mardi 9 février 2021

Le Notre Père du prisonnier (1 - Vous donc, priez ainsi...)

Je publie ici les courtes prédications, sur chacune des paroles du NNotre Père, dans l’Évangile selon Matthieu (6, 9-13), que j'ai partagées avec les détenus des prisons à Genève.

Pour ceux qui l’ignorerait, les conditions de l'organisation des célébrations dans les prisons limitent la durée de leur déroulement. Et je n'ai que 5 minutes (avec sa traduction anglaise) pour partager une prédication avec les détenus.

Le titre de ces articles me vient d'une prière du Frère Dominicain Philippe Maillard: Le Notre Père du prisonnier (ou la prière des sans voix). Aujourd'hui décédé, il fut très engagé auprès des personnes en situation de précarité.

Il a laissé une magnifique paraphrase du Notre Père que je publierai dans un article en parallèle à ces publications.

Mais pour le moment... 

 

"Vous donc, priez ainsi : Notre Père qui est aux cieux." (9)

 

Nous venons de lire une prière qui a plus de 2000 ans! Depuis le début du christianisme, elle est dite par les disciples du Christ, et aujourd’hui, elle est prononcée en commun par les chrétiens de toutes confessions, à la suite de cet enseignement de Jésus.

 

Mais cette prière, ce ne sont pas que des mots à savoir et à dire. Jésus attend de nous plus qu’une récitation ! À ses disciples qui lui demandent une prière, Jésus leur donne un signe de reconnaissance et de communion. 

 

Une reconnaissance de nos frères et sœurs et une communion intime en Dieu.

Mais j’aimerais prendre le temps de lire avec vous, ce matin, les mots de Jésus qui précèdent cette prière, dans le texte de Matthieu.

 

"Gardez-vous de pratiquer votre religion devant les hommes pour attirer leurs regards." (1)

 

Jésus ne critique pas le fait de prier ensemble, de manière visible, lors de nos célébrations, mais il parle bien d’hypocrisie… il dénonce une pratique religieuse qui n’est exprimée que pour se mettre en valeur devant les autres !

 

Le théologien Daniel Marguerat note que Jésus nous appelle à passer du paraître à l’être, et il précise : "La valeur d’une personne ne se joue pas dans ce qu’elle fait sous le regard des autres, mais dans sa relation filiale au Père qui voit dans le secret."

 

Et prier, c’est pour Jésus, entrer "dans ta chambre la plus retirée, verrouille ta porte et adresse ta prière à ton Père qui est là dans le secret." (6)

Cette « chambre » où Jésus nous invite, n’est pas seulement un lieu à l’écart, cette chambre est aussi une attitude de discrétion, d’humilité. Symboliquement, nous pouvons penser à notre être intérieur.

Dieu voit donc dans l’intime de notre être… ? Voilà qui pourrait être inquiétant !

Mais ce Père dont parle Jésus n’est pas un juge intransigeant prêt à nous faire des reproches… Sa présence dans le secret est une relation d’authenticité, sans complaisance, mais avec bienveillance. Dès lors, notre Père céleste s’attend à ce que nous soyons aussi vrai avec lui qu’il l’est avec nous.


Ainsi, le Notre Père qui est aux cieux est précédé par le Notre Père qui voit dans le secret : pas la peine de faire le show, pas la peine de se cacher, pas la peine d’avoir peur. Simplement être là, dans sa présence, et laisser le Père céleste nous voir – nous rencontrer.

 

Lorsque nous disons le Notre Père, Jésus nous invite encore à la confiance. "Quand vous priez, ne répétez pas comme les païens ; ils s’imaginent que c’est à force de paroles qu’ils se feront exaucer." (7)

 

Notre confiance en Celui qui nous écoute quand nous sommes en prière ne se mesure pas au nombre de paroles, ni à leur vitesse, ni à leur répétition… un flot de paroles, ne sert à rien non plus. Pourquoi ? "… car votre Père sait ce dont vous avez besoin, avant que vous le lui demandiez." (8)

 

S’il sait, alors pourquoi prier ? Le Réformateur Martin Luther a écrit que "Par nos prières, nous nous instruisons nous-mêmes, plus que nous instruisons Dieu." Le Réformateur ouvre ainsi la prière comme un espace de dialogue avec Dieu pour partager nos besoins, nos craintes, nos désirs…

 

Mais il y a plus intime encore. Saint Augustin a écrit : "Tout désir qui appelle Dieu en nous est déjà une prière." La prière comme un soupir, un désir de Dieu, de sa présence…? Et que dire du simple fait de se tenir en silence devant Dieu – qui est encore prière ?

 

Ainsi, le Notre Père qui est aux cieux est précédé du Notre Père qui sait ce dont nous avons besoin. Et parler avec quelqu’un qui sait, ce n’est pas inutile, mais rassurant. Prier, c’est s’approcher de Dieu et vivre… et donner du sens à notre vie.

 

Amen.

 


 

 

jeudi 28 janvier 2021

... Et je ferai de vous des pêcheurs d'hommes

Musique (Jacob's ladder - Gospel)

 

Une méditation (lors de mon dernier jour de garde aux HUG). 

 

Dès lundi, je ne travaillerai plus qu’à l’Aumônerie Œcuménique des prisons, à temps partiel. Pour cet au-revoir, j’ai souhaité partager avec vous un passage de l’Évangile selon Marc :

 

16Comme il passait le long de la mer de Galilée, il vit Simon et André, le frère de Simon, en train de jeter le filet dans la mer : c’étaient des pêcheurs. 17Jésus leur dit : « Venez à ma suite, et je ferai de vous des pêcheurs d’hommes. » 18Laissant aussitôt leurs filets, ils le suivirent. 19Avançant un peu, il vit Jacques, fils de Zébédée, et Jean son frère, qui étaient dans leur barque en train d’arranger leurs filets. 20Aussitôt, il les appela. Et laissant dans la barque leur père Zébédée avec les ouvriers, ils partirent à sa suite.  (Mc 1, 16-20 - TOB)

 

Ce texte m’accompagne depuis de très nombreuses années. Il a résonné en moi très fortement et je l’ai perçu comme un appel qui m’était personnellement adressé : « Je ferai de toi un pécheur d’hommes… »

 

Je n’ai pourtant jamais compris cette parole comme un appel a capturer des hommes, comme on le fait des poissons dans un filet… Les capturer non, mais accepter de partir en quête de l’humain, oui, travailler à les rassembler, oui… les accompagner aussi !

 

Car le Maître qui nous appelle nous veut libre. Et il nous demande d’être en marche avec lui et à son école de la rencontre – voyez plutôt dans ce texte : « Comme il passait… Il vit… Avançant un peu… il vit… ». Être pêcheur d’homme avec lui, c’est apprendre à porter de l’attention à autrui. 

 

« Venez à ma suite… »  Devenir son disciple est une démarche qui nous conduit bien au-delà de ce que nous pensions… car devenir « pécheur d’hommes », c’est accepter de partir dans une extraordinaire aventure humaine… et spirituelle.

 

En somme, je ne fais qu’une chose : aller à la rencontre de l’humain, le chercher, l’écouter, le rassembler, le conduire toujours plus près de lui-même. Et s’il le souhaite, plus près du Christ.

 

Une folle prétention peut-être ? Ou un humble ouvrage dans la confiance en celui qui m’a appelé ? Ce qui est sûr, c’est que je m’y risque « sans filet »… Car, c’est le moment de le souligner : pour le suivre, « ils abandonnèrent leur filet » ! 

 

Musique (Walking in the light)

 

Dire ensemble l’hymne du la lettre aux Colossiens (Psautier œcuménique : NT 6, p.336)

 

Frère Roger a écrit : « Dieu de paix, même si nous sommes fragiles, nous désirons te suivre sur le chemin qui nous conduit à aimer comme tu nous aimes. »

 

Merci pour votre amitié au cours de ce temps que j’ai passé parmi vous. Et bonne journée à chacune et chacun.

 


Illustration: Berna Lopez.

vendredi 22 janvier 2021

« Voulez-vous un café ? Servez-vous en biscuits ! »

(Je publie ici un article de "La Vie Protestante", en Juillet 2015)

L’entrée en matière amicale d’Eric Imseng est toujours très appréciée des détenus. "Ils me disent combien cet accueil est important pour eux."

La plupart sont cantonnés 23 heures par jour dans une cellule à plusieurs places. La surpopulation carcérale complique tout et allonge les délais. Une vingtaine de prisonniers figurent sur la liste d’attente pour voir un aumônier.

Les plus assidus, Eric Imseng les rencontre une fois par semaine, durant quelques semaines, et parfois deux, trois, voire même quatre ans! Une durée spécifique aux accompagnements des aumôniers de prison à Genève. 

"J'ai l'habitude de dire que ce sont eux les « patrons »" de ce qui se vit durant ces entretiens: "Je n’ai pas d’attente envers eux, j'offre juste une "oreille nue" pour les entendre. C’est un espace privilégié de rencontre, car nous sommes en tête-à-tête. Leur parole est libre".  

Cela peut paraître simple... Mais c'est justement cela qui fait la richesse de ce qui est partagé. "Ils peuvent être eux-mêmes et nous plaisantons parfois ensemble. C’est un des rares endroits où ils n’ont rien à justifier". Dans ce lieu clos qu’est la prison, beaucoup traversent des périodes d’anxiété et de détresse. Y arriver est stressant, tout comme en partir.

L’aumônier rencontre entre 70 et 80 détenus par année, de toutes les religions de toutes les confessions - et de toutes les convictions! Il propose une écoute, une assistance et un accompagnement spirituel, le tout avec empathie: "Je les accompagne tout au long de leur cheminement en les acceptant tels qu’ils sont et au stade où ils en sont. Nous explorons ce qu’ils vivent et comment ils gèrent leur quotidien. Nous parlons aussi de ce qui s’est passé et je les aide à envisager l’avenir hors de la prison."

Eric Imseng ne parle religion que si cela vient d’eux, avec une préférence pour les psaumes et le Nouveau Testament. Leur entretien se termine alors par une prière. Parfois, ce cheminement peut aboutir à leur procurer une Bible: "Sa lecture est une source de stimulation pour réfléchir sur soi et se projeter. Elle ouvre des perspectives. Mais je leur propose également des ouvrages de développement personnel par exemple, selon les questions ou difficultés qu'ils rencontrent. il y n'a a pas d'intention prosélyte dans notre action." 

Notre Charte de l'Aumônerie œcuménique des Prisons précise en une ligne notre engagement: "Offrir une présence humaine, un accueil et un accompagnement en milieu carcéral, dans un esprit d'ouverture aux diverses confessions, religions et convictions."



La vie que tu t'es imaginée?...

Il y a bien des « vivre » a traverser dans notre existence: joyeux, douloureux, paisibles, patients, animés - très animés (si vous avez été parents, par exemple). Des « vivre » à offrir, à consentir, ... et à choisir.

Cette citation d’Henry James m’accompagne depuis longtemps et elle m’a encouragé à persévérer dans des « vivre » à changer, à transformer, pour passer de la frustration à la création... avec ce brin d’utopie qui précède bien des changements.
 
« La vie que tu t’es imaginée ». Ces passages vers un autre « vivre », j’en ai vécu quelques uns... Jamais facile, comme la pub pour un remède miracle ! 
 
Hésitant et craintif - même incrédule parfois, j'ai fais un premier pas qui semblais me coûter un bras... et puis ça tient, et ça craque, et tu recules, et tu te dis qu'il vaut mieux abandonner. Mais tu reprends, et tu fais deux pas de plus... et encore et encore. 
 
Et puis soudain c’est arrivé! Tu te sens comme après une randonnée en montagne : aussi heureux qu'éreinté... ébloui par le paysage que tu découvres !
 
Et tu découvres le sourire amical de celles et ceux qui, près de toi, ont osé te dire « essaye »... Oui : ce chemin vers ma vie désirée, je pense ne l'avoir jamais atteint seul, même si personne n’a marché à ma place. Encore que parfois... je me rappelle avoir été porté...
 
Alors « vivre la vie que tu t'es imaginée » ce fut pour moi des « pas possible » ou des "trop compliqués » dépassés pourtant. J’ai aujourd’hui, ce regard en arrière qui me rappelle que ce "vivre", il m’a fallut autant le conquérir que l’accueillir.
 

 

Er vous accomplirez ainsi la loi du Christ (La prière de Jésus)...

En désignant l’illustration proposée sur un feuillet à l’assemblée – Votre illustration sur le blog) : « Jésus leva les yeux au ciel et di...