Vous rappelez-vous les deux arbres, dont nous avons parlé plus tôt (dans les premières lectures de notre
célébration) : dans le livre des Psaumes[1], puis celui du prophète Jérémie[2] ?
Quelles que soient les saisons – bonne ou mauvaise – il servent d’exemple à une
promesse de vivre heureux, dans la fécondité et la paix. Cette promesse,
nous la retrouvons dans les béatitudes de Jésus, que nous lisons ce matin dans l’Evangile de Luc.
Courte
prédication offerte aux détenu.e.s des prisons à Genève. Lecture de l’Evangile
de Luc, au chapitre 6 : les Béatitudes.
Pour le contexte, la version de Luc est différente de Matthieu :
alors que chez Matthieu Jésus « monte dans la
montagne », chez Luc, il en redescend pour chercher un « endroit plat » et accueillir « une grande
multitude du peuple de toute la Judée » qui vient pour l’écouter ou se faire guérir. Le sermon « sur la
montagne » devient ainsi, celui « dans la plaine. »
Alors, Jésus « lève les yeux sur
ses disciples » et enseigne. Mais
l’importance de ces paroles nous concerne encore aujourd’hui. Comme l’a noté un
des meilleurs commentateurs de Luc – François Bovon : « ce message est
universelle… Il n’est pas une confidence d’initiés » !
« Heureux,
vous… » Ces humains heureux, que Jésus en quelque sorte, félicitent, vivent
pourtant bien des épreuves, mais leur félicité n’est pas en péril pour
autant ! Ce n’est pas l’absence de difficultés qui fait leur joie, mais
l’assurance de vivre toujours dans la présence du Seigneur. Elle est leur
confiance et leur consolation !
Mais cette félicité n’est pas que pour eux seuls ! Elle doit être
partagée généreusement ! Quelques lignes plus bas, Luc rapporte une parole
de Jésus qui invite à « être généreux,
comme votre Père est généreux » ! (36).
Et
je me demande : « comment puis-je vivre partagé cela ? (Court échange
avec les détenu.e.s)
« Mais
malheureux, vous… » Si les
béatitudes n’étaient que des « petites pilules roses du bonheur »,
nous pourrions trouver ces mots… amers. Mais Jésus ne gâche pas la fête, au
contraire, il vient frapper la réalité du monde tel qu’il est, il vient avertir
pour fortifier !
Jésus ne parle pas de malheur. Dans le texte original, son expression est
une exclamation qui signifie : « hélas » ! C’est
plutôt une déception : Hélas pour vous… serait une bonne manière de
le traduire.
François Bovon a noté encore que le mot traduit par heureux est
comme « un son joyeux » et que « ce bonheur est immérité, inespéré. » !
Ainsi, cet « hélas pour vous » n’est pas une condamnation,
mais « une fausse note » dans l’harmonie que le Père veut nous
accorder… et que nous ne saisirions pas ! Quel dommage ! Hélas
pour nous!
Pas de condamnation, pas de malédiction non plus ! Quelques lignes
plus loin, nous lisons cet appel de Jésus à « aimer
vos ennemis » (27). Et plus clair
encore, l’apôtre Paul le reprendra ainsi : « Bénissez
ceux qui vous persécutent. Bénissez et ne maudissez pas. » (Rm 12,14).
Et
je me demande : Si les paroles de Jésus peuvent paraître durs… sont-elles
vraiment sans amour ? (échange avec les détenu.e.s)
Le praticien en Communication Non-violente, Thomas d’Asembourg a dit une
béatitude à sa manière, quand il écrit : « Être heureux, ce n’est
pas nécessairement confortable. »
Ces « Hélas pour vous… » que Jésus adresse à la foule, comme à ses disciples – et comme à nous – sont des appels pressant à ne pas manquer ce rendez-vous d’une vie « heureuse » avec Dieu ! Heureuse, dans la joie comme dans la peine.
[1] (Psaume 1, 1-3) :
1Heureux
l’homme qui ne prend pas le parti des méchants (…) 2mais
qui se plaît à la loi du SEIGNEUR et récite sa loi jour et nuit ! 3Il est comme
un arbre planté près des ruisseaux : il donne du fruit en sa saison et son
feuillage ne se flétrit pas. »
[2] (Jérémie 17, 5-8) 5Ainsi parle le SEIGNEUR : Maudit, l’homme qui compte sur des mortels : sa force vive n’est que chair, son cœur se détourne du SEIGNEUR. 6Pareil à un arbuste dans la steppe, il ne voit rien venir de bon (…) 7Béni, l’homme qui compte sur le SEIGNEUR : le SEIGNEUR devient son assurance. 8Pareil à un arbre planté au bord de l’eau qui pousse ses racines vers le ruisseau, il ne sent pas venir la chaleur, son feuillage est toujours vert ; une année de sécheresse ne l’inquiète pas, il ne cesse de fructifier.
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