le pardon: il suffit de le prononcer pour entendre l’ampleur qu’il occupe dans les relations humaines !
Le
pardon impossible à donner, celui qu’il faut accorder. Le pardon impossible à
recevoir, celui qu’il faut pourtant accueillir. Le pardon pour guérir, pour se
libérer. Le pardon contraint par le respect de certains principes, une obligation
de fait, le rendant aussi artificiel qu’inopérant !
Et
puis bien sûr, le plus courant, le refus du pardon par crainte de justifier le
mal commis ou de l’encourager. Et encore, les démarches sincères de pardon, mutuel ou solitaire, avec leurs méandres paisibles ou intenses, conduisant à des progrès,
des régressions, voire des abandons…
Et,
enfin, accompagnant chacun de ces trajets, des souffrances, des peurs, de luttes,
des silences étouffants, mais aussi des guérisons, des libertés retrouvées. On
pourrait se demander s’il ne faudrait pas parler DES pardons pour rendre
justice à toutes ces situations et autant de cheminements ?
J’ai
brossé ici, en quelques mots, ce que j’appellerai le pardon de « Madame
et Monsieur tout le monde » que l’on pourrait nommer le pardon éthique. En
particulier, le pardon de celles et ceux qui sont libres de leur mouvements et
décisions, par oppositions à celles et ceux qui, privés de liberté, se tiennent
au quotidien dans les murs de l’enceinte d’une prison.
Pour eux, la question du pardon est tout aussi complexe et vive… Car ces femmes et ces hommes
dont je parle, ont vécu, avant leur incarcération, un parcours judiciaire qui va de l’enquête à la condamnation, en passant par le procès, et qui
est très éprouvant ! Il ne s’agit pas de les plaindre – ils méritent mieux
que ça – mais les citoyens que nous sommes ignorent souvent
combien ce trajet « sous-main de justice » est déjà une peine qu'ils doivent affronter.
Dans
ces lignes qui précèdent, nous réalisons combien le pardon éthique est
prégnant dans toute situation de vie, de la plus anodine à la plus complexe. Cependant,
au cours d’une de mes lectures, j’ai entendu parler d’un pardon plus étonnant
et moins habituel, le pardon juridique ou pénal.
Mais
nous allons le voir, pardon et droit pénal ne font pas ménage commun… Je me
réfère ici à un article d’Alain Papaux, dans la Revue des Cèdres : « le
pardon, un regard de la philosophie du droit. »
L’auteur y indique que nos préoccupations en la
matière, dont j’ai parlé plus haut, ne préoccupe pas le système judiciaire car, précise-t-il, le pardon « n’est pas partie au procès pénal. » L’enjeu
principal d’un procès est d’opposer la société à l’auteur d’un délit ou d’un
crime pour en déterminer les circonstances, la gravité et prononcer une sentence.
Dans cette confrontation, il y a peu ou pas de place
pour les sentiments. Il y a des faits à clarifier, des raisons à nommer, des
intentions à discerner, des témoignages à confronter…. Ainsi, la cause est
entendue : dans cette quête de justice « on entrevoit (...) que le pardon y soit
structurellement non pertinent. ».
Et l’auteur nous révèle encor un autre enjeu : « Si le droit ne pardonne pas, en revanche il oublie. » Mais cet oubli n'est pas un pardon qui ne dirait pas son nom. D’ailleurs, il ne semble pas s’inquiéter d'une quelconque réconciliation entre
les parties au procès.
Ainsi, je comprends cette posture de la justice
comme technique plus qu’éthique. Elle a un mot pour cela : « Il s’agit
d’un oubli public, dénommé prescription. » Lorsqu’elle est prononcée, elle met fin à toute prétention juridique
ou pénale.
En d’autres termes, une fois la peine subie, la
justice cesse de s'inquiéter de vous, elle vous oublie : vous retourner à votre
état de femme ou d’homme libre. Un fait que les honnêtes personnes que nous sommes devraient
se rappeler : l’oubli de la justice renvoie cette personne au même état que
le nôtre, sa liberté retrouvée doit être aussi réelle que la
nôtre !
Mais pour que nos liens avec
celles et ceux qui ont été « oubliés » de la justice soit réellement
pacifiés, il faut encore clarifier un chemin de réconciliation pour « solde de tous compte. »
C’est ce que je me propose de développer dans le second volet de cet article.
Statue de la fontaine de justice - Lausanne.
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