Ai-je
encore faim ? Suis-je rassasié ? Je me souviens d’un petit exercice
pour répondre à la question. Il s’agissait d’un tableau aidant à observer notre
faim et notre satiété. Il comportait une échelle allant de je n’ai pas faim
jusqu’à je suis affamé ! Et de même pour la satiété : de j’ai trop
peu mangé, en passant par j’ai assez mangé, jusqu’à j’ai beaucoup trop mangé !
Et
le but de cet exercice ? Apprendre à être à l’écoute de notre faim réelle
plutôt que de nos envies, reconnaître quand on est rassasié ou que l’on peut
encore manger. Cet apprentissage n’est pas inutile dans un environnement où
l’on nous propose de la nourriture à chaque coin de rue et où l’on pourrait
manger toutes les dix minutes !
Prédication
offerte à l’assemblée paroissiale de Forel. Textes bibliques du jour : Esaïe
55, 1 Jean 4, Evangile selon Jean, 16, 16 à 24.
Un
tel exercice sur la réalité de nos besoins physiques n’est pas sans intérêt non
plus quant à nos besoins spirituels. À l’écoute du texte d’Esaïe, nous sommes
invités à manger des mets savoureux, à étancher notre soif… sans en payer le
prix, c’est offert !
Connaître
ses besoins, c’est d’autant plus nécessaire que l’offre du Seigneur est très
généreuse. Elle n’a rien à voir avec une publicité mensongère – A quoi bon
dépenser votre argent pour ce qui ne nourrit pas . C’est une offre sans
arrière-pensée, une offre de qualité, savoureuse, désintéressée – sans
argent, sans paiement du vin et du lait.
On
va se régaler, bien sûr… mais comme pour la santé de nos aliments physiques, on
peut passer à côté de la santé de nos aliments spirituels, travailler pour ce
qui ne rassasie pas ! Et la clé d’Esaïe, comme dans notre échelle de faim
et satiété, la clé est dans l’écoute de nos besoins réels en Dieu – Ecoutez
donc… venez vers moi, écoutez et vous vivrez. (2-3)
Et
l’invitation a son importance. Plutarque l’écrivait à sa manière : Le
commencement de bien vivre, c’est de bien écouter.
Ecouter
nos besoins réels ? Fort bien, mais est-ce si facile d’avoir une bonne
écoute ?
Et
il y a une difficulté supplémentaire. C’est que les bienfaits de David, que
l’on peut interpréter, à la lumière des Evangiles, comme les bienfaits du
Royaume des cieux, nous sont accordés généreusement, on peut même dire :
avec une générosité déraisonnable… elle est sans limite !
Dans
le « Royaume des cieux du Fils de David », la bonté du Père n’est pas
donnée dans un de ces petits gobelets à rainures, que l’on utilise en cuisine,
pour connaitre le contenu de la recette. Les dons du Christ n’ont pas de
« mesurette » : « Demandez, on vous donnera ; cherchez, vous
trouverez ; frappez, on vous ouvrira. En effet, quiconque demande reçoit, qui
cherche trouve, à qui frappe, on ouvrira. » (Mt 7, 7-8)
Mais
si l’on commettait une erreur ? Eh bien, tant pis – ou plutôt tant
mieux ! Ce sera l’occasion de vivre les mots de la première lettre de
Jean, que nous avons entendu tout à l’heure dans la prière d’humilité : il
y a plus d’amour que de condamnation dans le cœur du Père ! (1 Jn 3,20)
Dieu
plus grand que notre cœur qui nous accuse… comme cela préparait bien son cri du
cœur : Le parfait amour jette dehors la peur ! (18) Vivre la bonne
Nouvelle du Christ dans sa généreuse liberté ne doit pas nous remplir
d’inquiétude, au contraire : la grâce de Dieu – et c’est dit sans
ménagement – eh, bien, la grâce de Dieu la jette dehors, la peur !
Notre
paix est d’avoir trouvé une bonne maison et d’y demeurer : Dieu
demeure en nous, et nous en Dieu. (15) Qui ne désirerait pas habiter une jolie
demeure ? Demeurer, le mot vient simplement de se tenir en sa maison, mais
aussi de rester auprès de quelqu’un. En Christ, nous habitons une maison large
et sûre. En Christ, nous habitons une demeure simple et lumineuse, chaleureuse
et généreuse dans l’accueil de notre prochain. En Christ, notre avenir est
serein parce qu’il y demeure avec nous.
Une
maison sûre, un avenir serein… alors quoi : c’est la « Dolce
Vita » ? Pas vraiment comme la quête infructueuse d’amour et de
bonheur que le film de Fellini décrit, ni comme un « farniente », une
douce paresse oisive…
En
réalité, mieux que ça car, personne ne l’ignore, les jours peuvent être
mauvais ! Dans l’Evangile de Jean que nous lisons, Jésus parle
d’affliction, de deuil, mais aussi d’un « se revoir », d’un cœur qui
va se réjouir, et d’une joie que rien ni personne ne pourra nous enlever !
C’est
le dernier soir avant sa Passion, c’est le soir de tous les espoirs et de tous
les dangers, c’est le soir des dernières paroles à ses disciples, c’est aussi
le soir où Jésus provoque leur incompréhension. : « Qu'a-t-il voulu nous
dire… nous ne comprenons pas ce qu'il veut dire ! » (17-18)
On
pourrait regretter la perplexité des disciples, mais chercher le sens des
paroles du Christ, ça devrait être une évidence et pas un étonnement :
leur incompréhension n’est-elle d’ailleurs pas aussi la nôtre ? « Qu'a-t-il
voulu nous dire ? » N’est-ce pas le meilleur commencement pour discerner
le sens des paroles du Christ ? Ce sera toujours mieux que la trompeuse
assurance qu’on a tout compris de lui !
Les
disciples passeront de l’incompréhension à la foi, et nous avec eux. Désormais
ils ne verront Jésus plus en vision, mais ils le verront en communion, et nous
avec eux ! La joie de la Fête de la Pâque ne nous quitte jamais. Non : on
ne plie pas le décor après la fête. Et oui : la joie du Christ demeure
au-delà du calendrier liturgique une fois passé ! Et cette joie, nul ne nous
la ravira. (22)
Photo: Eric Imseng
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