dimanche 27 octobre 2024

MA QUE SPLENDIDO DOTTORE !

CHRONIQUE D'UNE AUMÔNERIE ORDINAIRE en hôpital gériatrique (Publié il y a quelques années déjà, alors que je travaillais en aumônerie hospitalière. Mais c'est ce genre de publications qui fut la source des DIACHRONIQUES)
"Lors de mes dernières visites, je suis accueilli dans le couloir par une dame qui fait de grands gestes admiratifs en ma direction et - en italien - s'enthousiasme : « Ma que bello! Splendido dottore!"
Bien : il n'y sans doute pas de fumée sans feu, mais tout de même : je suis à l'étage des troubles cognitifs... Et, malgré ma "splendeur", j'entreprends un de ces entretiens dont les « petits miracles » de l'écoute centrée sur la personne m'ont ouverts quelques secrets.
Je prends congé. Poursuis mes visites. Et, au détour d'un passage dans le couloir, qui donc j'aperçois, s'extasiant pour un autre inconnu de passage ? Oui, vous avez deviné : "Ma que bello! Splendido dottore!" 😇

Quel bien beau métier: avec ses étrangetés, ses joies et peines, ses duretés parfois, mais non dénué d'humour, aussi." 


Le Notre Père du prisonnier (6 - Donne-nous aujourd'hui notre pain...)

Nouvelle publication des courtes prédications offertes aux détenus.e.s des prisons à Genève sur chacune des paroles du Notre Père, dans l’Évangile selon Matthieu (6, 9-13).

Pour ceux qui l’ignorerait, les conditions de l'organisation des célébrations dans les prisons limitent la durée de leur déroulement. Et je n'ai que 5 minutes (avec sa traduction anglaise) pour partager une prédication avec les détenus.

Le titre de ces articles me vient d'une prière du Frère Dominicain Philippe Maillard: Le Notre Père du prisonnier (ou la prière des sans voix). Aujourd'hui décédé, il fut très engagé auprès des personnes en situation de précarité.

Il a laissé une magnifique paraphrase du Notre Père que j'ai également publié dans un article précédent. 

Mais pour le moment...    

 

"Notre Père ..., 

donne-nous  aujourd'hui le pain dont nous avons besoin" (11)

Nous écoutons quelques mesures d’un chant très populaire. (Notre musicien jours quelques accords de We shall overcome…) Le reconnaissez-vous ?

We Shall Overcome est une chanson de protestation, mais qui est d’abord un chant Gospel. Elle était chantée, comme hymne, lors des marches du Mouvement des droits civiques aux États-Unis, dans les années soixante.

Maintenant, vous vous demandez peut-être : mais qui y a-t-il de commun entre ce chant et la demande du Notre Père que nous lisons aujourd’hui ?

Tout d’abord, la demande à Dieu du pain dont nous avons besoin, n’est pas un cri désespérée, mais une demande lucide et confiante, malgré les manques, les difficultés, les doutes…

Cette demande du Notre Père rejoint ainsi ce chant qui dit aussi sa confiance et sa détermination à poursuivre sa lutte, malgré les circonstances difficiles.

Comme ce chant proteste contre l’injustice, la demande à Dieu nous engage envers notre prochain. Ce chant dit l’assurance d’une issue victorieuse, mais il l’exprime sans violence… et cette demande à Dieu du pain de ce jour se prononce avec la paix du cœur !

Mais de quel pain parlons-nous dans notre prière ? Mais de quelle victoire parle ce chant ?

Cette demande du Notre Père n’est pas une espèce d’assurance tous risques... le pain de Dieu n’est pas automatique : comme si on pouvait le retirer, pour un peu d’argent, dans un appareil…. Le pain de Dieu est un pain de vie pour notre vraie vie !

En nous enseignant une telle prière, Jésus nous invite à demander au jour le jour la nourriture dont nous avons besoin, avec la certitude que Dieu la donnera au jour le jour – comme il a nourri Israël de la manne, au désert, recueillie jour après jour – texte que nous avons lu tout à l’heure.

Mais ce pain qui tombe du ciel sur la faim du peuple est bien plus qu’un exploit… C’est une expression de la grâce de Dieu, qui nous donne chaque jour ce dont nous avons besoin, même lorsque nous demandons mal… ce que le contexte du livre de l’Exode vous indiquera…

Le pain de Dieu ? Philippe Zeissig le décrivait comme « …immense, qui comprend l’espérance, l’amitié, le sens profond de la vie, tout ce qui nous est indispensable pour vivre, c’est-à-dire pour être bien autre chose qu’un tube digestif : un être humain ! »

Ainsi , la question de la nature de ce pain nous conduit à notre attitude lorsque nous le demandons.

Demandez du pain à Dieu ? Certains pères de l’Église ont doutés que Jésus ait pu avoir une demande aussi « triviale »…. Et ils ont pensé que ce pain ne pouvait être que spirituel…

C’est un peu comme si notre chant de tout à l’heure se contentait de proclamer une victoire, sans aucun effet dans la vie réelle !

C’est le moment de ne pas fuir la réalité. C’est le moment de rappeler que notre chant était chanté au milieu d’opposants, de dirigeants hostiles, de policiers…

C’est le moment de rappeler que le pain nécessaire à notre vie peut être donné par Dieu, au milieu des difficultés que la condition humaine nous impose…

Ainsi, le courage des militants entonnant ce protest-song n’est pas si éloignée du courage des chrétiens à demandant à Dieu le pain de ce jour…

Et ce courage a sa conséquence : le partager ! Jésus ne dit pas mon pain mais notre pain… Aujourd’hui, des millions d’humains ont faim de pain… et notre demande à Dieu du pain de ce jour nous engage à agir, à lutter, à protester, pour que ce pain ne soit pas soustrait de la bouche de chacun et chacune de nos frères et sœurs en humanité !

C’est la cupidité de certains hommes qui font du profit leur pain de ce jour… et non la négligence de Dieu Notre Père qui prive l’humain de son pain nécessaire. Ainsi, dire « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour » c’est dire aussi : « Apprends-nous à partager avec mon prochain, le pain de ce jour » !



dimanche 13 octobre 2024

Il ne suffit pas de me dire: Seigneur, Seigneur...

Le Seigneur parle. Et s’il est vrai que c’est une image… elle est parlante ! La Parole de Dieu, ce ne sont pas que des mots, nous l’avons lu tout à l’heure au début de ce culte, sa Parole vivante, vivifiante, est capable de féconder la Création comme d’inspirer une vie humaine. Faut-il rappeler que la Création est sortie toute entière de sa Parole : « … et Dieu dit : « Que la lumière soit ! » Et la lumière fut. » (Gn 1,3). Mais dans le livre du Deutéronome que nous venons de lire, le Seigneur semble ajouter : « Si je te parle, écoute-moi. »

Prédication offerte à la communauté paroissiale de Savigny-Forel. Les textes bibliques sont le livre du Deutéronome, chapitre 11, la première lettre de Jean, au chapitre 3 et l'Evangile selon Matthieu, au chapitre 7.

Ecouter, ce verbe est lié intimément à la Parole de Dieu. Quelques chapitres plus haut, nous pouvons lire le fameux Sheema Israël : « Ecoute Israël, le Seigneur notre Dieu est le Seigneur UN. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu… » Lorsque le Seigneur parle, il nous demande une écoute qui n’est pas qu’une simple attention, mais une communion dans un amour réciproque. Ce que la première lettre de Jean appliquera à nos relations  : « Nous savons que nous sommes passés de la mort dans la vie, puisque nous nous aimons les uns les autres … » (1 Jn 3,14)

Ainsi donc, faut-il vraiment obéir à Dieu ? Notre passage du Deutéronome parle de garder ses observances (1), d’écouter vraiment ses prescriptions (13)… des verbes qui me semblent aller bien au-delà de la simple soumission à des ordres ? En somme, nous penchons sur une parole qui porte au-delà de mots comme des gestes ordinaires… le mot juste pour la qualifié est sans doute que nous sommes à l’écoute d’une parole prophétique. À savoir une parole qui vient de Dieu, nous atteint, pour nous amener ou nous ramener à lui !

Il ne suffit pas de dire… Ce n’est pas assez de faire…

Vous avez sur votre feuillet une icône du Christ enseignant. Elle a été peinte par une collègue catholique des aumôneries qui me l’a offerte à l’occasion de ma consécration au ministère.

Enseigner, c’est ce que précisément Jésus est en train de faire, dans ce premier discours, le Sermon sur la montagne, rassemblé par Matthieu. Une icône, comment la regarder ? Il s’agit de la lire… et de l’interpréter. Elle nous ouvre à la prière et à la contemplation. Et elle conduira la méditation de ce matin. A commencer par cette main droite du Christ qui bénit.

Sa main nous parle en effet : elle nous dit du bien du Père, de nous ; elle dit du bien de l’amour, du don de soi… Cette main qui bénit et nous ouvre un avenir, le Christ nous la tend. Elle est pétrie de l’amour du Père pour nous. Mais cette main qui nous bénit peut aussi nous saisir avec une autorité qui, parfois, peut « pincer » un peu… Comme lorsque Jésus dénonce des faiseurs de miracles frauduleux... L’Amour ne fait pas de mal, mais il peut faire mal.

C’est une main qui rejoint notre passage du Deutéronome lorsqu’il annonce que la loi de Dieu sera dans notre cœur ; c’est une main qui inspirera la première lettre de Jean, nous enjoignant de vivre notre amour en actes de charité; c’est une main qui nous conduit auprès de son Père qui est aux cieux pour qu’il devienne le nôtre. La main bénissant du Christ nous soutient lorsque nous vivons son Evangile, non comme une lassitude ou une contrainte, mais avec des paroles et des gestes que Jésus reconnaitra pour les siens !

Comment faire la volonté de mon Père qui est aux cieux ?

Sur notre icône, il y a ce Christ debout, mais qui est généralement représenté en buste comme ici. Debout, il symbolise le Christ, comme l’humain dans sa complétude, à la fois masculin et le féminin, humain et divin, roi et serviteur, donnant au monde la lumière de sa sagesse. Ressuscité, il est serein et non plus souffrant sur la croix, comme en témoigne son visage à l’autorité tranquille.

Quelle intéressante introduction à cette question de comment faire la volonté de Dieu ? Car notre réponse s’inspire de la contemplation de cette icône : faire la volonté de Dieu, non comme une liste d’obligations à réaliser dans la peur, ou la contrainte, ou la colère… Mais dans le désir de la vivre en communion avec le Père qui est aux cieux, en cheminant avec le Christ, en lien avec nos frères et nos sœurs dans un amour authentique. Une volonté de Dieu qui ne se « fait » pas, parce qu’elle remplit notre être tout entier.

Être « … un homme avisé qui a bâti sa maison sur le roc. »

Enfin sur notre icône, il y a ce livre dans la main du Christ, dont les lettres peuvent être celles des logion de Jésus… comme par exemple : Je suis la lumière du monde, ou encore : Je suis le chemin, la vérité, la vie.

Mais ce livre, ce n’est pas seulement l’Evangile, c’est aussi le livre de la vie, le livre de notre vie dans l’amour et la pensée du Christ. Ce livre, comme notre vie, le Christ le tient avec douceur et autorité sur son bras et il le présente au monde, comme pour dire : voyez : ils sont « le sel de la terre », Ils sont « la lumière du monde. » (Mt 5,13)

Ainsi, les paroles de ce livre ici, ont été choisis en lien avec ma vocation. C’est l’appel que le Christ m’a adressé, il y a plus de trente ans, et c’est encore son bras qui m’a porté, soutenu, qui s’est posé sur moi pour me consoler ou m’encourager.

Ici encore, la lecture de cette icône nous ouvre un chemin que les mots ne contiennent pas toujours. « L’homme avisé qui construit sa maison sur le roc », ne fait que bâtir…  Il laisse la parole vivifiante du Christ l’édifier avec lui ! Il ne met pas les paroles du Christ en pratique pour satisfaire le maître, il œuvre avec lui ! Le roc de la parole du Christ, c’est le souffle de sa vie, sa présence, au quotidien, dans notre vie – que ce quotidien soit doux ou amer, joyeux ou triste, compliqué ou apaisé...

BÂTIR sa maison sur le roc, c’est avoir premièrement « … poser le fondement… Jésus le Christ », dont parle l’apôtre Paul (1 Co 3,10-11). Ce sera lui, et personne d’autre, qui assurera la solidité de notre maison et son avenir.


Une icône du Christ enseignant 


Il a jeté les puissants à bas de leurs trônes et il a élevé les humbles...

C'est l'histoire d'une trêve. Que j'avais demandée. C'est l'histoire d'un soleil. Que j'avais espéré. C'...