vendredi 13 septembre 2024

Le Notre Père du prisonnier (2 - Notre Père qui est au cieux...)

Je poursuis la publication de courtes prédications, offertes aux détenu.e.s des prisons à Genève, sur chacune des paroles du Notre Père, dans l’Évangile selon Matthieu (6, 9-13).

Pour ceux qui l’ignorerait encore, les conditions de l'organisation des célébrations dans les prisons limitent la durée de leur déroulement. Et je n'ai que 5 minutes (avec sa traduction anglaise) pour partager une prédication avec les détenus.

Le titre de ces articles me vient d'une prière du Frère Dominicain Philippe Maillard: Le Notre Père du prisonnier (ou la prière des sans voix). Aujourd'hui décédé, il fut très engagé auprès des personnes en situation de précarité.

Il a laissé une magnifique paraphrase du Notre Père que j'ai également publié dans un article précédent. 

Mais pour le moment..

"Notre Père qui es aux cieux." (9)

Le 21 juillet 1969, à 3 heures de la nuit européenne, il y a un peu plus de cinquante ans, le commandant Neil Armstrong est le premier homme à poser le pied sur la lune ! Il a cette parole, devenue historique : « C’est un petit pas pour l’homme, mais un grand pas pour l’humanité » !

J’allais avoir 8 ans, et mes parents avaient accepté de me réveiller pour regarder, avec 600 millions de téléspectateurs, cet événement inouï : l’astre que je voyais si lointain était là, à portée de regard, et un homme était en train d’y marcher ! Fascinant ! Le rêve de marcher sur la lune, que notre humanité faisait depuis des siècles… était réalisé !

Si loin et pourtant si proche… Inaccessible et pourtant rejoint, touché, habité ! Cet événement a fait écho en moi, alors que je méditais les premiers mots de la prière de Jésus : « Notre Père qui est aux cieux ».

Autant le mot "père" peut nous paraître proche… autant le mot "cieux" peut sembler lointain. Que signifie ce "aux cieux" ? Dieu se tient-il dans les nuages ou parmi les étoiles ?

L’astronaute Yuri Gagarine aurait dit après son vol spatial : "j’ai volé dans l’espace, mais je n’ai pas vu Dieu" ? Mais savait-il que, dans l’espace qu’il avait traversé, il était encore dans la création de Dieu !

Savait-il que notre Père céleste est l’auteur des cieux, comme il l’est de toute la création, aussi loin que notre univers existe ! Savait-il que "aux cieux" n’est pas un lieu que l’on pourrait voir de nos yeux ? Notre père céleste, créateur du ciel et de la terre est esprit et vie et non matière que l’on pourrait toucher du doigt.

Le vitrail de Marc Chagall qui illustre cet article et qui s’intitule « La création du monde » le démontre : l’artiste n’est pas physiquement dans cette œuvre, et pourtant chaque trait et couleur qui a été posé pour créer cette œuvre est de lui.

Marc Chagall n’est pas visible dans cette œuvre, mais ses formes et ses couleurs, qu’il a créés nous parlent de sa personne, de son talent, etc. Et de même pour Dieu lorsqu’il est dit créateur du ciel et de la terre !

Mais intéressons-nous à l’expression "Notre Père". Jésus, s’il ne l’invente pas, ne l’emploie pas par hasard : elle est utilisée dans le judaïsme de son époque. Dans les religions de l’Antiquité aussi, en particulier lorsque l’on fait appel à son Dieu, en situation de détresse !

Mais le mot père pourrait rappeler des souvenirs pénibles… Comme ce jeune, à qui l’on parlait de Dieu comme un père, et qui s’écria : "si ton Dieu est comme mon père… tu peux te le garder !"

Cependant, Jésus ne parle pas d'abord de notre lien avec nos parents, il nous conduit à accueillir la valeur intime d'une relation avec Notre Père. Cette valeur est contenue dans un mot très simple, dans le vocabulaire du Nouveau Testament : Abba

Abba est à l’origine, le balbutiement de l’enfant en bas âge. Il dit aussi le respect que l’on doit à une personne plus âgée. Abba, Père, est la plus simple expression de notre être, nous disons ainsi la confiance de l’enfant envers son parent ! Et le respect envers une personne importante !

Jésus a prononcé ces mots lors de la nuit qui a précédé sa mort sur la croix, pour dire à son Père sa détresse. L’apôtre Paul l’emploie pour affirmer notre filiation avec Dieu que l’Esprit Saint crie en nous comme la bonne nouvelle d’une libération ! "Dieu a envoyé dans nos cœurs l'Esprit de son Fils, lequel crie : Abba ! Père !" (Ga 4,6)

Si nous disons à Dieu "Papa" (ou "maman", le genre n’est pas si important), c’est pour vivre libres et authentiques dans notre foi en Dieu, Notre Père, pour entreprendre avec créativité, pour persévérer avec audace. Vivre avec patience et confiance les temps difficiles de notre existence !

Tout à l’heure, nous dirons la prière de Jésus. Nous ne dirons pas "MON Père", mais "NOTRE Père"… La tendresse et la fidélité que Dieu nous offre dans ce mot, nous les vivons en amitié avec toutes celles et ceux qui font notre communauté de croyants, par le monde entier.

C’est sa force et peut-être sa faiblesse. Si elle reste uniquement la prière liturgique que nous vivrons tout à l’heure… habituelle, machinale, nous en perdons le sens et la valeur !

Aussi, je vous invite à tenter une petite expérience lorsque vous serez rentés chez vous, dites cette prière en laissant au moins 3 secondes entre chaque verset… Vous pourriez découvrir ainsi encore bien d’autres richesses spirituelles que celles que je viens de partager avec vous !

 Marc Chagall: La création du monde

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