En méditant ce texte, j ’ai pensé donner ce titre à cet épisode : Quand Jésus relève un salaud en le faisant descendre de sa cachette. Ce titre en un peu cru, c’est vrai, mais il a l’avantage de nous rappeler clairement ce que l’on pouvait penser de Zachée au temps de Jésus !
Courte prédication offerte aux détenu.e.s des prisons à Genève. Evangile du jour : Luc 19,1-10 (Jésus rencontre Zachée)
Zachée est le genre de personne que l’on accusait (avec raison d’ailleurs) de profiter de leur travail pour s’enrichir malhonnêtement. De plus, il collaborait avec l’occupant romain (en lui versant l’impôt dû à César) et, pour couronner le tout, il était un « mauvais pratiquant » de la loi de Moïse ! Comme on dit : « On ne peut pas faire mieux en mal ! » Et inutile de préciser que Zachée était détesté de la population.
Mais Jésus montre, dans les Evangiles, une ouverture à rencontrer de
genre de personne, ceci au mépris de la règle des rabbins de s’abstenir de tout
lien avec eux. Jésus, non seulement les rencontre, mais il mange avec eux. Or, « manger
avec des pêcheurs », c’est être en communion avec des gens
jugés impurs, et de fait, devenir impur soi-même ! Cette
ouverture de Jésus lui vaudra le reproche d’être « l’ami des gens de mauvaise vie, l’ami
des pécheurs. » ! (Lc 7,34)
C’est peut-être cette réputation qui a fait l’intérêt de Zachée pour Jésus ?
Ou bien, était-ce la gêne de s’intéresser publiquement à Jésus ? Ou encore,
voulait-il « voir sans être vu » en venant se cacher dans ce
sycomore ? Mais cela ne marche pas : il est repéré ! Dans le
fond, on ne peut pas s’intéresser à Jésus sans conséquences. S’intéresser à
Jésus, c’est provoquer le sens profond de sa mission. Il l’affirme clairement
dans l’Evangile de Jean : « Tous
ceux que le Père me donne viendront à moi, et celui qui vient à moi, je ne le
rejetterai pas… » (Jn 6, 37-38).
L’accueil de Jésus produit un scandale pour la foule en même temps qu’un
bouleversement profond chez Zachée. Jésus lui adresse un « Il me faut aujourd’hui
demeurer dans ta maison » (5). Pas seulement prendre un pot dans un bistrot… Non : « demeurer
dans ta maison » !
Le Christ vient dans la demeure de Zachée comme il vient dans son être intime et profond. Il le fait descendre de sa cachette, il le fait quitter sa honte, il l’appelle à venir au grand jour, à quitter cette vie où il dérobe la richesse des autres pour cesser de se dérober à la vraie richesse qui est à lui ! Jésus débusque ce pécheur caché, Jésus parle à cet homme rejeté par tous, Jésus passe outre tous les reproches légitimes que l’on pourrait lui faire pour entrer chez lui !
Et la réaction de Zachée ne se fait pas attendre : il descend de son arbre « tout joyeux » (6), comme s’il attendait que cela ! Comme si on
lui offrait enfin une porte de sortie !
On ignore tout de qui s’est passé et dit dans la maison de Zachée… Mais on
connait le changement : le don que Zachée fait aux pauvres et, plus encore,
la réparation des torts fait aux autres, et bien au-delà de ce que la loi exigeait !
Zachée est touché par la grâce et il fait grâce… Son pardon lui ouvre les
portes de la bonté, de la générosité. Il ne dérobe plus pour lui-même, il donne
de lui-même. Il ne vit plus pour lui-même, il vit de la vie du Christ !
Et cela rejoint les derniers mots de Jésus dans cet épisode : « Aujourd’hui le salut est
entré dans cette maison (…) En effet, le Fils de l’homme est venu chercher et
sauver ce qui était perdu. » (9-10) La clé de cet accueil qui fait tant « murmurer » les
bien-pensants est là, et Jésus le dira tout aussi clairement dans un épisode
similaire de l’Evangile de Marc,: « Ce ne sont pas les bien
portants qui ont besoin de médecin, mais les malades ; je suis venu
appeler non pas les justes, mais les pécheurs. » (Mc 2,17).
Jésus n'appelle pas
bien ce qui est mal, mais il affirme ce que le bon sens devrait nous rappeler :
comment un malade pourrait-il guérir s’il ne voit pas un médecin ? Comment
sauver ce qui était perdu sans aller à sa recherche ? Comment un salaud
pourrait-il abandonner le mal qu’il fait sans être rencontré dans la vérité de
l’amour ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire