dimanche 10 mars 2024

L’humain : le mystère et l’amour... (2)

J'ai partagé dans un précédent article quelques réflexions faites au cours de mon ministère d’aumônier dans les prisons. J'y ai parlé de l’humain tel que je l’ai rencontré dans ces lieux. Le format des Diachroniques étant de privilégier de courts articles. J’ai réparti ma réflexion en deux fois. Voici la seconde et dernière publication :

L’amour

Mais que serait le mystère s’il n’était qu’une ignorance, un trou noir sans fond ? Si j’ai appris à reconnaitre sa réalité, j’ai aussi découvert sa fécondité. Et cette fécondité (est-ce vraiment une surprise ?) me conduite à rien moins que l’amour. L’amour… il a tant de facettes, tant de beauté et tant de vanité ! Celui qui m’a permis d’apprivoiser le mystère de l’humain était désintéressé, un amour qui se donne sans autre intention que le don de soi.

L’amour. Suffit-il d’avoir ce mot à la bouche pour être un témoin crédible du Christ ? Je pense à cette lettre de l’apôtre Jean : « Mes chers amis, aimons-nous les uns les autres, car l’amour vient de Dieu. Celui qui aime est né de Dieu et il connaît Dieu. Qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est amour » (1 Jean 4,7-8).

Au cours de mon ministère en milieu carcéral, ce Dieu est amour fut une bonne et une étrange nouvelle à la fois. Où est le Dieu d’amour pour ces femmes et ces hommes que l’on rejette et condamne ? Où est le Dieu d’amour pour celles et ceux qui en ont fait pour la société qui les a rejetés ? Où est le Dieu d’amour pour ces personnes détenues qui suscitent en nous plus de colère que d’affection ?

Une réponse se tenait dans un tout petit espace contenu dans ce si grand mot  « amour ». Un détail d’une grande œuvre, comme celui d’un tableau de Maître. Approchez et vous y trouverez ce tout petit espace dans un mot plus difficile encore : le pardon. Quand je disais « détail »… c’était une image bien entendu ! Un petit espace, comme un chemin étroit ! Mais vivre le Dieu qui est amour n’est pas réservé qu’aux bons moments, c’est aussi pour les temps difficiles. Vivre le Dieu qui est amour n’est pas réservé à celles et ceux qui le méritent ! Vivre ce Dieu qui est amour de manière inconditionnelle me permit de traverser des voies impossibles. Vivre le courage et la patience d’un amour qui ouvrira pour nous des voies que l’on pensait impraticables, comme nos chemins de pardon peuvent l’être. Vive le Dieu qui est amour, ce n’est pas faire « tout bien comme il faut », c’est d’abord être vrai. La voie du Dieu qui est amour débute par cette leçon.

L’amour et le pardon : des valeurs qui portent autant d’espoirs que d’amertume dans les prisons. Mais il serait dommage de le taire : l’amour et le pardon ont été pour moi de redoutables « passe-murailles », d’étonnants « ouvre-cœurs » ! Le pardon et l’amour ont été des fenêtres ouvertes dans les murs sombres de l’âme humaine. Ils m’ont porté dans ce généreux et persévérant don de soi ! Au-delà des émotions, au-delà, du mérite, nous étions bien au cœur de l’Evangile !

C’est avec la conviction qu’un pardon est possible que je suis allé à la rencontre de ces jugements implacables qui enferment les personnes détenues, bien mieux encore que l’enceinte d’une prison ! Mais de cette puissante ressource, je ne suis ni l’inventeur ni l’initiateur : « Voici ce qu’est l’amour : ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, c’est lui qui nous a aimés et qui a envoyé son Fils en victime d’expiation pour nos péchés. Mes bien-aimés, si Dieu nous a aimés ainsi, nous devons, nous aussi, nous aimer les uns les autres. » (1 Jean 4, 10-11).

Aimer comme nous sommes aimés. Pardonner comme nous sommes pardonnés ! Dans le milieu carcéral, les aumôniers contribuent à la réhabilitation des personnes détenues. Si la phrase est assez courte, la réalité est bien plus longue et complexe. En effet, le pardon n’est pas un tampon de l’administration pénitentiaire… ou de la justice pénale. De toute manière, la justice pénale ne pardonne pas, elle oublie. Le pardon n’est pas l’absolution d’une autorité religieuse qui donnerait l’illusion d’une absence de trajet intérieur pour l’acquérir. Mais pour moi, disciple du Christ, impossible de répondre « non » à la question du pardon, sans être un ignorant de Dieu, car Dieu est espoir de réconciliation. Je pense à ce verset du Psaume 130,3-4 : « Si tu retiens les fautes, SEIGNEUR ! Mais qui subsistera ? Mais tu disposes du pardon et l’on te craindra. »

Ouvrir un chemin de pardon n’est pas une bagatelle, un acte facile et superficiel. Refuser le pardon ne l’est pas moins, car fermer à quelqu’un tout recourt au pardon est un acte contre nature de la connaissance de Dieu, car Dieu est amour. Ce serait gravement ignorer que Qui n’aime pas n’a pas connu Dieu.



Photo: Eric Imseng


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