Nouvelle publication des courtes prédications offertes aux détenus.e.s des prisons à Genève sur chacune des paroles du Notre Père, dans l’Évangile selon Matthieu (6, 9-13).
Pour ceux qui l’ignorerait, les conditions de l'organisation des célébrations dans les prisons limitent la durée de leur déroulement. Et je n'ai que 5 minutes (avec sa traduction anglaise) pour partager une prédication avec les détenus.
Le titre de ces articles me vient d'une prière du Frère Dominicain Philippe Maillard: Le Notre Père du prisonnier (ou la prière des sans voix). Aujourd'hui décédé, il fut très engagé auprès des personnes en situation de précarité.
Il a laissé une magnifique paraphrase du Notre Père que j'ai également publié dans un article précédent.
Mais pour le moment...
"Notre Père ...,
donne-nous aujourd'hui le pain dont nous avons besoin" (11)
Nous écoutons quelques mesures d’un chant très populaire. (Notre musicien jours quelques accords de We shall overcome…) Le reconnaissez-vous ?
We Shall Overcome est une chanson de protestation, mais qui est d’abord un chant Gospel. Elle était chantée, comme hymne, lors des marches du Mouvement des droits civiques aux États-Unis, dans les années soixante.
Maintenant, vous vous demandez peut-être : mais qui y a-t-il de commun entre ce chant et la demande du Notre Père que nous lisons aujourd’hui ?
Tout d’abord, la demande à Dieu du pain dont nous avons besoin, n’est pas un cri désespérée, mais une demande lucide et confiante, malgré les manques, les difficultés, les doutes…
Cette demande du Notre Père rejoint ainsi ce chant qui dit aussi sa confiance et sa détermination à poursuivre sa lutte, malgré les circonstances difficiles.
Comme ce chant proteste contre l’injustice, la demande à Dieu nous engage envers notre prochain. Ce chant dit l’assurance d’une issue victorieuse, mais il l’exprime sans violence… et cette demande à Dieu du pain de ce jour se prononce avec la paix du cœur !
Mais de quel pain parlons-nous dans notre prière ? Mais de quelle victoire parle ce chant ?
Cette demande du Notre Père n’est pas une espèce d’assurance tous risques... le pain de Dieu n’est pas automatique : comme si on pouvait le retirer, pour un peu d’argent, dans un appareil…. Le pain de Dieu est un pain de vie pour notre vraie vie !
En nous enseignant une telle prière, Jésus nous invite à demander au jour le jour la nourriture dont nous avons besoin, avec la certitude que Dieu la donnera au jour le jour – comme il a nourri Israël de la manne, au désert, recueillie jour après jour – texte que nous avons lu tout à l’heure.
Mais ce pain qui tombe du ciel sur la faim du peuple est bien plus qu’un exploit… C’est une expression de la grâce de Dieu, qui nous donne chaque jour ce dont nous avons besoin, même lorsque nous demandons mal… ce que le contexte du livre de l’Exode vous indiquera…
Le pain de Dieu ? Philippe Zeissig le décrivait comme « …immense, qui comprend l’espérance, l’amitié, le sens profond de la vie, tout ce qui nous est indispensable pour vivre, c’est-à-dire pour être bien autre chose qu’un tube digestif : un être humain ! »
Ainsi , la question de la nature de ce pain nous conduit à notre attitude lorsque nous le demandons.
Demandez du pain à Dieu ? Certains pères de l’Église ont doutés que Jésus ait pu avoir une demande aussi « triviale »…. Et ils ont pensé que ce pain ne pouvait être que spirituel…
C’est un peu comme si notre chant de tout à l’heure se contentait de proclamer une victoire, sans aucun effet dans la vie réelle !
C’est le moment de ne pas fuir la réalité. C’est le moment de rappeler que notre chant était chanté au milieu d’opposants, de dirigeants hostiles, de policiers…
C’est le moment de rappeler que le pain nécessaire à notre vie peut être donné par Dieu, au milieu des difficultés que la condition humaine nous impose…
Ainsi, le courage des militants entonnant ce protest-song n’est pas si éloignée du courage des chrétiens à demandant à Dieu le pain de ce jour…
Et ce courage a sa conséquence : le partager ! Jésus ne dit pas mon pain mais notre pain… Aujourd’hui, des millions d’humains ont faim de pain… et notre demande à Dieu du pain de ce jour nous engage à agir, à lutter, à protester, pour que ce pain ne soit pas soustrait de la bouche de chacun et chacune de nos frères et sœurs en humanité !
C’est la cupidité de certains hommes qui font du profit leur pain de ce jour… et non la négligence de Dieu Notre Père qui prive l’humain de son pain nécessaire. Ainsi, dire « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour » c’est dire aussi : « Apprends-nous à partager avec mon prochain, le pain de ce jour » !
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