien d’hypocrisie… une pratique religieuse qui ne serait dite - et surtout montrée, uniquement pour se mettre en valeur devant les autres !

 

Le théologien Daniel Marguerat note que Jésus nous appelle à passer du paraître à l’être, et il précise : "La valeur d’une personne ne se joue pas dans ce qu’elle fait sous le regard des autres, mais dans sa relation filiale au Père qui voit dans le secret."

 

Et prier, pour Jésus, c'est premièrement entrer "dans ta chambre la plus retirée, verrouille ta porte et adresse ta prière à ton Père qui est là dans le secret." (6)

Cette « chambre » où Jésus nous invite, n’est pas forcément un lieu à l’écart, un lieu de prière dédié. Cette chambre, je la comprends aussi comme une attitude de discrétion, d’humilité. comme la conscience d'être en présence de Dieu. Cette chambre peut être, symboliquement, notre être intérieur.

Dieu serait donc ainsi présent dans l’intime de notre être ? Voilà qui est réjouissant... ou pourrait être inquiétant !

Mais ce Père dont parle Jésus n’est pas un juge dure et intransigeant, prêt à nous faire des reproches au moindre faux pas… Sa présence dans le secret est celle d'une relation d’authenticité, sans complaisance, mais avec bienveillance. Dès lors, notre Père qui est là, dans le secret" se réjouit que nous soyons aussi vrai avec lui qu’il l’est avec nous.


Ainsi, le Notre Père qui est aux cieux est précédé par le Notre Père qui voit dans le secret : pas la peine de faire le show, pas la peine de se cacher, pas la peine d’avoir peur. Simplement être là, dans sa présence, et laisser le Père céleste nous voir – c'est-à-dire, nous rencontrer.

 

Lorsque nous disons le Notre Père, Jésus nous invite encore à la confiance. "Quand vous priez, ne répétez pas comme les païens ; ils s’imaginent que c’est à force de paroles qu’ils se feront exaucer." (7)

 

Notre confiance en Celui qui nous écoute quand nous sommes en prière ne se mesure pas à l'esthétique de nos paroles, ni à leur vitesse, ni à leur répétition… un flot de paroles, ne sert à rien non plus. Pourquoi ? "… car votre Père sait ce dont vous avez besoin, avant que vous le lui demandiez." (8)

 

S’il sait, alors pourquoi prier ? Le Réformateur Martin Luther a écrit que "Par nos prières, nous nous instruisons nous-mêmes, plus que nous instruisons Dieu." Le Réformateur ouvre ainsi la prière comme un espace de dialogue avec Dieu pour partager nos besoins, nos craintes, nos désirs…

 

Mais il y a plus intime encore. Saint Augustin a écrit : "Tout désir qui appelle Dieu en nous est déjà une prière." La prière comme un soupir, comme un désir de Dieu, de sa présence…? Et que dire du simple fait de se tenir en silence devant Dieu, et qui est encore une prière ?

 

Ainsi, le Notre Père qui est aux cieux est précédé du Notre Père qui sait ce dont nous avons besoin. Et parler avec quelqu’un qui sait, ce n’est pas inutile, mais rassurant. Prier, c’est s’approcher de Dieu et vivre… et donner du sens à notre vie.




dimanche 1 septembre 2024

Car c'est en lui que nous avons la vie, le mouvement et l'être...

« … modelé avec de la poussière prise du sol… Une haleine de vie divine… insufflée en nous pour devenir un être vivant… ». (Gn 2, 7-8)

A l’origine de la vie, il y a la Création du Seigneur… et à l’origine de l’humain, il y a le souffle de Dieu. En relisant ce texte de la Genèse, il y a quelque chose d’enthousiasmant d’entendre qu’il y a Quelqu’un de bien à la source du Vivant !

Le texte décrit avec poésie, voire une certaine ingénuité, le Seigneur en train de créer un jardin, des eaux, des animaux, tout en se demandant ce qu’Adam pourra bien en faire et en dire… tout un environnement harmonieux, à la manière d’un architecte paysagiste.

Mais il ne faudrait pas se détourner de ces textes en les jugeant puérils. Leur composition n’est pas à lire au premier degré : il s’agit d’en saisir le sens et la valeur pour habiter la Création en l’honorant de notre vocation d’humain.

Adam, tiré de la terre et recevant le souffle de Dieu pour devenir un être vivant, c’est dire quelque chose d’essentiel à propos de notre humanité : la terre, c’est l’humus qui donnera le mot humilité. Humble mais pas que…Rien moins qu’un souffle divin nous a rendus vivants et cet « air qui est la vie »… vient de plus loin que la simple nécessité.

Notre vocation d’humain est faite d’humilité, de responsabilité, d’inspiration et de vulnérabilité. Veillons à ne pas oublier que notre humanité vit de la grâce et de la conscience que notre être vivant n’est pas composé que de poussière… mais du souffle de Dieu !

Prédication offerte à l'ouverture du camp des Unions Chrétiennes Féminines vaudoises, à Vaumarcus. Le thème du camp: L'air, c'est la vie. Textes bibliques: Gn 2; Jn 1; Ac 17.

Si le Seigneur est à l’Origine de notre souffle… qu’est-ce que cela signifie pour nous ? Qu’est-ce que cela implique pour la Création de Dieu ? Comment l’humain insufflé de la vie de Dieu va-t-il vivre dans son jardin ?

Le souffle du Seigneur n’est pas qu’un privilège, c’est aussi une responsabilité. À commencer par le respect de Sa Création. Les mots d’écologie, de biodiversité, de bioéthique… On parle même d’éco spiritualité… peuvent impressionner ou nous énerver, mais ce sont autant de manière d’avoir du respect pour le vivant ! Cela ne fera pas forcément de nous des activistes collant leurs mains sur le bitume… mais dans tous les cas, cela fera de nous des êtres éco-responsables ? Ceci au quotidien, dans des gestes très simples, mais conscients !

28 « Car c'est en lui que nous avons la vie, le mouvement et l'être, comme l'ont dit certains de vos poètes : “Car nous sommes de sa race.” (Ac 17,28)

Ces mots de Paul à Athènes me sont venus en découvrant le titre de ce camp de Vaumarcus : l’air c’est la vie ! Et j’ai dit en ouverture de ce culte les nombreuses vies qui se sont invitées alors dans mes pensées…

Dans ce chapitre du livre des Actes, Luc nous livre un discours de l’apôtre Paul qui est un modèle du genre dans sa communication de l’Evangile au Gentils – entendez les non-juifs.

Mais au-delà de la forme, il s’agit d’une tentative pour donner de la raison à notre foi en Dieu par le Christ Jésus.  Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce n’est pas simple… A commencer par les moqueries et malentendus des grecs : « Que veut donc dire cette jacasse ? » (Ou encore) « Ce doit être un prédicateur de divinités étrangères. »

La « jacasse », littéralement est un oiseau « pilleur de graines », c’est l’équivalent de notre « pie voleuse », avec son cri étrange et désagréable… et fatigant ! Et lorsque Paul annonce l’anastasis, le mot grec pour la résurrection, cela est entendu comme une divinité parmi d’autres ! Peut-être ce « Dieu inconnu » que l’on nomme sans le connaître ? Autant dire que la partie n’est pas gagnée d’avance…

Le foisonnement de vie de la Création et son origine divine ont été reconnu par des poètes et des philosophes de la Grèce antique, dont ma citation est tirée… Et on peut dire que « les choses semblent aller bon train… » jusqu’à ce que Paul parle clairement du cœur de sa prédication : « Au mot de « résurrection des morts », les uns se moquaient, d'autres déclarèrent : « Nous t'entendrons là-dessus une autre fois. » (33)  La culture fait place ici à la rupture… Le discours de Paul se brise sur ce mot, impossible à entendre pour des penseurs grecques.

Que signifie pour nous aujourd’hui ce rejet de la foi au Christ ressuscité ? Sans doute une réalité qui est encore la nôtre aujourd’hui : notre foi en la résurrection du Christ n’est pas une évidence et pour nous et pour le monde qui la considère, parfois – souvent ? - comme une étrangeté, ou encore une « mauvaise plaisanterie », comme sur l’Aréopage d’Athènes…

C’est pourquoi, nous avons besoin d’une valeur refuge, d’un second souffle :  la Parole de Dieu. Le Verbe de Dieu.

«  Le Verbe était la vraie lumière qui, en venant dans le monde, illumine tout homme. 10 Il était dans le monde, et le monde fut par lui, et le monde ne l’a pas reconnu. 11 Il est venu dans son propre bien, et les siens ne l’ont pas accueilli.  (Jn 1,9-11)

La grâce d’une présence divine qui illumine le monde… Et, ici encore, une incompréhension, un refus, un rejet… Le texte de Jean est encore plus fort en soulignant que le Verbe de Dieu était, pourtant, « venu dans son bien… » !

Dans notre foi en la présence du Christ auprès du Père lors de la Création, il faut accepter aussi que le Verbe créateur de Dieu a sa lumière et son ombre, sa gloire côtoie son rejet …

Mais, il y a un « mais » ! « A ceux qui l’ont reçu… » Si la vie dans la Création, avec toutes ses expressions est nécessaire… la vie d’une communion avec le Christ en Dieu ne l’est pas moins !

Et avec lui, on ne fonctionne pas qu’au résultat, le salaire n’est pas « au mérite » ou « à la pièce »… Car nous avons reçu par le Verbe de Dieu plus que la Loi… mais « la grâce et la vérité sont venus par Jésus Christ. » (Jn 1,14)

La grâce du Christ fait de nos des êtres tout vivant , tout aimant, mais pas tout puissant. Rappelons-nous la leçon du prophète Elie sur le Mont Horeb : « Après le tremblement de terre, il y eut un feu ; le SEIGNEUR n'était pas dans le feu. Et après le feu le bruissement d'un souffle ténu. » (1 R 19,12) C’est ce souffle ténu qui le fit sortir de sa caverne et entendre les paroles de guérison du Seigneur.

28 « Car c'est en lui que nous avons la vie, le mouvement et l'être… (Ac 17,28)

Si des poètes ont su voir l’impressionnante générosité du Vivant, ils n’ont pas su voir son origine dans le souffle créateur du Seigneur. A nous qui l’avons reçue… pas d’orgueil ni de vanité, mais la profonde reconnaissance de notre cœur. Frère Roger priait  :

« Jésus notre paix, par ton Evangile tu nous rappelles à être tout simples et tout humble. Tu fais grandir en nous une reconnaissance infinie pour ta continuelle présence en nos cœurs. »



mardi 27 août 2024

"Surpris par la joie"

Je partage ici une expérience qui à bouleversé mon existence... Sans laquelle je ne serais ni l'homme que je suis ni la vocation qui fut la mienne...

C’est lors de mes études d’art dramatique (à la Haute école de théâtre de Genève, dans les années 80) que mon cheminement spirituel a débuté. Lors d’un cours de dramaturgie (un séminaire de formation à la mise en scène) notre professeur utilisait comme outil pédagogique des exemples de peintures religieuses pour nous faire observer comment les peintres avaient « mis en scène » des textes bibliques. Les exemples étaient pris dans le Nouveau Testament, en particulier le dernier repas de Jésus avec ses disciples.

A la suite de ce cours, je formais le projet de lire les Évangiles pendant mes vacances d'été, par curiosité intellectuelle et du fait qu’un grand nombre d’œuvres artistiques en Europe (peinture, musique, théâtre) s’en étaient inspiré.

Mais cette lecture des Évangiles me surpris et me toucha bien plus profondément que je ne l’avais prévu. A un livre ne contenant de que « pieux conseils », que j’imaginais, je découvrais un passionnant récit d'une vie de Jésus de Nazareth et sa lutte pour éveiller en nous le meilleur d’une vie consacrée à Dieu.

Les Évangiles devinrent ainsi mon livre de chevet. Au cours de mes lectures, mon intérêt et mon affection pour ce « Jésus de Nazareth » grandissait. Je découvrais une confiance toujours plus libre et intime en sa personne. Et c'est en lisant un chapitre de l’Évangile selon Jean, que ma vie fut bouleversée.

J'aimais lire le chapitre 17 de cet Évangile qui présente Jésus priant pour les siens. Je me reconnaissais d'ailleurs tout à fait dans les "siens", je cherchais même à vivre comme un disciple de Jésus. Et pourtant, si l'on m'avait posé la question alors, je ne me serais pas définit comme chrétien. Pour moi, je cherchais simplement à vivre, dans ma vie quotidienne, les paroles et les gestes de Jésus. J'ignorais totalement alors que c'était sans doute la meilleur définition d’un chrétien que l'on puisse faire!

Mais ce jour-là, je lisais ces paroles de Jésus priant, en parlant de ses disciples justement : "Je t'ai fait connaître à ceux que tu as pris dans le monde pour me les confier. Ils t'appartenaient, tu me les as confiés, et ils ont obéi à ta parole. Ils savent maintenant que tout ce que tu m'as donné vient de toi, car je leur ai donné les paroles que tu m'as donnée, et ils les ont accueillies. Ils ont reconnu que je suis vraiment venu de toi et ils ont cru que tu m'as envoyé." (Évangile selon Jean, 17,7-8)

Et soudain, ce fut comme un brusque coup de vent en mon être intérieur ! Ces mots me parlaient, ce jour-là, avec une clarté et une joie que je n’avais pas connues jusqu’alors - et avec quelle force? Ils ne me soufflaient rien de moins que Jésus était « venu de Dieu », et qu’il était Dieu ! Un Vivant au-delà du vivant, qui m’accueillait et m’aimait inconditionnellement. Le Dieu du ciel venait inonder de son amour ma vie d’humain sur terre : j’étais dans le Christ, et le Christ était en moi.

Ce bouleversement intérieur ne m’a plus quitté depuis ce jour, en 1984. Et cette conviction que Dieu est amour, et que le Christ nous fait la grâce de le vivre dans une humble confiance du cœur, est sans doute au cœur de chacun de mes gestes et chacune de mes paroles, aujourd’hui.

Je dois mon titre "Surpris par la joie" à Clive Staples Lewis, plus connu sous le nom de C. S. Lewis, pour son ouvrage autobiographique. Il fut un écrivain et universitaire britannique. Connu pour ses travaux sur la littérature médiévale, ses ouvrages de critique littéraire et d'apologétique du christianisme, ainsi que pour la série des Chroniques de Narnia. Il est un auteur que j’apprécie et que je relis toujours très volontiers.


Illustration: le chemin de Damas: René Magritte




"Lueurs au creux de l'ombre"© Un livre à paraître...

Le 9 novembre 2020, j’ai créé le blog intitulé  Les Diachroniques, avec s on premier article :  La dignité de l'humain. Ce blog a acco...