Avez-vous entendu parler de la marche du sel ? Conduite par Gandhi le 12 mars 1930, elle fut une manifestation historique vers l'indépendance de l'Inde. Cette marche débuta au nord-ouest du pays, accompagnée de quelques disciples et journalistes. Après un parcours à pied de près de 400 km, c’est plusieurs milliers de participants qui arrivent le 6 avril au bord de l'océan indien!
Alors, Gandhi s’avance dans l'eau
et recueille dans ses mains un peu du sel contenu dans sa main. Par ce geste,
il encourage ses compatriotes à défier le monopole de l’État sur la
distribution du sel qui leur impose un impôt inique, y compris aux plus pauvres,
et leur interdit d'en récolter eux-mêmes.
Sur la plage, la foule imite le
Mahatma et recueille de l'eau salée dans des récipients. Leur exemple est suivi
partout dans le pays : les Indiens font évaporer l'eau et collectent le
sel au vu et au su des autorités Britanniques. Il y aura plus de 60 000
arrestations Gandhi lui-même est arrêté et passera neuf mois en prison.
Mais le vice-roi des Indes devra
reconnaître son impuissance à imposer cette loi au peuple indien. Cédant aux
injonctions du Mahatma, il libère tous les prisonniers et accorde aux Indiens
le droit de collecter eux-mêmes le sel.
Prédication offerte aux communautés paroissiales de Pully-Paudex, le dimanche 14 juillet 2024. Nous lisons dans l’Evangile selon Matthieu, au chapitre 5, les versets 13 à 18. Et le livre d'Esaïe 58,6-9, avec la lettre aux Philippiens 2,12-18.
« Vous
êtes le sel de la terre… Vous êtes la lumière du monde… » Ces
deux affirmations de Jésus nous rappellent que notre présence dans le monde
n’est pas insignifiante : elle est porteuse de valeur pour la terre que
nous habitons ; elle est porteuse de sens pour le monde qui nous entoure…
Et
comment ne pas voir dans la marche du sel de Gandhi, et ses effets déterminant
pour la vie du peuple indien, un exemple saisissant de cette parole du
Christ !
« Vous
êtes le sel de la terre… » Ce vous
êtes, Jésus ne le dit pas pour la première fois : Il faut se rappeler que
notre lecture se situe juste après les Béatitudes, rythmées comme nous le
savons par de nombreux « Vous êtes » : « Heureux… Doux… Consolés…
etc. »
Autant
de « vous êtes », qui donne clairement une
priorité à notre être sur le faire, sur
notre être avant de faire… Être « pauvre de
cœur » pour nous ouvrir toutes grandes les portes du Royaume
des Cieux, avec sa saveur comme sa clarté.
La
symbolique religieuse du sel était fort répandue dans le monde antique, aussi
l’image employée par Jésus parlait-elle beaucoup pour qui l’entendait.
Pour
nous, aujourd’hui, le sel c’est la saveur, mais à l’époque le sel était encore
utile à la conservation des aliments. Et il avait un prix ! Et il était
précieux !
Mais
le sel peut-il réellement perdre sa saveur ? Normalement pas : il peut la
conserver pendant des années, exception faite de certaines qualités, comme le
sel de mer par exemple.
Peut-être
Jésus pense-t-il à celui récolté au borde de la mer morte et qui était d’une
qualité incertaine ?... Mais son « perdre sa saveur », doit
d’abord s’appliquer dans un sens figuratif : l’expression parle d’être
« ahuri » ou plus encore, d’être « devenu fou »…
Dans
la lettre aux Romains, l’apôtre Paul parlera ainsi de « fous » qui
n’ont rendu à Dieu…
ni la gloire ni
l'action de grâce qui lui reviennent ; au contraire, ils se sont fourvoyés dans
leurs vains raisonnements et leur cœur insensé est devenu la proie des
ténèbres (Rm 1,22)
Et
d’ailleurs, dans la littérature biblique, le sel purifie aussi, comme lors
d’une offrande faite au Seigneur, dans le livre du Lévitique, par exemple
(2,13) : Sur
toute offrande que tu présenteras, tu mettras du sel ; tu n'omettras jamais le
sel de l'alliance de ton Dieu sur ton offrande ; avec chacun de tes présents,
tu présenteras du sel.
Ce
sel de l’alliance avec notre Dieu en Jésus Christ rend possible la purification
de notre offrande, de nos intentions, de nos gestes. C’est la saveur de la
sagesse et de l’amour du Christ qui nous distanciera des « vains
sacrifices. » Elle gardera saine notre motivation pour donner au monde le
goût du Royaume des Cieux.
Les
folies du monde ne nous demandent-elles pas de leur ôter leur fadeur, leurs
« fadaises »… pour préserver la saveur et le sens de notre
création ?
« Vous
êtes la lumière du monde… » La première
illustration de cette ville située sur une hauteur dit bien la difficulté de la
cacher à la vue du monde.
On
ne peut pas cacher l’Evangile aux yeux du monde, mais on peut l’obscurcir… Il y
a dans cette lumière cachée « sous le boisseau »
quelque chose de notre ambivalence entre la réalité de l’Evangile et notre
manière de le vivre, de le donner à voir.
Dans
le contexte immédiat de notre lecture, Jésus avertit clairement que notre œil
pourrait bien être malade et de ce fait notre corps tout entier ! « Si donc
la lumière qui est en toi est ténèbres, quelles ténèbres ! » (Mt
6,21)
Mais
restons positifs, et regardons les œuvres bonnes dont parle le texte d’Esaïe
que nous venons de lire. Il parle du « jeûne que je
préfère »… et décrit un engagement envers les plus vulnérables, les
plus faibles, les opprimés…
Plus
qu’une simple transaction religieuse pour être en ordre avec le règlement… le
jeûne apprécié par le Seigneur, ce sont des actes emprunts d’authenticité et de
miséricorde.
Une
pensée que rejoint encore une autre parole du Christ dans le sermon sur la
montagne que nous lisons, où il dénonce justement un « jeûne
des hypocrites » (Mt 6,16ss)… qui prennent soin de leur
apparence, mais négligent le sens et les conséquences profondes de leur
acte !
Bien
sûr que nous ne sommes pas – et de loin – à la hauteur de la tâche… Mais les
paroles du Christ, comme celle d’Esaïe, ne nous condamne pas ! Ce n’est
pas la perfection qui fait notre lumière, mais la miséricorde de Dieu !
Et cette joie
de la grâce que Dieu nous accorde, nous l’avons entendue dans la lettre aux Philippiens, où nous apparaissons…
« comme des sources de lumière dans le monde, vous qui portez la parole de
vie : c'est ma gloire pour le jour de Christ, puisque je n'aurai pas couru pour
rien ni peiné pour rien. (Ph 2,15-16)
Ces paroles sont un contrepoint
bienvenu aux mots du Christ : être lumière, et devenir « Source de
lumière » …
Nous ne portons pas cette lumière
pour seulement «avoir de l’éclat, briller en société »… mais notre
lumière est appelée à inspirer et conduire vers une même clarté.
Si nous « portons la parole
de vie » (16) et si, comme l’apôtre Paul, nous espérons ne pas voir peiné
pour rien… Et pour que notre saveur persiste, pour que notre clarté soit plus
qu’un éclat passager, nous avons une ressource, celle à laquelle Jésus nous
invite : amassez-vous des trésors dans le ciel, où ni les mites ni les
vers ne font de ravages, où les voleurs ne percent ni ne dérobent. Car où est
ton trésor, là aussi sera ton cœur. (Mt 6,19-21)
Pour conclure, si nous sommes le
sel de la terre et la lumière du monde… C’est parce que le Christ l’a été avant
nous. Et parce qu’aujourd’hui encore il nous assaisonne du feu de son Esprit et
nous illumine de sa vive présence !
Pour conclure, si nous sommes le
sel de la terre et la lumière du monde… C’est parce que le Christ l’a été avant
nous. Et parce qu’aujourd’hui encore il nous sale du feu de son Esprit et nous
éclaire de sa vive présence !
Amen
Le sermon sur la montagne, illustré par
Berna
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