dimanche 25 mai 2025

Jésus, que ma joie demeure...

Ai-je encore faim ? Suis-je rassasié ? Je me souviens d’un petit exercice pour répondre à la question. Il s’agissait d’un tableau aidant à observer notre faim et notre satiété. Il comportait une échelle allant de je n’ai pas faim jusqu’à je suis affamé ! Et de même pour la satiété : de j’ai trop peu mangé, en passant par j’ai assez mangé, jusqu’à j’ai beaucoup trop mangé !

Et le but de cet exercice ? Apprendre à être à l’écoute de notre faim réelle plutôt que de nos envies, reconnaître quand on est rassasié ou que l’on peut encore manger. Cet apprentissage n’est pas inutile dans un environnement où l’on nous propose de la nourriture à chaque coin de rue et où l’on pourrait manger toutes les dix minutes !

Prédication offerte à l’assemblée paroissiale de Forel. Textes bibliques du jour : Esaïe 55, 1 Jean 4, Evangile selon Jean, 16, 16 à 24.

Un tel exercice sur la réalité de nos besoins physiques n’est pas sans intérêt non plus quant à nos besoins spirituels. À l’écoute du texte d’Esaïe, nous sommes invités à manger des mets savoureux, à étancher notre soif… sans en payer le prix, c’est offert !

Connaître ses besoins, c’est d’autant plus nécessaire que l’offre du Seigneur est très généreuse. Elle n’a rien à voir avec une publicité mensongère – A quoi bon dépenser votre argent pour ce qui ne nourrit pas . C’est une offre sans arrière-pensée, une offre de qualité, savoureuse, désintéressée – sans argent,  sans paiement du vin et du lait.

On va se régaler, bien sûr… mais comme pour la santé de nos aliments physiques, on peut passer à côté de la santé de nos aliments spirituels, travailler pour ce qui ne rassasie pas ! Et la clé d’Esaïe, comme dans notre échelle de faim et satiété, la clé est dans l’écoute de nos besoins réels en Dieu – Ecoutez donc… venez vers moi, écoutez et vous vivrez. (2-3)

Et l’invitation a son importance. Plutarque l’écrivait à sa manière : Le commencement de bien vivre, c’est de bien écouter.

Ecouter nos besoins réels ? Fort bien, mais est-ce si facile d’avoir une bonne écoute ?

Et il y a une difficulté supplémentaire. C’est que les bienfaits de David, que l’on peut interpréter, à la lumière des Evangiles, comme les bienfaits du Royaume des cieux, nous sont accordés généreusement, on peut même dire : avec une générosité déraisonnable… elle est sans limite !

Dans le « Royaume des cieux du Fils de David », la bonté du Père n’est pas donnée dans un de ces petits gobelets à rainures, que l’on utilise en cuisine, pour connaitre le contenu de la recette. Les dons du Christ n’ont pas de « mesurette » : « Demandez, on vous donnera ; cherchez, vous trouverez ; frappez, on vous ouvrira. En effet, quiconque demande reçoit, qui cherche trouve, à qui frappe, on ouvrira. » (Mt 7, 7-8)

Mais si l’on commettait une erreur ? Eh bien, tant pis – ou plutôt tant mieux ! Ce sera l’occasion de vivre les mots de la première lettre de Jean, que nous avons entendu tout à l’heure dans la prière d’humilité : il y a plus d’amour que de condamnation dans le cœur du Père ! (1 Jn 3,20)

Dieu plus grand que notre cœur qui nous accuse… comme cela préparait bien son cri du cœur : Le parfait amour jette dehors la peur ! (18) Vivre la bonne Nouvelle du Christ dans sa généreuse liberté ne doit pas nous remplir d’inquiétude, au contraire : la grâce de Dieu – et c’est dit sans ménagement – eh, bien, la grâce de Dieu la jette dehors, la peur !

Notre paix est d’avoir trouvé une bonne maison et d’y demeurer : Dieu demeure en nous, et nous en Dieu. (15) Qui ne désirerait pas habiter une jolie demeure ? Demeurer, le mot vient simplement de se tenir en sa maison, mais aussi de rester auprès de quelqu’un. En Christ, nous habitons une maison large et sûre. En Christ, nous habitons une demeure simple et lumineuse, chaleureuse et généreuse dans l’accueil de notre prochain. En Christ, notre avenir est serein parce qu’il y demeure avec nous.

Une maison sûre, un avenir serein… alors quoi : c’est la « Dolce Vita » ? Pas vraiment comme la quête infructueuse d’amour et de bonheur que le film de Fellini décrit, ni comme un « farniente », une douce paresse oisive…

En réalité, mieux que ça car, personne ne l’ignore, les jours peuvent être mauvais ! Dans l’Evangile de Jean que nous lisons, Jésus parle d’affliction, de deuil, mais aussi d’un « se revoir », d’un cœur qui va se réjouir, et d’une joie que rien ni personne ne pourra nous enlever !

C’est le dernier soir avant sa Passion, c’est le soir de tous les espoirs et de tous les dangers, c’est le soir des dernières paroles à ses disciples, c’est aussi le soir où Jésus provoque leur incompréhension. : « Qu'a-t-il voulu nous dire… nous ne comprenons pas ce qu'il veut dire ! » (17-18)

On pourrait regretter la perplexité des disciples, mais chercher le sens des paroles du Christ, ça devrait être une évidence et pas un étonnement : leur incompréhension n’est-elle d’ailleurs pas aussi la nôtre ? « Qu'a-t-il voulu nous dire ? » N’est-ce pas le meilleur commencement pour discerner le sens des paroles du Christ ? Ce sera toujours mieux que la trompeuse assurance qu’on a tout compris de lui !

Les disciples passeront de l’incompréhension à la foi, et nous avec eux. Désormais ils ne verront Jésus plus en vision, mais ils le verront en communion, et nous avec eux ! La joie de la Fête de la Pâque ne nous quitte jamais. Non : on ne plie pas le décor après la fête. Et oui : la joie du Christ demeure au-delà du calendrier liturgique une fois passé ! Et cette joie, nul ne nous la ravira. (22)



Photo: Eric Imseng


mercredi 14 mai 2025

L' avenir du pardon ?... suite et fin (3)

L'AVENIR DU PARDON... SUITE ET FIN (3)
(Conclusion de deux articles précédents sur la question de la justice pénale et du pardon).
Ainsi donc, la porte du pardon est ouverte, mais il y a un chemin à parcourir, une expérience à saisir pour en faire quelque chose envers celle ou celui qui nous aura blessé. Le pardon n’est ni règlementaire ni automatique…
Comme on l’a dit : « Dieu ne pardonnerait-il pas tout, car c’est son métier ? » Cette provocation dit combien la question du pardon peut-être superficiellement traitée. Avec de tels artifices, on offense... je pense, la valeur existentielle du pardon !
« Dieu peut-il vraiment tout pardonner ? », me demandait plus sérieusement une personne détenue. Après un cours temps de réflexion, je fus étonné – et le détenu avec moi sans doute – de ma réponse : « Non, je ne suis pas sûr que Dieu puisse TOUT pardonner. Mais ce dont je suis absolument certain, c’est que Dieu pardonne à TOUS!
Je reste aussi satisfait que perplexe de ma réponse, mais je la conserve pour la vérité qu’elle dit, à savoir que le pardon n’est pas qu’un fait, une décision que l’on prend ou pas, mais un chemin à parcourir dans un lien d’humanité !
Je cite ici Gislain Waterlot : « Demander pardon, accorder le pardon, c’est entrer dans la profondeur de l’humain, avec tout ce qu’il comporte de grandeur et de fragilité, de contradictions méconnues. Et peut-être que ni le coupable ni la (les) victime(s) ne souhaitent y entrer. La lucidité ferait courir trop de risque »
Cette citation dit la part d’ambivalence de la démarche du pardon : pas un « oui » d’office, pas un « non » d’emblée… Je pense même qu’elle offre la possibilité d’une abstention (que je préférerais au refus). Une manière de prendre notre responsabilité, de retenir le pardon dans un oui, mais de ne pas renoncer pour autant au pardon qui est à souhaiter, désirer. Il viendra sans doute, après un chemin, long, difficile, tortueux, mais il reste possible car, si on ne la franchit pas aujourd’hui… la porte reste ouverte !
Le pardon n’est pas une baguette magique qui transforme tout un instant par son acceptation. Le pardon n’est pas un coup de bâton non plus qui frappe de manière définitive par son refus. Quel que soit le temps qu’il faudra, les difficultés que l’on rencontrera, je pense que le pardon de Dieu ne nous dit pas tu dois, mais nous demande de dire oui et de se mettre en marche…
Une femme écrivaine a dit : le pardon n’est pas au bout du chemin, il est le chemin. Le chemin du pardon n’empêche pas la douleur de la blessure, la souffrance nécessaire qu’il faut pour la guérir. Le chemin du pardon ne nous empêche pas de faire face à notre responsabilité. Mais le chemin du pardon, nous ouvre un avenir.
Je conclue avec cette pensée que j’ai lue quelque part : « Lorsque tu pardonnes, tu ne changes pas le passé, mais tu changes ton avenir ».



La statue de justice - Berne

mercredi 7 mai 2025

Si la justice oublie, qu'en est-il du pardon...? (2)

Après la présentation de « l’oubli juridique » dans le premier volet de cet article, je reviens un peu en amont pour rejoindre l’espace-temps de la vie carcérale, dans lequel les personnes détenues vivent leur privation de liberté. C’est là que je les rencontre : eux, entre quatre murs, moi, entre quatre yeux.

Dans la pratique, la question du pardon est abordée parfois. Elle se formule ainsi : est-ce que peux être pardonné après ce que j’ai fait ? Est-il possible de demander pardon, de l’accepter s’il m’était accordé ? Une question qui a toute sa légitimité, et autant de complexité. Quand elle ose être posée… Car, ce n’est pas toujours aussi clair, reconnaissons-le.

La réponse à cette question m’a demandé un peu de réflexion, je l’avoue. Il fallait donner une réponse aussi authentique que respectueuse pour les personnes impliquées par cette question. Ce ne sont pas les mêmes implications si vous bousculez par mégarde une personne dans la rue… ce qui pourrait se résoudre ainsi : - « Oh pardon » - « Je vous en prie, il n’y a pas de mal… » Mais justement, quand il y a du mal, ce pardon est-il aussi facile à accorder ? Le réalisme – et la décence – plaident pour le non…

Et pourtant, j’ai pris la décision de choisir un chemin vers le oui, pour plusieurs raisons. La première est tout d’abord théologique. Jean Zumstein écrivait : « Que veut-on signifier lorsque l’on parle de pardon ? Cette thématique renvoie fondamentalement à la figure d’un Dieu qui, de façon inattendue, fait l’impasse sur un passé perdu (ou gâché), pour créer un avenir véritable, pour laisser une chance à la vie. La créativité du Dieu de l’Evangile est la créativité de l’amour qui fait toutes choses nouvelles. » 

Cette citation présente clairement le Dieu dont je suis témoin et les implications vers lesquelles elle me presse en tant que disciple du Christ. Jean Zumstein dit très bien encore la « surprise » du pardon dont les Evangiles parle abondamment, en particulier par l’attitude et les paroles de Jésus. 

Une des plus impressionnantes, selon moi, est la parabole du serviteur impitoyable ! (Mt 18,21-35). Au cœur de cette histoire, il y a cet homme menacé de la prison pour rembourser une dette énorme et que son créancier, un personnage important, ému de sa détresse, délivre en annulant sa dette ! Mais ce serviteur, à peine libéré, envoie un de ses collègues qui lui devait beaucoup moins d’argent, en prison, sans aucune compassion !

Il y a beaucoup à dire sur l’attitude de ce personnage important de la parabole qui « passe l’éponge » sur une énorme dette. Mais ce qu’il faut retenir ici est le reproche qui sera adressé à ce serviteur : « Tu as méprisé le don que je t’ai accordé ! » Il n’a rien appris de la valeur de ce geste. Et c’est sans doute la leçon principale de la parabole de Jésus : « Accorderas-tu à autrui la grâce qui t’a été faite ? »


Mais il ne faudrait pas jouer le Nouveau Testament contre l’Ancien sur ce sujet. Parmi les textes bibliques qui se dresseraient contre le refus d’un cheminement vers le pardon, il y déjà le livre des Psaumes, comme : « Si tu retiens les fautes, Seigneur, qui subsistera ? » (Psaume 130,3)


Je poursuivrai et conclurai cette réflexion dans un troisième article à suivre.




Statue de la fontaine de justice - Neuchâtel.

mardi 29 avril 2025

Dieu pardonne, la justice oublie… (1)

Le pardon: il suffit de le prononcer pour entendre l’ampleur qu’il occupe dans les relations humaines !

Le pardon impossible à donner, celui qu’il faut accorder. Le pardon impossible à recevoir, celui qu’il faut pourtant accueillir. Le pardon pour guérir, pour se libérer. Le pardon contraint par le respect de certains principes, une obligation de fait, le rendant aussi artificiel qu’inopérant !

 

Et puis bien sûr, le plus courant, le refus du pardon par crainte de justifier le mal commis ou de l’encourager. Et encore, les démarches sincères de pardon, mutuel ou solitaire, avec leurs méandres paisibles ou intenses, conduisant à des progrès, des régressions, voire des abandons…

 

Et, enfin, accompagnant chacun de ces trajets, des souffrances, des peurs, de luttes, des silences étouffants, mais aussi des guérisons, des libertés retrouvées. On pourrait se demander s’il ne faudrait pas parler DES pardons pour rendre justice à toutes ces situations et autant de cheminements ?

 

J’ai brossé ici, en quelques mots, ce que j’appellerai le pardon de « Madame et Monsieur tout le monde » que l’on pourrait nommer le pardon éthique. En particulier, le pardon de celles et ceux qui sont libres de leur mouvements et décisions, par oppositions à celles et ceux qui, privés de liberté, se tiennent au quotidien dans les murs de l’enceinte d’une prison.

 

Pour eux, la question du pardon est tout aussi complexe et vive… Car ces femmes et ces hommes dont je parle, ont vécu, avant leur incarcération, un parcours judiciaire qui va de l’enquête à la condamnation, en passant par le procès, et qui est très éprouvant ! Il ne s’agit pas de les plaindre – ils méritent mieux que ça – mais les citoyens que nous sommes ignorent souvent combien ce trajet « sous-main de justice » est déjà une peine qu'ils doivent affronter.

 

Dans ces lignes qui précèdent, nous réalisons combien le pardon éthique est prégnant dans toute situation de vie, de la plus anodine à la plus complexe. Cependant, au cours d’une de mes lectures, j’ai entendu parler d’un pardon plus étonnant et moins habituel, le pardon juridique ou pénal.

 

Mais nous allons le voir, pardon et droit pénal ne font pas ménage commun… Je me réfère ici à un article d’Alain Papaux, dans la Revue des Cèdres : « Le pardon, un regard de la philosophie du droit. »

 

L’auteur y indique que nos préoccupations en la matière, dont j’ai parlé plus haut, ne préoccupe pas le système judiciaire car, précise-t-il, le pardon « n’est pas partie au procès pénal. » L’enjeu principal d’un procès est d’opposer la société à l’auteur d’un délit ou d’un crime pour en déterminer les circonstances, la gravité et prononcer une sentence.

 

Dans cette confrontation, il y a peu ou pas de place pour les sentiments. Il y a des faits à clarifier, des raisons à nommer, des intentions à discerner, des témoignages à confronter…. Ainsi, la cause est entendue : dans cette quête de justice « on entrevoit (...) que le pardon y soit structurellement non pertinent. ».

 

Et l’auteur nous révèle encor un autre enjeu : « Si le droit ne pardonne pas, en revanche il oublie. » Mais cet oubli n'est pas un pardon qui ne dirait pas son nom. D’ailleurs, il ne semble pas s’inquiéter d'une quelconque réconciliation entre les parties au procès.

 

Ainsi, je comprends cette posture de la justice comme technique plus qu’éthique. Elle a un mot pour cela : « Il s’agit d’un oubli public, dénommé prescription. » Lorsqu’elle est prononcée, elle met fin à toute prétention juridique ou pénale.

 

En d’autres termes, une fois la peine subie, la justice cesse de s'inquiéter de vous, elle vous oublie : vous retourner à votre état de femme ou d’homme libre. Un fait que les honnêtes personnes que nous sommes devraient se rappeler : l’oubli de la justice renvoie cette personne au même état que le nôtre, sa liberté retrouvée doit être aussi réelle que la nôtre !

 

Mais pour que nos liens avec celles et ceux qui ont été « oubliés » de la justice soit réellement pacifiés, il faut encore clarifier un chemin de réconciliation pour « solde de tous compte. »


C’est ce que je me propose de développer dans le second volet de cet article.


Statue de la fontaine de justice - Lausanne.

vendredi 18 avril 2025

Je te vois mourir sur cette croix... (Une republication)

Combien d’images, d’objets, de scènes peintes… te figent, te dépeignent, te crient ainsi ?

Sur ce bois d’humiliation, je te vois, te laissant engloutir dans la mort.

Mais combien de regards te verront, en cet instant, engloutir toutes nos morts ?

Qui saisira, dans ton abandon souffrant, ta main nous saisissant ?

Abandonné, souffrant, mourant, tu n’es pas devant nous mais en nous, comme nous sommes en toi, abandonnés, souffrants, mourants.

À l’impossible question « Où es Dieu dans les souffrances injustes du monde » ? Tu réponds : « Je suis là, en toi. »

Je me souviens des mots d’Élie Wiesel. Près d’une potence d’Auschwitz, lors d’une exécution par pendaison, un enfant agonisait sans fin… Un des prisonniers, contraint d’y assister avec lui, s’écriait : « Mais où est Dieu ? » Et Élie Wiesel de répondre : « … je sentais en moi une voix qui lui répondait :  Où il est ? Le voici : il est pendu ici, à cette potence ! »

Tu es là, pendu au bois.

A chaque instant de ma souffrance ou lorsque je dois la regarder en face, je te sais en moi.

Tu es là, reconnaissant ce vivre de douleur et d’accablement et le fécondant de ta faiblesse et ton amour.

Je suis là, au pied de ta croix, frappé par l’amertume du monde et te nommant : « Jésus, Fils de David, aie pitié de moi ! »

Tu es là, en croix, habitant la souffrance du monde et me répondant : « Moi je suis la lumière du monde. Celui qui me suit ne marchera pas dans l'obscurité, mais il aura la lumière de la vie. » (Jean 8,12)




samedi 12 avril 2025

Lueurs pascales... (Sur le seuil de la semaine sainte


"Toi, le Christ, tu te charges de ce qui nous charge, au point que, débarrassés de ce qui alourdit notre existence, nous reprenions à tout moment la marche légère de l'inquiétude vers la confiance, de l'ombre vers la clarté de l'eau vive, de notre volonté propre vers la vision de Royaume qui vient.

Alors, bien que nous osions à peine l’espérer, tu offres à chaque être humain d'être un reflet de ton visage."

(Frère Roger, de Taizé)

Photo: Eric Imseng

mercredi 2 avril 2025

La vie que tu t'es imaginée?...

Il y a bien des « vivre » a traverser dans notre existence: joyeux, douloureux, paisibles, patients, animés - très animés (si vous avez été parents, par exemple). Des « vivre » à offrir, à consentir, ... et à choisir.

Cette citation d’Henry James m’accompagne depuis longtemps et elle m’a encouragé à persévérer dans des « vivre » à changer, à transformer, pour passer de la frustration à la création... avec ce brin d’utopie qui précède bien des changements.
 
« La vie que tu t’es imaginée ». Ces passages vers un autre « vivre », j’en ai vécu quelques uns... Jamais facile, comme la pub pour un remède miracle ! 
 
Hésitant et craintif - même incrédule parfois, j'ai fais un premier pas qui semblais me coûter un bras... et puis ça tient, et ça craque, et tu recules, et tu te dis qu'il vaut mieux abandonner. Mais tu reprends, et tu fais deux pas de plus... et encore et encore. 
 
Et puis soudain c’est arrivé! Tu te sens comme après une randonnée en montagne : aussi heureux qu'éreinté... ébloui par le paysage que tu découvres !
 
Et tu découvres le sourire amical de celles et ceux qui, près de toi, ont osé te dire « essaye »... Oui : ce chemin vers ma vie désirée, je pense ne l'avoir jamais atteint seul, même si personne n’a marché à ma place. Encore que parfois... je me rappelle avoir été porté...
 
Alors « vivre la vie que tu t'es imaginée » ce fut pour moi des « ce n'est pas possible » ou des " c'est trop compliqués » qui furent dépassés pourtant. 

J’ai aujourd’hui, ce regard en arrière qui me rappelle que ce "vivre", il m’a fallut autant le conquérir que l’accueillir.


Photo: Eric Imseng



lundi 31 mars 2025

Rancœur... ou Grand cœur?

Lors de mes accompagnements auprès de personnes détenues, je fais face, parfois, aux sentiments négatifs et émotions douloureuses qui les habitent. Par exemple:

La tristesse en parlant des actes délictueux - grave ou moins - qu'ils ont commis.  

La colère lorsque leurs conditions de détentions sont injustes ou brutales. Ou que leur honte ou regrets sont déniés.

La peur à la perspective d'une audience ou d'un jugement. 

Ainsi, les infracteurs de la Loi ne coulent pas forcément des jours tranquilles, comme on pourrait le penser. 

Et j'ai coutume de dire que "je n'ai pas pitié d'eux, car ils méritent bien mieux que ça." Je ne suis pas auprès d'eux pour les plaindre (ce qu’ils ne comprendraient pas d'ailleurs) mais pour leur offrir une main qu'ils peuvent saisir pour s'aider à se relever.

Dans ma petite boîte à outils de l'accompagnant spirituel, j'ai de courtes histoires que je partage avec eux. Elles ont pour tâche de "poser à côté" de la situation ou de leur vécu (comme une parabole) un récit qui ouvrira peut-être à une compréhension nouvelle.

Pour favoriser des émotions pacifiées. Pour faire face et aller de l'avant. Pour progresser vers toujours plus d'authenticité, de courage et de patience.

Voici l'une d'entre elles. Elle m’a été rapportée au sujet de Nelson Mandela :  

"Après être devenu président de l’Afrique du Sud, j'ai demandé à certains membres de mon garde du corps d'aller faire une promenade en ville. Après la promenade, nous sommes allés déjeuner dans un restaurant.

Après un peu d'attente, le serveur est apparu qui portait nos menus. A ce moment-là, j'ai réalisé qu’il y avait un homme seul, à la table d’à côté. J'ai demandé à un de mes garde du corps: va inviter cet homme à nous rejoindre pour le repas.

L'homme s'est levé, a pris son assiette, et il s'est assis à côté de moi. Pendant qu'il mangeait, ses mains tremblaient constamment et il ne relevait pas la tête de sa nourriture. Quand nous avons fini, il m'a salué sans même me regarder. Je lui ai serré la main et il est parti !

Le garde du corps m'a dit : Madiba, cet homme doit être très malade, car ses mains n'arrêtaient pas de trembler en mangeant. Pas du tout, ai-je répondu, la raison de son tremblement est autre. 

Il m’a regardé bizarrement et je lui ai dit: Cet homme était le gardien de prison où j'ai été enfermé. Souvent, après la torture à laquelle j'ai été soumis, je criais et pleurais pour avoir de l'eau et il venait m'humilier :  il riait de moi et au lieu de me donner de l'eau il urinait sur ma tête. 

Non, il n'était pas malade, il avait peur et tremblait en craignant que, maintenant que je suis président, je l'envoie en prison et lui fasse la même chose qu'il a faite avec moi. Mais je ne suis pas comme ça, ce comportement ne fait pas partie de mes choix de vie.

Les esprits qui cherchent à se venger détruisent les États, tandis que ceux qui recherchent la réconciliation construisent les Nations.    

(Source: mur Facebook de Chicali Echeverría Martínez)·

J'ignore si cette anecdote est authentique. Mais elle soutient la conviction qui m’accompagne en écoutant ces moments sombres (et parfois révoltants) de leur vie en prison : leur liberté à faire des choix demeure, quel que soit leur vécu.

Ils ont (et nous avons) toujours le choix de nourrir la force plutôt que la violence, l'autorité plutôt que la brutalité... chercher un cours d'eau qui conduira à la mer plutôt que de jeter notre eau-vive dans un bassin mortifère pour qu'elle y croupisse ! Et qui pourrait ignorer le dur combat que ce choix peut exiger de nous?...

...L’Évangile ne l’ignore pas non plus.

Ne rendez à personne le mal pour le mal ; ayez à cœur de faire le bien devant tous les hommes. S’il est possible, pour autant que cela dépend de vous, vivez en paix avec tous les hommes. Ne vous vengez pas vous-mêmes, mes bien-aimés, mais laissez agir la colère de Dieu, car il est écrit : A moi la vengeance, c’est moi qui rétribuerai, dit le Seigneur. Mais si ton ennemi a faim, donne-lui à manger, s’il a soif, donne-lui à boire, car, ce faisant, tu amasseras des charbons ardents sur sa tête. Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais sois vainqueur du mal par le bien. 

 (L’apôtre Paul, dans sa lettre écrite aux chrétiens de la ville de Rome. Rm 12,21)




lundi 17 mars 2025

JESUS TRANSFIGURÉ... (Luc 9,28-36)

Mais qui es-tu, quand tu parais dans ce vêtement si extraordinaire… ? Quel est ce visage, portant une expression ignorée par ceux qui te voyaient pourtant chaque jour ?

Que signifie tant d’éclat, « brillant comme un éclair » ? C’est le mot de l’Evangéliste Luc, celui dont on use pour décrire les éclats de lumières lorsqu’ils frappent la terre pendant l’orage.
Si ton visage est autre c'est pour m'inviter à te chercher au cœur de mon être. Si ton vêtement n’est pas seulement lumineux… C'est qu'il est comme la foudre qui frappe mon entendement.
Et tous deux viennent ensemble bouleverser ma connaissance du « Christ de Dieu » !
Et me voici de même... transfiguré !


Photo: Eric Imseng

dimanche 2 mars 2025

Les raisins de la colère ?...

Arrivée sur le chant populaire : « Te voici, vigneron », 1 min. puis chuinter après quelques minutes… Mesdames, Messieurs, chers estimés – et estimées – collègues de notre Fédération vaudoise vigneronne, section de Lavaux, je vous salue. 

Ce n’est un secret pour personne :  nous avons le privilège d’œuvrer aux travaux de la vigne dans ce magnifique écrin de lumière et son admirable panorama ; hommes et femmes associés, car on ignore plus la qualité des vins dont sont capable nos vigneronnes, par ici !

Prédication offerte à l’assemblée paroissiale de Lutry, dans une « prédication en JE ». C’est une forme qui fait place à un personnage ou un objet témoin qui se trouve ou non dans le texte biblique que nous lisons. Le projet est de donner à la prédication un relief particulier du fait de cette « mise en scène » – un peu théâtrale…

La vigne n’est pas d’hier… vous avez pu vous en rendre compte à la lecture des textes bibliques qui accompagnaient l’invitation à vous joindre à notre réunion.  Vous n’ignorez pas non plus que, quand la vigne m’en laisse le temps, j’aime à méditer les Ecritures.

Et comment ne pas être ému par ce magnifique poème du bien-aimé et de sa vigne. Hélas : les histoires d’amour finissent mal, en général… comme dit la chanson. Ce chant d’amour est celui d’une espérance déçue, et il se conclue dans la désolation !

Nous savons tous combien notre ouvrage, malgré nos soins et notre compétence, peut être fragile. Et nous pouvons partager la déception du vigneron d’Esaïe : Il en attendait de beaux raisins, il n'en eut que de mauvais. (2) 

Si la vigne est une réalité quotidienne pour nous, pour Esaïe, la vigne est une image… pour parler de la relation de Dieu avec son peuple. Et à cet instant, elle est décevante et produit de l’irritation. Mais avec ou sans vigne, n’en est-il pas de même pour nous : combien de soins portés à nos relations, combien d’affections entretenus avec nos proches ou lointains, nous ont-ils déçus ?

La vigne peut être saccagée par la nature, mais elle l’est plus encore par les lois injustes du marché, les exigences cupides de profit, et tous cela nous donne bien du tourment…  Mais il y a aussi le saccage de nos amours, de nos amitiés, de nos liens, par des lois tout aussi nocives que l’on doit principalement à la dureté de notre cœur. 

La conclusion d’Esaïe en dit la douleur : « Il en attendait le droit, et c'est l'injustice. Il en attendait la justice, et il ne trouve que les cris des malheureux. » (7) Une telle désolation va bien au-delà des regrets que j’ai pu avoir dans mes travaux de la vigne. Comment ne pas penser à notre actualité ? Comment ne pas regretter de voir la patience et la fraternité dans nos liens avec autrui… être de plus en plus laissé à l’abandon ? Mais faut-il renoncer à tout espoir pour autant ?

Les travaux de la vigne sont exigeants : la taille, l’ébourgeonnage, l’effeuillage, et enfin les vendanges… Pour autant que les éléments naturels ne fichent pas tout par terre ! Dans notre métier, il ne faut pas craindre le dur labeur, ni manquer de patience, avoir de la passion pour son ouvrage et le faire avec soin 

Essentiel aussi, il faut pourvoir compter sur de bons ouvriers… Pas des bracaillons, comme on dit chez nous, des ouvriers peu soigneux ou maladroits. Ces gâche métier sont parfois si malhabiles que l’on se demande bien s’ils ont des yeux pour voir…

Tiens, nous y revoilà : les mots de Jésus que nous avons lus tout à l’heure : « Un aveugle peut-il guider un aveugle ? Ne tomberont-ils pas tous les deux dans un trou ? » (39) Quelle efficacité du rabbi de Nazareth : en quelques mots, dire à quel point nous pouvons manquer de bon sens…

Alors comment y voir clair ? Comment prendre soin de sa vigne ? Et plus encore de son prochain ? Mais il y a plus grave que d’être non voyant physiquement, à savoir être aveugle spirituellement : « Qu'as-tu à regarder la paille qui est dans l'œil de ton frère ? Et la poutre qui est dans ton œil à toi, tu ne la remarques pas ? (41)

Si j’entends bien, Jésus s’adresse à qui PEUT voir, mais qui a dans son œil quelque chose qui l’en empêchent. Et pas peu de chose : une poutre dans l’œil ! Vous imaginez l’énormité de la chose… et il y a plus énorme encore : c’est que cet œil du frère (ou de la sœur) qui semble poser tant de problèmes… ce n’est pourtant qu’une paille ! Dans nos relations, nous pouvons être aveuglé par notre suffisance, notre vanité à savoir mieux que quiconque ce qui est bien pour lui, ce qu’il doit penser, dire, faire, changer… croire ? 

Jésus a eu, lui aussi, ses bracaillons : ils les nomment Pharisiens. Leur aveuglement à eux est de se perdre dans les méandres de la Loi au lieu de voir l’essentiel de la miséricorde du Père  : « Guides aveugles, vous filtrez le moucheron mais vous avalez le chameau ! (Mt 23, 24-28) Comme il y va ! Mais que dire d’autre à des exigences et autres bons conseils qui ne mèneront nulle part … sauf au fond du trou ?

Parce que l’enjeu ici est bien de prendre soin de cette vigne qui n’est autre que la vie de Dieu en notre prochain. A ne pas négliger absolument, car notre ignorance, notre cécité, peut coûter cher !

Mais alors, cet « homme au jugement perverti » (42) peut-il être guéri de sa cécité ?  Jésus parle aussi du « vrai disciple », du bon ouvrier du Christ ! D’un arbre qui produira de bons fruits et un trésor dont on recevra du bien ! Et un homme bon qui tirera de son cœur le bien ! Mais comment être « bon » comme un disciple, sans être « vaniteux » comme un pharisien ? Qui est ce disciple « bien formé comme son maître » (41), comment travailler avec le Christ et non contre lui ? 

En reconnaissant que nous sommes aveugles, nous les premiers, que nous avons besoin de recevoir de lui, nous les premiers, la clarté de son Evangile, par grâce et non par mérite. Ce sont les vertus du Christ qui nous rendent aptes à prendre soin d’autrui… et peut-être, si nécessaire, de lui ôter la paille qui est dans son œil.

« Un homme avait un figuier planté dans sa vigne » (Lc 13,9ss). Dans ce même Evangile, Jésus raconte aussi SA parabole du bien-aimé et de sa vigne. Lui aussi décrit l’insuffisance du figuier, mais au « Coupe-le. Pourquoi faut-il encore qu'il épuise la terre ? » (13,7) de SON vigneron, Jésus fait dire au propriétaire de la vigne : « Laisse-le encore cette année, le temps que je bêche tout autour et que je mette du fumier.  Peut-être donnera-t-il du fruit à l'avenir. Sinon, tu le couperas.” » (8)

Jésus dit une parabole de la patience et de l’amour. Il dit une parabole des soins qu’il sait nous donner et qui doivent inspirés les nôtres envers notre prochain. Il nous gardera ainsi d’un zèle amer et stérile… « Car il faut de l'espoir chez celui qui laboure, et celui qui foule le grain doit avoir l'espoir d'en recevoir sa part. (1 Co 9), conclut la lettre de Paul aux Corinthiens. 

Et cet espoir est dans le Christ. Que ce soit la vigne ou le figuier, que nous nous reconnaissions aveugles ou enfin voyant, que les circonstances ou nos relations soient favorables ou non, vivons et travaillons avec l’espoir que tôt ou tard… ça va payer !




dimanche 23 février 2025

Aimez vos ennemis... Au secours!

Mesdames, Messieurs, chers actionnaires, je vous ai convoqué pour une assemblée générale extraordinaire de notre association pour la préservation de la violence dans le monde, car il y a péril en la demeure !

Il était urgent que je vous fasse part de ma vive inquiétude ! Vous avez entendu comme moi, les propos de ce Jésus de Nazareth qui mettent fortement en danger l’avenir de notre association !

En ma qualité de président, vous savez combien j’aime mon métier. Et si je suis d’abord la gifle, la claque, la baffe, avec mon gabarit, je pourrais même être le coup de poing !

Ma motivation pour le geste brutal reste entière ! Mais je dois reconnaître humblement que ma réussite, je la dois aussi à la fructueuse collaboration des humains qui ont souvent cédé à mes sollicitations !

La gifle, la claque, la baffe, pour montrer que l’on ne se laisse pas faire, pour rendre coup pour coup : la brutalité, la violence, et pourquoi pas la guerre ! Ouh, ça me donne des frissons… Bien sûr, cela se produit la plupart du temps si vous leur êtes hostile, mais reconnaissons que parfois, cela peut arriver parce qu’ils sont blessés ou humiliés... Mais quoiqu’il en soit, le but est de faire mal !

Prédication offerte à l’assemblée paroissiale, dans une « prédication en JE ». C’est une forme qui fait place à un personnage ou un objet témoin qui se trouve ou non dans le texte biblique que nous lisons. Le projet est de donner à la prédication un relief particulier du fait de cette « mise en scène » – un peu théâtrale…

D’ailleurs, je m’étonne du choix de notre secrétaire d’assemblée pour les textes que nous avons lu ce matin avant d’ouvrir notre séance : tous semblent aller dans le même sens que ce prophète juif.

Par exemple, tout avait bien commencer pour ce roi David : la main de son lieutenant aurait pu être décisive…Magnifique : une vengeance ! Le roi qui lui faisait du mal était à sa merci, il n’y avait plus qu’à le tuer ! Eh bien non, David l’a épargné et a volé la lance du roi Saül, celle-là même avec laquelle ce roi avait tenté de tuer David…! Qu’est-ce qui a bien lui inspirer une telle attitude envers son ennemi ?

Même un des apôtres du Christ, Paul, dans sa lettre aux romains, s’y met, lui aussi : ne pas se venger, ne pas rendre le mal pour le mal… être vainqueur du mal par le bien ! (Rm 12) Mais où allons-nous, je vous le demande ?

Cependant, je reviens à la principale raison de ma vive inquiétude : dans ses propos, ce prophète galiléen laisse entendre que l’on pourrait ne pas faire mal quand on nous fait mal ! J’espère ne pas trop vous choquer en disant cela, mais il parle d’amour ! À quoi pense ce Jésus en nous appelant à aimer nos ennemis ? 

Certes, il ne s’agit pas d’un amour-passion ni d’un amour-affection, mais tout de même d’une attitude de bienveillance ! Un refus de la violence en réponse à l’hostilité. Excusez-moi de le dire ainsi… mais une action sans haine envers son opposant voire même son bourreau ! Faites du bien à ceux qui vous haïssent, bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient. (27-28) Vous l’avez entendu comme moi : ses disciples ne resteront pas les bras croisés à subir passivement notre violence ! 

Et je vous le dis tout net : s’il réussit, ce Jésus va nous mettre sur la paille !

Et pourtant, tout avait si bien commencé : « A qui te frappe sur une joue, présente encore l'autre (29) Comme c’est bien dit : Jésus nous donnait du boulot ! 

Après une claque, accepter une autre claque, cela nous permettait d’ajouter à cette autre claque, une injure ; et à cette injure, un coup de poing ; et à ce coup de poing… Vous connaissez la suite : l’escalade de la violence, le rêve quoi !

Oui mais, il aurait fallu qu’il s’arrête là ! Je me suis renseigné : il semble bien que l’interprétation de ses paroles ne serait qu’une métaphore pour parler d’autre chose, d’une attitude intérieure, d’une disponibilité justement à ne pas rendre le mal par le mal, de répondre à l’hostilité en réagissant au-delà même des intentions nocives de qui nous ferait du mal ! 

Comme je vous le disais : ce Jésus de Nazareth va nous mettre sur la paille !

Heureusement, il y a un petit espoir : que la plupart des gens qui entendront ses paroles pourraient penser que cela n’a pas de sens, que c’est excessif,  impossible à réaliser !

Mais ce Jésus emploie un mot qui fait un peu chanceler cet espoir, lorsqu’il s’adresse à qui l’écoute : Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle reconnaissance vous en a-t-on ? (32). Et bien que je ne sois qu’une gifle, une claque, une baffe, je suis un peu versée dans l’étude de la langue grecque… 

Et lorsque le texte parle de reconnaissance, c’est un mot qui ne signifie grâce et bienveillance, un mot qui invite à la générosité, la patience, une offre sans mérite pour qui la reçoit ! La grace est une voie ouverte pour vivre l’impossible de Dieu, un chemin libérateur pour qui se reconnait incapable de le suivre. 

Ce sont des mains vides qui reçoive cette grace et ce sont des cœurs humbles qu’elle rend créatifs et féconds ! 

Mais je m’emballe, je m’emballe… Voyez : quand je vous disais que ce Jésus de Nazareth va nous mettre sur la paille !

Mesdames, Messieurs, chers actionnaires de notre société pour la préservation de la violence dans le monde, nous allons passer au vote pour lequel vous avez été convoqués en urgence. 

Mais auparavant, je vous soumets encore la question grave qui se pose à nous :  si l’humanité se mettait à suivre les enseignements de ce Jésus de Nazareth, ne risquons-nous pas de disparaître ? Prendrons-nous la mesure de la menace qu’il représente pour nous ? 

D’ailleurs, vous avez entendu comme moi, ce qu’il en dit : c'est la mesure dont nous nous servons qui servira aussi de mesure pour nous. » (38). Que pensez-vous de cette ultime provocation ?

Quelle sera notre mesure, sa capacité, sa générosité ou sa dureté, sa patience ou sa brutalité ? Je ne vous cacherai pas que notre vote n’est pas sans risque, que notre réponse sera cruciale pour notre prospérité. 

Si Jésus de Nazareth l’emporte sur nos cœurs, aurons-nous encore un avenir ici-bas ?


La gifle, par le peintre Arcabas

"Lueurs au creux de l'ombre"© Une étape, des étapes !...

Je pense que beaucoup reconnaîtront ici la mienne (comme la leur) dans cette photo... Mais pour le livre à écrire, c'est fait! Retour d...