dimanche 13 juillet 2025

« Parle Seigneur, ton serviteur écoute... »

Marthe et Marie…  Ce texte est sans doute un des plus « populaires » des Evangiles. Il choque ou enthousiasme, mais ne laisse pas indifférent.

L’accueil de Marthe et l’écoute de Marie, que n’a-t ’on pas dit ou écrit à leur sujet ! Iinterprété symboliquement, Clément d’Alexandrie a vu en Marthe la Synagogue et en Marie l’Eglise. Origène les a opposées : Marthe, les excès de la vie active ; Marie, les bienfaits de la vie contemplative.

Les Réformateurs, à commencer par Martin Luther, ont perçu en Marthe la justification par les œuvres et en Marie, celle par la foi. Plus proche de nous, les modernes ont vu en elles tantôt la soumission de l’aînée et la rébellion de la cadette, tantôt la femme soumise en Marthe et libérée en Marie, ou encore Marthe la conservatrice et Marie la féministe.

Aussi, que peut-on ajouter à cela… et le faut-il ? Pour moi, j’aimerais lire ce texte tel qu’il se présente à nous et apprendre de chacune d’elle quelque chose sur nous-même.

Car l’attitude de Marthe n’est pas fautive. Elle est tout entière dans la distribution coutumière des rôles de l’époque. Si Jésus prend la défense de Marie, il ne rejette pas l’hospitalité de Marthe. C’est l’occasion pour lui d’affirmer son refus de priver toute femme de son enseignement, de lui accorder une position de disciple à part entière, avec sa légitimité au savoir théologique.

Dans ce texte, le choix de la tâche ou de l’écoute reste libre pour l’une comme pour l’autre. Daniel Marguerat l’a souligné avec finesse : « Se consacrer aux tâches de l’hospitalité est un choix, pas un destin. »

Marthe et Marie, c’est une leçon domestique qui nous ouvre un avenir spirituel. L’essentiel est dans cet appel à donner de l’attention à notre relation avec le Christ pour donner du sens à notre action.

« Marthe le reçut dans sa maison. (…) Marie, assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole. » Luc fait rapidement les présentations et distribue les rôles. Ensuite, dit de manière un peu moderne, nous allons être amener, par leur exemple, à revoir nos priorités.

Alors, où est la priorité : accueillir le Christ « en grandes pompes » ou être assis « à ses pompes » ? Serait-ce donc dans notre relation de disciple avec lui que ce « nécessaire » se situe ? Jésus n’est-il qu’un nom dans le credo, un mot habituel qui ponctue notre prière, le chapitre d’un dictionnaire biblique, une image pieuse ?... Ou entretenons-nous un lien d’intimité spirituelle profonde avec le Christ ?

Alors, quel est ce « nécessaire » à privilégier dans l’activité du quotidien ? Et puisque je suis, ici, le cordonnier… nous allons voir si j’étais si mal chaussé !

Vous l’imaginer bien, mon ministère dans les aumôneries n’a pas été de tout repos. Il y avait parfois tant à faire, avec un agenda débordant et des journées – voire des semaines – si courtes pour en venir à bout…

Harassé, comme pouvait l’être Marthe, frustré de me sentir « si seul » pour préparer toute ces bonnes choses en faveur du Maître, je pensais : il va se régaler, c’est sûr, avec tout ce que j’entreprends pour l’honorer… Mais moi, je ne rigole pas !

Et puis, enfin, il y avait ce moment où je venais m’assoir aux pieds de Jésus… en lui demandant pardon. Oui, pardon : pardon de le faire passer pour un si piètre ami, un si mauvais Maître, comme s’il abrutissait ses disciples de tâches, de stress, d’angoisse ! Après la suractivité de Marthe, je trouvais enfin le repos de Marie auprès de lui, une parole réconfortante sans jugement, une parole amicale sans complaisance, que je recevais dans l’intimité de mon cœur… en sa présence .

Sa présence nous soufflant sa Parole est sans doute cette unique chose « qui est nécessaire ». Car si Jésus n’est pas qu’un nom, sa parole, ce n’est pas que des mots. Marie ne s’y est pas trompée. C’est une parole qui a sa source dans son Père qui est dans les cieux, celle que nous entendions tout à l’heure dans livre d’Esaïe. J’ai envie de dire : Tel Père, tel Fils… Une même autorité, une même fécondité, pour réaliser en nous le bien qu’il veut pour nous.

« Elle a choisi la bonne part, celle qui ne lui sera pas enlevée. » Aux pieds du Christ, à l’écoute de sa Parole, nous choisissons la meilleure préoccupation, celle qui va nous instruire et nous soutenir, quelles que soient les circonstances.

Outre nos préoccupations abusives, les épreuves de la vie ne manquent pas, ni les soucis, ni les craintes, ni enfin le « dernier ennemi », la mort. Autant « d’agitation et d’inquiétude pour bien des choses », qui pourrait nous ravir notre joie et notre confiance en Dieu.

Persévérer à écouter et servir sa Parole en sa présence, voilà une « bonne part », qui pourrait bien réconcilier tout le monde : les écoutant comme les agissant…

Car ne sommes-nous pas tous dans le même panier, lorsque Jésus nous avertit qu’ « Il ne suffit pas de me dire Seigneur… Il faut faire la volonté de mon Père. » (Mt 7,21) ?

Ne sommes-nous pas tous dans le même panier, lorsque Paul, nous appelle à la bienveillance dans nos propos, à une parole assaisonnée de sel  ?

Ne sommes-nous pas tous dans le même panier lorsque l’apôtre Jean veut nous éviter le piège d’une parole sans âme ni geste de grâce : « Mes petits-enfants, n'aimons pas en paroles seulement, mais en acte et dans la vérité. » (1 Jn 3,18) ?

Alors, oui, « Parle Seigneur, ton serviteur écoute. » (1 S 3,9-10).  Amen.


Illustration: Icône de tradition byzantine.

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« Parle Seigneur, ton serviteur écoute... »

Marthe et Marie…  Ce texte est sans doute un des plus « populaires » des Evangiles. Il choque ou enthousiasme, mais ne laisse pas indifféren...