dimanche 27 février 2022

"Il est où le bonheur, il est où?"...

Vous rappelez-vous les deux arbres, dont nous avons parlé plus tôt (dans les premières lectures de notre célébration) : dans le livre des Psaumes[1],  puis celui du prophète Jérémie[2] ? Quelles que soient les saisons – bonne ou mauvaise – il servent d’exemple à une promesse de vivre heureux, dans la fécondité et la paix. Cette promesse, nous la retrouvons dans les béatitudes de Jésus, que nous lisons ce matin dans l’Evangile de Luc.

Courte prédication offerte aux détenu.e.s des prisons à Genève. Lecture de l’Evangile de Luc, au chapitre 6 : les Béatitudes.

Pour le contexte, la version de Luc est différente de Matthieu : alors que chez Matthieu Jésus « monte dans la montagne », chez Luc, il en redescend pour chercher un  « endroit plat » et accueillir « une grande multitude du peuple de toute la Judée » qui vient pour l’écouter ou se faire guérir. Le sermon « sur la montagne » devient ainsi, celui « dans la plaine. »

Alors, Jésus « lève les yeux sur ses disciples » et enseigne. Mais l’importance de ces paroles nous concerne encore aujourd’hui. Comme l’a noté un des meilleurs commentateurs de Luc – François Bovon : « ce message est universelle…  Il n’est pas une confidence d’initiés » !

« Heureux, vous… » Ces humains heureux, que Jésus en quelque sorte, félicitent, vivent pourtant bien des épreuves, mais leur félicité n’est pas en péril pour autant ! Ce n’est pas l’absence de difficultés qui fait leur joie, mais l’assurance de vivre toujours dans la présence du Seigneur. Elle est leur confiance et leur consolation !

Mais cette félicité n’est pas que pour eux seuls ! Elle doit être partagée généreusement ! Quelques lignes plus bas, Luc rapporte une parole de Jésus qui invite à « être généreux, comme votre Père est généreux » ! (36).

Et je me demande : « comment puis-je vivre partagé cela ? (Court échange avec les détenu.e.s)

« Mais malheureux, vous… » Si les béatitudes n’étaient que des « petites pilules roses du bonheur », nous pourrions trouver ces mots… amers. Mais Jésus ne gâche pas la fête, au contraire, il vient frapper la réalité du monde tel qu’il est, il vient avertir pour fortifier !

Jésus ne parle pas de malheur. Dans le texte original, son expression est une exclamation qui signifie : « hélas » ! C’est plutôt une déception : Hélas pour vous… serait une bonne manière de le traduire.

François Bovon a noté encore que le mot traduit par heureux est comme « un son joyeux » et que « ce bonheur est immérité, inespéré. » ! Ainsi, cet « hélas pour vous » n’est pas une condamnation, mais « une fausse note » dans l’harmonie que le Père veut nous accorder… et que nous ne saisirions pas ! Quel dommage ! Hélas pour nous!

Pas de condamnation, pas de malédiction non plus ! Quelques lignes plus loin, nous lisons cet appel de Jésus à « aimer vos ennemis » (27). Et plus clair encore, l’apôtre Paul le reprendra ainsi : « Bénissez ceux qui vous persécutent. Bénissez et ne maudissez pas. » (Rm 12,14).

Et je me demande : Si les paroles de Jésus peuvent paraître durs… sont-elles vraiment sans amour ? (échange avec les détenu.e.s)

Le praticien en Communication Non-violente, Thomas d’Asembourg a dit une béatitude à sa manière, quand il écrit : « Être heureux, ce n’est pas nécessairement confortable. »

Ces « Hélas pour vous… » que Jésus adresse à la foule, comme à ses disciples – et comme à nous – sont des appels pressant à ne pas manquer ce rendez-vous d’une vie « heureuse » avec Dieu ! Heureuse, dans la joie comme dans la peine.


[1] (Psaume 1, 1-3) : 1Heureux l’homme qui ne prend pas le parti des méchants (…) 2mais qui se plaît à la loi du SEIGNEUR et récite sa loi jour et nuit ! 3Il est comme un arbre planté près des ruisseaux : il donne du fruit en sa saison et son feuillage ne se flétrit pas. »

[2] (Jérémie 17, 5-8) 5Ainsi parle le SEIGNEUR : Maudit, l’homme qui compte sur des mortels : sa force vive n’est que chair, son cœur se détourne du SEIGNEUR. 6Pareil à un arbuste dans la steppe, il ne voit rien venir de bon (…) 7Béni, l’homme qui compte sur le SEIGNEUR : le SEIGNEUR devient son assurance. 8Pareil à un arbre planté au bord de l’eau qui pousse ses racines vers le ruisseau, il ne sent pas venir la chaleur, son feuillage est toujours vert ; une année de sécheresse ne l’inquiète pas, il ne cesse de fructifier.


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