samedi 15 janvier 2022

“Je te porte dans moi, comme un oiseau blessé...”

Nous venons de lire deux passages de l’Écriture… vous rappelez-vous comment commençait le premier ? "Voici mon serviteur que je soutiens, mon élu qui a toute ma faveur."


Et le texte de L’Évangile, vous rappelez-vous ces dernières paroles ? "Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui je trouve ma joie."


Que le premier parle du serviteur ou le second parle du Fils…. Ces mots expriment la grande satisfaction et l’affection du Seigneur pour l’homme qui s’avance maintenant à la rencontre de Jean Baptiste pour demande à être baptisé par lui.


Courte prédication, dans les prisons à Genève. Le baptême de Jésus… Mais dans la version de Matthieu: textes bibliques : Esaïe 42,1-7 et Matthieu 3,13-17


"Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui je trouve ma joie." Les exégètes ont observé que cette parole serait une combinaison de plusieurs textes prophétiques – dont celui d’Esaïe 42 que nous lisons aujourd’hui. Elle forme ainsi une parole qui présente Jésus comme un fils de roi qui vient en humble serviteur et qui réjouit pleinement le cœur de son Père.


En lisant le début de notre passage de Matthieu, nous voyons Jésus qui s’approche, avec humblement. Une attitude qui contraste avec ce que nous avons entendu un peu plus haut dans la prédication de Jean Baptiste au sujet du Messie Qu’est devenu le jugement ? Où est la hache prête à attaquer la racine des arbres ; tout arbre donc qui ne produit pas de bon fruit va être coupé et jeté au feu. (3,10) Cette absence serait-elle justement l’expression de la grâce que Jésus vient offrir et qui se montre ici, en lieu et place du d’une parole de colère ou d’un geste de condamnation ?


On peut se rappeler ces paroles lues par Jésus dans la synagogue de Nazareth : "L’Esprit du Seigneur est sur moi parce qu’il m’a conféré l’onction pour annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres. Il m’a envoyé proclamer aux captifs la libération et aux aveugles le retour à la vue, renvoyer les opprimés en liberté, proclamer une année d’accueil par le Seigneur. » (Lc 4, 18-19).


Cependant, Jean-Baptiste accueille Jésus en s'opposant à ce baptême et il affirme que c’est à Jésus de le baptiser… et non l’inverse. Jésus a une réponse aussi catégorique qu’énigmatique : "…il convient que nous accomplissions ainsi toute justice." (15) Que peut bien être cette justice qu’il importe d’accomplir ? Matthieu emploie souvent ce mot et dans notre texte, ici cela signifie être fidèle à la volonté de Dieu,  réaliser ce qui aura son approbation, et fera sa joie, justement !


Ainsi, en acceptant de se faire baptisé par Jean Baptiste, contre la raison de sa nature et de sa personne, Jésus consent à faire un geste qui dit sa volonté de s’identifier à la condition humaine qu’il vient rejoindre, non pour la rejeter, mais – on peut le dire : pour s’y immerger pleinement !


Prendre sur lui – j’aimerais dire « en lui » – l’être humain dans son entier : ses échecs, sa beauté, sa faiblesse… est sans doute le désir majeur qui conduit Jésus à vivre le baptême de repentance de Jean-Baptiste. Et de fait : son accueil inconditionnel des pécheurs pour leur annoncer la grâce et l’amour de Dieu - ce qui lui sera reproché constamment - commence en fait ici même !


Et son message est toujours actuel : quelle que soit notre faute, notre erreur, notre faiblesse… Jésus s’approche humblement de chacune et de chacun de nous et il s’immerge avec nous dans la fragilité de notre condition humaine. Il nous y rejoint et il vit avec nous le premier pas de notre restauration, de notre guérison… de notre salut !


Cette disponibilité déterminée à nous rencontrer, là où nous sommes, tels que nous sommes cette profonde intention de restaurer notre personne dans une relation libre et franche avec Dieu : c’est en somme la « marque de fabrique » de ce que Jésus fera tout au long de son ministère… et qui est inauguré ici !


Le titre de cette publication vient d'un poème de Louis Aragon: Il n’y a pas d’amour heureux  écrit en janvier 1943. L'auteur y exprime sa conception de l’amour comme un absolu. Ce plaidoyer à l'amour absolu m'a paru adéquat pour nommer cette médiation de l'amour du Christ à nous accueillir pleinement et jusqu'au bout - y compris jusqu'à donner sa vie.



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