vendredi 26 février 2021

Le Notre Père du prisonnier (4 - Que ton Régne vienne...)

Je poursuis la publication de courtes prédications, offertes aux détenus.e.s des prisons à Genève, sur chacune des paroles du Notre Père, dans l’Évangile selon Matthieu (6, 9-13).

Pour ceux qui l’ignorerait, les conditions de l'organisation des célébrations dans les prisons limitent la durée de leur déroulement. Et je n'ai que 5 minutes (avec sa traduction anglaise) pour partager une prédication avec les détenus.

Le titre de ces articles me vient d'une prière du Frère Dominicain Philippe Maillard: Le Notre Père du prisonnier (ou la prière des sans voix). Aujourd'hui décédé, il fut très engagé auprès des personnes en situation de précarité.

Il a laissé une magnifique paraphrase du Notre Père que j'ai également publié dans un article précédent. 

Mais pour le moment.. 

"Notre Père ... , que ton Règne vienne." (10)

Jésus disait : « Il en est du Règne de Dieu comme d’un homme qui jette la semence en terre : qu’il dorme ou qu’il soit debout, la nuit et le jour, la semence germe et grandit, il ne sait comment. D’elle-même la terre produit d’abord l’herbe, puis l’épi, enfin du blé plein l’épi. Et dès que le blé est mûr, on y met la faucille, car c’est le temps de la moisson. » (Mc 4,26.29) 

 

Vous avez sans doute reconnu la parabole de la semence qui pousse d’elle-même ? Elle souligne la force naturelle de cette semence qui se développe et produit son épi jusqu’à la moisson. Comme l’on dit : « Rien ne sert de tirer sur la plante pour la faire pousser ! » Elle donnera son fruit en sa saison. Ainsi en est-il du Règne de Dieu ! 

 

Jésus a utilisé ces récits que l’on nomme paraboles. Son intention : nous aider à saisir la valeur de ce Règne de Dieu parmi nous. Et qu’il n’est pas là par hasard ! 

 

Que ton Règne vienne. Ces quatre mots du Notre Père, Jésus les a déjà prononcés, un peu plus haut dans cet Évangile, lorsqu’il annonce : « Le Règne de Dieu s’est approché » (3,2). 

 

Que ce Règne vienne… que ce Règne se soit approché… qu’est-ce que cela veut dire ? Ce Règne est-il déjà arrivé ou faut-il l’attendre encore ? Et s’il s’est approché, pourquoi demander qu’il vienne ? Où le voir ? Comment le reconnaître ? 

 

Des théologiens ont résumé la particularité de ce Règne à l’aide de deux mots : déjà – et pas encore. En ce sens que ce Règne existe déjà dans le monde, mais pas encore reconnu par tous. 

 

Le Règne de Dieu c’est tout d’abord, dans le Premier Testament, l’affirmation qu’il appartient au Seigneur depuis toujours. Dans le Psaume 103, par exemple : « Le Seigneur a établi son trône dans les cieux et sa royauté domine tout » 

 

Mais le Christ lui a donné une dimension nouvelle : il est désormais présent comme jamais auparavant. Le Christ lui a donné un corps, une parole. Il a montré des gestes qui disent son importance et sa valeur. Le Christ à fait venir le Règne de Dieu à la rencontre des humains, et plus qu’un pouvoir, il leur offre une relation à Dieu, Notre Père, plus libre, plus authentique, plus proche. 

 

Ainsi, « Que ton Règne vienne », demande à Notre Père que ce qu’il a commencé en Jésus, soit bientôt pleinement achevé en Dieu ! On le comprend un peu mieux : le temps – quand ce Règne sera-t-il accompli? Et le lieu – où ce Règne se trouvera-t-il ? ont trouvé leur réponse dans une personne… Jésus, le Christ ! 

 

Pratiquement, le Règne de Dieu ne se réalise pas comme un tour de grande illusion : on ne voit rien… et puis d’un coup, il est là ! Avant de le voir, nous sommes invités à l’accueillir… Nous pouvons même dire que nous sommes appelés à le laisser s’épanouir en nous… car certaines paroles de Jésus laissent entendre que ce Règne est là… au cœur de notre être ! 

 

Ce Règne nous pourrions le nommer « inspiration, autorité, valeurs »… Mais il a un signe visible, sensible : l’amour. L’amour de Dieu et de son prochain. Et nous le savons de Jésus lui-même : le prochain, c’est celui qui aime… au-delà des apparences faciles, mais inutiles ! 

 

« Cherchez premièrement le Royaume des cieux et sa justice » nous dit encore Jésus dans cet Évangile (6,33). Avec la promesse de recevoir tout ce dont nous aurons besoin pour le vivre. 

 

Ainsi, la présence de ce Règne de Dieu s’accomplit dans la confiance !


mercredi 24 février 2021

Instants saisis...

Entretien... (extrait):
 

Elle (petit sourire) : ...avec l’âge, je commence à avoir un cerveau d’homme : j’ai de plus en plus de peine à faire deux choses en même temps.
 

Eric (petit sourire de même) : ben moi, je dois être en train d’avoir une vessie de femme : j’ai de plus en plus de peine à me retenir longtemps !
 

(Rires sonores...)
 

Dans mon ministère, il y a des moments difficiles... mais PAS QUE, n’est-ce pas ? 


 

mardi 16 février 2021

Le Notre Père du prisonnier (3 - Que ton Nom soit sanctifié...)

Je poursuis la publication de courtes prédications, offertes aux détenus.e.s des prisons à Genève, sur chacune des paroles du Notre Père, dans l’Évangile selon Matthieu (6, 9-13).

Pour ceux qui l’ignorerait, les conditions de l'organisation des célébrations dans les prisons limitent la durée de leur déroulement. Et je n'ai que 5 minutes (avec sa traduction anglaise) pour partager une prédication avec les détenus.

Le titre de ces articles me vient d'une prière du Frère Dominicain Philippe Maillard: Le Notre Père du prisonnier (ou la prière des sans voix). Aujourd'hui décédé, il fut très engagé auprès des personnes en situation de précarité.

Il a laissé une magnifique paraphrase du Notre Père que j'ai également publié dans un article précédent. 

Mais pour le moment.. 

"Notre Père ... , que ton Nom soit sanctifié." (9)

"Le dieu inconnu" était une divinité vénérée par les grecs anciens. En plus des dieux principaux de l’Olympe, ils reconnaissaient l’existence d’innombrables divinités mineures. Pour ne pas risquer d’en ignorer une, ils ont choisi de confesser leur ignorance en inscrivant sur un Autel d’Athènes cette dédicace : "A un dieu inconnu."


Le livre des Actes rapportent la tentative de l’apôtre Paul d’attribuer cette dédicace au Dieu créateur qu’il venait annoncer aux athéniens. La chose ne se passait pas trop mal, jusqu’au moment où Paul parla de la résurrection à venir… avec l’échec ou la demi-réussite que l’on sait.

 

"A un dieu inconnu" ? La Bible nous présente un dieu qui se fait connaître, en particulier à Moïse, dans le livre de l’Exode.  À sa demande, Moïse reçoit même son Nom, que l’on peut traduire : "Je suis qui je suis (ou qui je serai)." Ainsi, quelle que soit la particularité de la traduction, ce nom dit clairement L'ÊTRE de Dieu…

 

Et quand Jésus, dans cette prière le nomme "PÈRE", il nous invite à entrer dans une relation authentique et confiante avec une personne qui EST. Sa prière est plus qu’un texte à répéter : elle est une inspiration, elle insuffle en nous la liberté de s’adresser à Dieu "Notre Père", sans peur, sans honte, sans feinte.

 

« Notre Père qui est aux cieux, que ton nom soit SANCTIFIE »

 

Dans la littérature biblique, le Nom désigne respectueusement la personne de Dieu. Mais avec quel autre mot pourrait-on nommer notre respect pour le Nom de Dieu ? (Échanges avec les détenu.e.s) :  « sanctifier », « honorer », « respecter », « célébrer » ... Ces mots, que nous avons choisis ensemble, disent ce que nous désirons vivre en présence de Notre Père. La sainteté de Dieu est appréciée à sa juste valeur lorsque nous expérimentons ces bienfaits dans notre vie.

 

"Saint" signifie qui appartient à Dieu seul ! "Saint" est une manière de dire que Dieu existe par lui-même, il n’est dépendant de rien ni personne. On ne peut ajouter quoi que ce soit à la personne de Dieu, à l’existence de Dieu. Dieu n’est donc pas notre propriété.  Sanctifier Dieu, c’est accepter que ce que je sais de lui est limité. D’autres, différents de moi, peuvent aussi sanctifier Dieu.

 

Une petit anecdote à ce sujet : un moine chrétien (Christian de Chergé), qui pratiquait un dialogue intense avec des croyants musulmans, utilisait une image pour en parler. Il disait : "Nous construisons ensemble notre puits" (sous-entendu, nous sommes en quête de Dieu ensemble, avec nos différences). 

 

Un jour, en plaisantant, il dit à son interlocuteur : "A ton avis, au fond de notre puits, qu’allons-nous trouver ? De l’eau musulmane ou de l’eau chrétienne ?" Son ami lui répondit alors : "Je pense que, au fond de ce puits, nous trouverons tout simplement de l’eau de Dieu !"

 

Je crois que la foi en Dieu est une quête constante de la connaissance de Dieu, dans la relation avec autrui. Un philosophe a écrit: "Si Dieu est quelques part, c'est dans le visage de l'autre."  

 

Ainsi, lorsque de la violence est commise au nom de Dieu, il n’est pas sanctifié c’est certain ! Faire mourir quelqu’un parce qu’il ne croit pas comme moi, c’est prendre le risque de mettre à mort une expression de la sainteté de Dieu !

Et nous, accepterons-nous de sanctifier le Nom de Dieu ? Accepterons-nous de vivre avec confiance et authenticité auprès de "Notre Père" ? Consentirons-nous à notre fragilité pour découvrir notre sainteté ?  

Lorsque nous prions "... que ton nom soit sanctifié" :

 

… nous disons que Dieu est saint, qu’il est aussi unique et différent que tout ce qui existe dans cette création.

 

… nous disons que Dieu est proche dans l’histoire du monde comme dans notre vie quotidienne et que nous attendons avec confiance que son œuvre arrive à son but.

 

… nous disons que nous reconnaissons en Dieu notre Père et que nous souhaitons l'honorer et le respecter.

 

… nous disons enfin que nous avons confiance que ce que nous entreprenons pour lui et avec lui n’est pas vain, malgré nos limites et nos imperfections.

 

Le pasteur Philippe Zeissig notait, avec autant de clarté que de finesse : "Sanctifier le nom de Dieu, c’est l’accueillir dans notre vie comme le Soleil est accueilli dans le Ciel. C’est laisser ce Nom irradier notre être intérieur ; c’est en tirer notre inspiration et notre paix."

 

"Ainsi soit-il" pour nous , ensemble, aujourd'hui et toujours.

 


 

Er vous accomplirez ainsi la loi du Christ (La prière de Jésus)...

En désignant l’illustration proposée sur un feuillet à l’assemblée – Votre illustration sur le blog) : « Jésus leva les yeux au ciel et di...